Macron et sa majorité en ballotage favorable pour un second tour serré

LEGISLATIVES. Coup de chaud pour la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron. Au terme du premier tour, la majorité pourrait n'être que relative. Si le chef de l'Etat évite le pire, pour lui, la cohabitation avec la Nupes de Mélenchon, il pourrait bien être condamné à gouverner avec le parti Horizons d'Edouard Philippe voire même avec les Républicains. Bref, c'est le retour d'un clivage droite-gauche dans la vie politique française, sur fond de montée des extrêmes.
Philippe Mabille
Emmanuel Macron
Emmanuel Macron (Crédits : BENOIT TESSIER)

Avec une abstention à un record historique de plus d'un inscrit sur deux et notamment de la jeunesse, qui fait plus que jamais de la France une « démocratie des vieux », le résultat du premier tour des élections législatives a réservé ce dimanche son lot de surprises. Il se traduit par un net recul de la majorité présidentielle par rapport à la chambre élue en 2017, et maintient le suspense sur la capacité du président sortant à disposer d'une majorité absolue de plus de 289 députés pour avoir les mains libres au cours de son second quinquennat.

La coalition Ensemble qui rassemble LREM, le Modem, le parti Horizons de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et le petit parti Agir obtiendrait en effet entre 255 et 295 sièges à l'issue du second tour, contre 359 en 2017. Ce n'est pas une défaite, la majorité absolue ou même relative reste possible, mais en nombre total des voix, la Nupes et Ensemble sont au coude à coude avec 26% des exprimés, ce qui en soit sonne comme un désaveu pour le président sortant, réélu en partie grâce aux voix de Jean-Luc Mélenchon le 24 avril dernier.

Mélenchon semble néanmoins avoir perdu son pari de prolonger la présidentielle en se faisant élire « élire Premier ministre » : avec 150 à 190 sièges, la coalition Nupes ne pourra pas imposer de cohabitation mais cette gauche où LFI sera majoritaire devant le PS et les Verts avec moins de 30 sièges chacun sera plus vocale à l'Assemblée nationale, malgré l'absence physique de Jean-Luc Mélenchon qui ne s'est pas représenté à Marseille. Le coup médiatique du leader des Insoumis a donc fonctionné, la Nupes étant présente au second tour dans 500 circonscriptions. C'est une victoire pour la gauche qui ressuscite et s'affirme comme la deuxième force du Parlement et donc la première opposition à Emmanuel Macron.

Toujours en regardant les résultats nationaux, on retrouve dans ce premier tour des Législatives la partition en trois grandes forces de la politique française, le Rassemblement national ayant réalisé 19% des voix et fait obtenir plus de 50% des voix dès le premier tour à sa candidate Marine Le Pen. Mais, c'est un véritable problème pour la représentation des forces politiques du pays, le RN n'obtiendrait que 20 à 45 sièges, soit pas forcément assez pour obtenir un véritable groupe (15 députés).

Au terme du second tour, ce sont trois scénarios très différents qui attendent donc Emmanuel Macron. Celui d'une cohabitation imposée d'emblée par la gauche est très incertain même si Jean-Luc Mélenchon a enjoint « le peuple de gauche à déferler » dimanche prochain dans les urnes, avec l'espoir d'avoir des réserves de voix chez les abstentionnistes, ce qui ne s'est jamais produit à date lors d'une élection, l'abstention reste stable d'un tour à l'autre.

Les deux autres scénarios dépendent de la mobilisation des électeurs de Macron et de ceux de la droite. Si la majorité obtenue par le président est absolue, même si c'est serré, le gouvernement d'Elisabeth Borne, en tête dans sa circonscription en Normandie, pourra agir rapidement et mettre en œuvre le programme présidentiel d'Emmanuel Macron. La Première ministre a appelé dimanche les électeurs à faire ce choix de la « cohérence ».

Mais si c'est une majorité relative, scénario plus probable au vu des projections de ce premier tour, Emmanuel Macron se retrouverait alors dans la situation de François Mitterrand en 1988, avec un Rocard à Matignon obligé de construire des majorités de circonstances, en draguant des voix à droite ou à gauche, en fonction des projets de loi. Pour Emmanuel Macron, ce serait « un retour à la 4ème République », ce qui est sans doute un jugement un peu excessif, mais en tout cas un contre-pouvoir sérieux.

Un dernier acteur, la droite républicaine, pourrait alors jouer un rôle majeur dans la future assemblée. Avec 11,4% des voix, Les Républicains font un peu mieux qu'à la Présidentielle avec Valérie Pécresse mais n'obtiendraient que 50 à 80 sièges de députés contre 131 en 2017. Alors que le parti Reconquête et Eric Zemmour ne parviennent pas à se remettre de leur échec à la présidentielle (Eric Zemmour est même éliminé dans le Var à Cogolin !), la droite traditionnelle peut espérer devenir le pivot du quinquennat si Macron n'a pas de majorité absolue. Le chef de l'Etat devra alors faire appel à LR pour faire passer ses réformes les plus libérales, que ce soit dans le cadre du budget ou la réforme des retraites.

Un autre indicateur important est à suivre, celui de la décomposition des sièges au sein de la majorité présidentielle, même si elle est absolue : LREM obtiendrait en effet entre 189 et 219 sièges, le Modem de François Bayrou entre 45 et 50 sièges, et ce serait donc le parti Horizons d'Édouard Philippe, avec 21 à 26 députés, qui ferait tenir Ensemble la majorité. On comprend mieux pourquoi Emmanuel Macron a refusé de donner à son ancien Premier ministre et maire du Havre 80 députés en position éligible. Car c'est bien lui qui sera dimanche prochain le plus à même « d'emmerder Emmanuel Macron », en tout cas de faire pencher à droite et vers la rigueur budgétaire sa coalition allant du centre gauche au centre droit. Dans une alliance improbable entre la Nupes et Horizons, le président sortant n'aurait donc plus les coudées aussi franches pour gouverner qu'au cours de son premier mandat. Alors que la semaine de l'entre-deux-tours promet une météo caniculaire sur tout l'Hexagone, avec peut-être de nouveaux orages pour le week-end, on peut prédire sans se tromper un gros coup de chaud pour Emmanuel Macron à l'Assemblée nationale.

Philippe Mabille

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Commentaires 19
à écrit le 13/06/2022 à 14:37
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Les partis traditionnels n’existent plus, balayés non par une idéologie de l’extrême mais par la perte de repères clairs dans l’action et le discours. Le seul responsable de notre déconfiture est pour moi le régime présidentiel agencement de circonst...

à écrit le 13/06/2022 à 11:45
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La différence entre l'Ensemble macronien et la N.U.P.E.S. est l'utilisation de la monnaie; pour l'un, l'argent est "un but", pour l'autre, c'est "un moyen"! ;-)

à écrit le 13/06/2022 à 11:35
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En macronie, quand on entend parler de soutien au "cas par cas" c'est simplement que l'on achète pécunierement l'un ou l'autre candidats mais sûrement pas le programme!

à écrit le 13/06/2022 à 10:39
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Moi je me pose la question suivante : si Macron n’obtient pas la majorité absolue mais une majorité relative à l’Assemblée que se passera-t-il pour la suppression de la redevance TV ? Sera-t-elle tout de même abandonnée car, si c’est le cas, je me di...

le 13/06/2022 à 11:00
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Si pour vous voter pour l'avenir de la Nation se limite à une taxe de 138 euros par an, c'est que l'intérêt général n'a pas beaucoup de valeur.

à écrit le 13/06/2022 à 10:05
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NAPOLEON et la retraite de Russie

à écrit le 13/06/2022 à 9:55
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Un détail "marrant", le meilleurs moyen pour éviter une majorité NUPES en cas de duel NUPES/RN, c'est de voter RN. On va voir si les électeurs de Macron vont préférer la majorité NUPES ou le RN.

le 13/06/2022 à 10:40
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a mon avis, les votants la rem sont plus proche du rn que de la nupes, le corpus idéologique est le tronc commun. lorsque l'on voit les textes de lois de macron, sur "le séparatisme" et autres autour de la sécurité, il n'y a pas de doute que les lr ...

à écrit le 13/06/2022 à 9:51
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euh, hormis le polpot francais, personne ne veut finir comme le Venezuela, avec 2 euros par jour pour vivre pour 95% de la populaton........ca ne vient a l'idee de personne que c'est pas parce que 25% de fachos hurlent qu'ils ont la majorite que c...

le 13/06/2022 à 17:22
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"75% des francais n'ont pas vote pour les fachos......" Et 53% n'ont pas voté du tout ,la majorité.En fin de compte ,les partis politiques comme Nupes ou Ensemble ont obtenu environ 12% chacun des voix des français.

à écrit le 13/06/2022 à 8:34
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Il faut priver Macron d'une majorité absolue. S'il est contraint de former une coalition avec LR pour gouverner, on aura peut être enfin une politique de droite après 5 ans de centre gauche. Surtout sur la sécurité, l'immigration, le sociétal.

le 13/06/2022 à 10:45
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centre gauche? ah ah ah vous n'assumez pas la politique libérale de hollande qui a conduit au turbo capitalisme de macron !!! franchement c'est une farce !!! comme si les lr et larem n'étaient pas déjà la main dans la main !!! et puis, avec un état...

le 13/06/2022 à 12:06
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Vous rêvez .. une politique de droite ..? Lol est s est compromise a fait preuve de son inefficacité depuis 40 ans… c est le combat des égos et des chapelles l’intérêt du pays ils s’en foutent , la droite française n a jamais été. Au dessus du ps po...

à écrit le 13/06/2022 à 7:58
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Il faut vaincre le signe indien et empâcher totalement Melenchon d'être premier ministre. On ne veut pas d'un rouge sovietisé à la tête de l'état français. Non et renon. Voter pour les candidats et les candidates ensemble !

le 13/06/2022 à 9:31
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Pas de panique ! Avec le report des voies FN et LR au deuxième tour, ça va être tranquille.

le 13/06/2022 à 9:32
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Vous voulez le retour de l'esclavage? Vous croyez que votre famille restera dans les "dominants"? L'épisode récent au stade de France de mensonges et manipulations niveau CP ne vous suffit pas? La France, seul pays au monde où les préfets/ministres ...

le 13/06/2022 à 10:49
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pardon, mais macron est celui qui soviétisé les entreprises pendant le covid ! c'est la dette donc nos impôts qui ont payé !!! quant au rouge, disons qu'il suffit de voir la privation de liberté pendant le covid pour comprendre que ce que vous décri...

à écrit le 12/06/2022 à 23:58
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Cette élection se résume à un à affrontement droite/gauche ( en simplifiant! un peu!). Sous la 5 ème République, il peut difficilement en être autrement. On comprend que Melanchon veuille une 6 ème République qui nous renverrait aux errements de la...

à écrit le 12/06/2022 à 23:41
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" Macron et sa majorité en ballotage favorable", c'est sûr il suffit de voir les résultats de Valls, de Blanquer, pour savoir ce que "favorable" veut dire en méthode Coué.

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