Législatives : les cinq grands enseignements du premier tour

Après avoir fait jeu égal au premier tour des élections législatives, la coalition présidentielle réunie sous la bannière Ensemble ! et la Nupes lancent la bataille de l'entre deux-tours. Au lendemain d'un scrutin marqué par une abstention historique, la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale est clairement menacée. Retour en cinq points sur les principaux résultats de ce scrutin et les enjeux du second tour.
Grégoire Normand
Si le camp présidentiel garde l'avantage dans les projections des 577 sièges de députés, le suspense est total pour savoir si Emmanuel Macron parviendra, deux mois après sa réélection, à conserver une majorité absolue de 289 sièges lui permettant de faire voter ses réformes, à commencer par celle des retraites.
Si le camp présidentiel garde l'avantage dans les projections des 577 sièges de députés, le suspense est total pour savoir si Emmanuel Macron parviendra, deux mois après sa réélection, à conserver une majorité absolue de 289 sièges lui permettant de faire voter ses réformes, à commencer par celle des retraites. (Crédits : Reuters)

1- Une abstention au sommet

L'abstention a une nouvelle fois marqué un record ce dimanche 12 juin. Au total, plus d'un électeur sur deux a déserté les urnes (52,49%) selon les résultats encore provisoires du ministère de de l'Intérieur. La proportion d'abstentionnistes est légèrement plus forte qu'il y a cinq ans lorsqu'elle avait atteint la barre des 51,4%. Au second tour, elle avait même atteint 57,36%.

Lors de la dernière présidentielle, l'abstention avait grimpé à 26,31% au premier tour et 28% au second tour. Il s'agit du troisième taux le plus important sous la Vème République après 1969 et 2002. "Le premier enseignement de ce scrutin est le niveau de l'abstention. Elle est à un niveau historique pour les législatives [...] 13 millions de personnes qui avaient participé lors du premier tour de l'élection présidentielle ne se sont pas déplacées pour le premier tour des législatives", a expliqué Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa interrogé par La Tribune.

Depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral en 2002, les électeurs peinent de plus en plus à mobiliser pour désigner leurs députés à l'Assemblée nationale, surtout dans le contexte d'une campagne atone."Le contre-pouvoir qu'est l'Assemblée nationale ne mobilise plus aussi puissamment depuis l'alignement des scrutins présidentiel et législatif et le régime semi-présidentiel de la Constitution ne fonctionne plus que comme un régime présidentiel dans les urnes. C'est dans la droite ligne de la présidence jupitérienne", poursuit-il.

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2- La Nupes fait une percée

La Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) a fait incontestablement une percée au premier tour des législatives dimanche dernier. En remportant 25,66% des suffrages exprimés, l'alliance de gauche arrive en seconde position derrière Ensemble (25,75%) selon les résultats du ministère de l'Intérieur. "La Nupes réussit un mariage heureux. Pour rappel, la France insoumise avait réuni 11% des voix aux législatives de 2017", a rappelé Erwan Lestrohan.

Le leader de cette alliance, Jean-Luc Mélenchon, qui avait présenté les législatives comme le "troisième tour de la présidentielle", a aussitôt appelé les électeurs de gauche "à déferler dimanche prochain" pour le second tour. A ce stade, il est difficile de tabler sur une victoire tranchée de cette union compte tenu du faible report de voix possible en faveur de la Nupes.

En revanche, le poids de la gauche au sein de l'hémicycle devrait changer les rapports de force après la déroute des socialistes de 2017. "En se positionnant désormais au centre de gravité de la gauche, LFI pourrait prendre les commandes de la première force d'opposition à l'Assemblée nationale. Le nombre de députés Insoumis à l'Assemblée nationale pourrait être multiplié par 6," projette le spécialiste de l'opinion publique.

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Jean-Luc Mélenchon

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Jean-Luc Mélenchon au soir du premier tour des législatives. Crédits : Reuters.

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3- Ensemble !, une majorité absolue loin d'être garantie

Contrairement à 2017, la majorité présidentielle rassemblée sous la bannière Ensemble ! pourrait perdre du terrain au Palais Bourbon. Si Ensemble! n'atteint pas la barre des 289 sièges, cette confédération n'aurait qu'une majorité relative et pourrait être contrainte de chercher des alliés, par exemple du côté des Républicains, qui ont obtenu autour de 12% des voix, soit plus de deux fois le score de leur candidate Valérie Pécresse au premier tour de la présidentielle mais bien moins qu'en 2017 (18,7%).

Selon de récentes projections en sièges, la majorité absolue est loin d'être acquise. Les différents instituts donnent le camp Macron dans une fourchette de 255 à 295 sièges, quand la gauche (LFI, PCF, PS et EELV) rassemblée sous la bannière Nupes est évaluée entre 150 et 210 sièges."Emmanuel Macron n'aura quoiqu'il arrive pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale avec les seuls députés de la République en marche. Il devra gouverner avec les députés d'Horizons d'Edouard Philippe et ceux du Modem de François Bayrou" , indique Erwan Lestrohan.

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Elisabeth Borne

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Elisabeth Borne lors d'une conférence de presse au siège de La République en marche à Paris dimanche 12 juin au soir. Crédits : Reuters.

4- Le RN réalise un score historique et confirme son ancrage territorial

Le Rassemblement national (RN) est arrivé en troisième position derrière la majorité Ensemble et la Nupes avec 18,68% des voix. Même si le parti d'extrême droite réalise un score plus faible qu'au premier tour de la présidentielle (23,15%), les députés du RN pourraient former un groupe à l'Assemblée nationale (au moins 15 députés). Ce qui serait une première depuis 1986.

A l'époque, 35 députés étaient élus dans l'hémicycle alors que le président socialiste François Mitterrand avait instauré le scrutin à la proportionnelle. "Le RN gagne 6 points par rapport à 2017. La percée observée à la présidentielle se traduit désormais dans les territoires. La capacité du RN à s'enraciner est en progression. Il confirme son ancrage territorial au-delà des figures connues du parti. Qualifié dans plus de 200 circonscriptions, le RN pourrait cependant faire face à des votes barrages importants au second tour," précise le sondeur d'Odoxa.

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Marine Le Pen

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Marine Le Pen dans son fief à Hénin-Beaumont au soir du premier tour des élections législatives. Crédits : Reuters.

5- Les enjeux de l'entre deux-tours

Les trois forces arrivées sur le podium dimanche soir ont lancé la bataille du second tour des élections législatives. Au sein du gouvernement, la situation est délicate à Paris pour les ministres de l'Europe et de la Fonction publique Clément Beaune et Stanislas Guerini, arrivés en deuxième position derrière un représentant de la Nupes. Dans l'Essonne, leur collègue de la Transition écologique Amélie de Montchalin a dix points de retard sur le candidat de gauche Jérôme Guedj bien implanté dans le département depuis une vingtaine d'années.

En cas de défaite, les ministres devront quitter le gouvernement. "L'enjeu pour la République en marche est de montrer qu'elle est la seule formation politique à porter un projet crédible de gouvernement. L'autre enjeu va être de décrédibiliser les autres formations pour remporter les duels face au RN et à la Nupes en se présentant comme un « rempart aux extrêmes ». Il faudra prendre en compte qu'il existe par ailleurs désormais une mobilisation électorale significative contre Emmanuel Macron", déclare Erwan Lestrohan.

Du côté de la Nupes, les candidats vont "devoir aller chercher des électeurs qui ont boudé les urnes entre la présidentielle et les législatives. Alors que l'union a été faite dès le premier tour, ses réserves de voix semblent aujourd'hui se situer en dehors du corps électoral du 12 juin". Dans les jours à venir, les représentants de la Nupes vont notamment devoir aller à la chasse aux bulletins chez les jeunes qui ont déserté les bureaux de vote lors du premier tour et qui représentent un réservoir de votes important à la veille du second tour.

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Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 14/06/2022 à 1:56
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Un salaire de deputé c'est 7000 euros, sans compter tout le reste, L'État est riche ! C'est clair que la plupart des citoyens se demandent comment ils peuvent comprendre se que vive la classe moyenne ? Pas étonnant que les lois qu'ils votent soie...

à écrit le 13/06/2022 à 16:26
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La seule manière qu'un dogme ne soit pas mis en place c'est qu'il y ait le temps de la réflexion par une opposition! Cela a été le cas des GJ faute d'un équilibre dans l'hémicycle!

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