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La fin de la redevance TV fera-t-elle économiser "138 euros par foyer" ?

Publié le 30 août 2022 à 17h22

Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

Bruno Le Maire se réjouit de la suppression de la redevance audiovisuelle, synonyme d'économies pour les foyers.
Cependant, tous les Français ne seront pas concernés par la mesure.
Une part des recettes de TVA doit désormais assurer le financement de l'audiovisuel public.

Dans une période où de nombreux ménages sont confrontés aux conséquences de l'inflation, le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire met en avant un geste du gouvernement touchant directement au portefeuille. "Nous continuons à baisser les impôts des Français", se félicite-t-il, puisque "la contribution à l'audiovisuel public est supprimée dès 2022". Une décision qui engendre, dixit le pensionnaire de Bercy, "une économie de 138 euros par foyer".

De nombreux foyers ne sont pas concernés

Faut-il voir dans cette mesure une économie substantielle pour tous les Français ? Pas tout à fait. Plusieurs millions de ménages ne verront en effet aucune différence à la fin de ce que beaucoup continuent de nommer la "redevance TV". Jusqu'à présent, divers critères permettaient d'y échapper. À commencer par le fait de ne pas déclarer de téléviseur (ou objet assimilé) à son domicile. En outre, étaient déjà exonérées les personnes dont le revenu fiscal de référence (RFR) est égal à zéro. Autres exemptions prévues : celles des plus de 60 ans, sous condition de ressources, mais aussi celle des personnes handicapées ou hébergeant une personne handicapée sous condition de ressources. Une liste à laquelle s'ajoutaient les résidents des maisons de retraite et Ehpad.

À ces millions de Français, il faut aussi en ajouter d'autres, pour qui l'impact de cette mesure fiscale va se révéler moindre. En effet, en Outre-mer, le montant de la contribution à l'audiovisuel public est moindre : 88 euros en Martinique, à la Réunion, en Polynésie ou encore à Mayotte, contre 138 euros en métropole. Au total, ce sont 23 millions de ménages qui vont réellement bénéficier de la mesure, à travers tout le territoire. Par comparaison, près de 39 millions de foyers fiscaux ont déclaré leurs revenus en 2022.

Pour le gouvernement, il n'était pas question de créer une nouvelle taxe afin de supprimer celle-ci. Pour autant, ce sont au moins 3,7 milliards d'euros qui seront à trouver ces prochaines années pour garantir le financement des médias du groupe Radio France, de France Télévisions ou bien encore d'Arte et France Médias Monde (France 24, RFI, TV5 Monde...). "Il y aura une part des recettes issues de la TVA qui viendra garantir le financement de l'audiovisuel [public] en France", a mis en avant Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine et porte-parole de La République en marche.

En pratique, cette ponction dans les recettes de la TVA ne sera pas forcément répercutée sur le budget des Français à l'avenir. En effet, les recettes liées à la TVA sont fluctuantes, et peuvent augmenter d'une année sur l'autre en fonction de la consommation des ménages. Notons également que pour compenser la fin de la contribution à l'audiovisuel public, l'État dispose d'un autre levier : à défaut d'augmenter ses recettes, il est en mesure de réduire ses dépenses. Difficile, donc, pour le moment, de déterminer comment se traduira précisément la mesure au niveau des finances publiques.

La pérennité du financement en question

Cette incertitude accompagne celle des garanties apportées aux médias publics par la majorité. Le site Vie Publique, relayant un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires culturelles, évoque ainsi une "menace pour l’indépendance de l’audiovisuel public qui risque de perdre sa principale source de financement". Il souligne que "le vote du budget pour cinq ans tel que le souhaite l’exécutif sera en effet soumis au contexte économique. Sur la période de cinq ans, le budget de l’audiovisuel public pourrait être réajusté en fonction de la conjoncture. Une situation qui précariserait les professionnels de l’audiovisuel public, déjà soumis à un plan d’économies depuis 2018." 

Le Conseil constitutionnel a en tout cas annoncé qu'il se montrerait garant du maintien des capacités de financement. Si "le législateur peut changer les règles de financement de telles structures de l’audiovisuel public", résume le cabinet d'avocats Landot et associés, les Sages veilleront à ce que l'État n'en profite pas "pour rogner les sommes dues audit audiovisuel, au moins à l’aune des missions obligatoires dudit service public". Dans le cas contraire, "tout recours" visant à garantir le respect de ces missions "sera favorablement accueilli", analysent les spécialistes.


Thomas DESZPOT

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