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L'urgence climatique "fabriquée de toutes pièces" : un cofondateur de Greenpeace a-t-il vraiment dit ça ?

Publié le 29 août 2023 à 19h24

Source : Sujet TF1 Info

Dans les milieux climatosceptiques, les interventions de Patrick Moore trouvent un écho majeur.
Et pour cause : cet homme, qui nie toute urgence climatique, se présente comme un ancien fondateur de l'ONG Greenpeace.
Un titre en partie usurpé dont l'intéressé tire profit. Que ce soit pour défendre des lobbys industriels ou promouvoir ses ouvrages.

"Le climat a changé depuis la création de la Terre, et il continue de changer." L'urgence climatique ? Une idée "totalement fabriquée". Ce discours climatosceptique, c'est un certain Patrick Moore qui le tient, dans un extrait d'interview relayé ces derniers jours sur les réseaux sociaux et traduit de l'anglais vers le français. 

De tels propos sont assez courants en ligne, mais trouvent un écho particulier en raison du pédigrée de l'homme de 76 ans. Canadien de naissance, il est en effet présenté partout où il est invité comme l'un des cofondateurs de Greenpeace. Une célèbre ONG dont il a claqué la porte il y a de longues années et dont il dénonce désormais les agissements. Si certains voient en lui un lanceur d'alerte éclairé, d'autres l'accusent de mentir sur son CV et de défendre des lobbys tels que celui du nucléaire. 

Moore n'a pas cofondé Greenpeace

L'extrait qui circule ces jours-ci montre notamment Patrick Moore s'attaquer aux discours alarmistes au sujet du climat. Il s'agit d'un morceau d'entretien télévisé, dont on retrouve l'origine grâce à quelques recherches sur YouTube, et qui se révèle assez ancien, puisque la séquence fut à l'origine diffusée en février 2021 par la chaîne australienne Sky News.

On constate que sur les réseaux sociaux, la parole de Moore est soigneusement présentée. Tout d'abord, son nom est précédé des lettres "Dr", pour insister sur le fait qu'il est titulaire d'un doctorat. Il est par ailleurs mis en avant comme "cofondateur de Greenpeace", un autre argument d'autorité qui est censé lui conférer une légitimité supplémentaire pour s'exprimer sur le sujet. 

Ces deux éléments posent un problème : tout d'abord, si le septuagénaire canadien est bien titulaire d'un doctorat, son expertise ne porte absolument pas sur des sujets liés au climat. Ce diplôme lui a en effet été remis à l'issue de ses études, pour un travail sur la pollution générée par les industries minières. Par ailleurs, il est abusif de le présenter comme l'un des membres fondateurs de Greenpeace, ce que ne manque par de rappeler l'ONG. Sur son site, il est volontiers associé aux "pionniers" de l'organisation, mais cette dernière réfute le fait qu'il ait contribué à sa création.

"Bien que M. Moore ait joué un rôle important au sein de Greenpeace Canada pendant plusieurs années [il en fut notamment le président, NDLR], Phil Cotes, Irving Stowe et Jim Bohlen ont fondé Greenpeace en 1970." Son intégration à l'ONG remonte ainsi à "mars 1971, alors que l'organisation existait déjà depuis un an". À ceux qui douteraient de ces informations, qui remontent à plus de 50 ans déjà, Greenpeace met à disposition publiquement la lettre de candidature déposée par Moore à l'époque.

Un virage climatosceptique déjà ancien

Parmi les arguments avancés par Patrick Moore, on retrouve celui selon lequel le climat a, de tout temps, subi des modifications d'envergure. Et que celles observées aujourd'hui n'y font pas exception. Des propos qui font bondir les climatologues : s'ils ne nient pas les variations climatiques dans un temps long, ils insistent sur le fait ces changements mettent d'ordinaire "des dizaines de milliers d'années à se produire". Par ailleurs, contrairement à ce que l'ancien responsable de Greenpeace Canada prétend, l'influence sur l'Homme sur le changement climatique fait l'objet d'un consensus scientifique et fut démontré à de multiples reprises. Les volumineux rapports du Giec illustrent par ailleurs, de manière très nette, l'impact des activités humaines sur tous les pans de l'environnement. 

Notons que Patrick Moore a quitté Greenpeace en 1986, il y a donc plus de 36 ans. Un engagement très ancien, mais que l'intéressé n'hésite pas à mettre en avant lorsqu'il souhaite vendre ses ouvrages. L'un d'eux, paru en 2020, est ainsi titré : Confessions d'un repenti de Greenpeace : Pour une écologie scientifique et durable

Devenu une figure du climatoscepticisme dans le monde anglo-saxon, Patrick Moore fait l'objet de critiques nourries de la part de militants écologistes, à commencer par ses anciens partenaires au sein de Greenpeace. L'organisation ne manque pas de souligner (et déplorer) les engagements répétés du Canadien en faveur de lobbys du nucléaire. Il est par exemple présenté comme le coprésident de Clean Safe Energy, une coalition dont l'un des partenaires n'est autre que Nuclear Energy Institute américain. Rassemblant des acteurs industriels du nucléaire, ce dernier défend les intérêts de cette filiale outre-Atlantique. 

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Thomas DESZPOT

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