Une vidéo diffusée ce dimanche montre des soldats ukrainiens tirer dans les jambes de prisonniers de guerre russes.Il est impossible de savoir si cette séquence, qui a fait le tour des réseaux sociaux, est authentique.L'Ukraine a annoncé l'ouverture d'une enquête sur cet éventuel "crime de guerre".
À peine la vidéo publiée qu'on accuse "les occidentaux" de "fermer les yeux" sur ce qu'il se passe en Ukraine. Une vidéo d'une quarantaine de secondes, diffusée dès le dimanche 27 mars sur les réseaux sociaux, est présentée comme la preuve d'un "crime de guerre" dans le conflit en Ukraine. Sur les images, des militaires tirent à bout portant vers les jambes de combattants ligotés, désarmés et au sol. D'après les différents messages qui accompagnent la séquence, il s'agirait de soldats ukrainiens s'en prenant aux armées russes.
Pourquoi existe-t-il des doutes ?
Une version des faits immédiatement dénoncée par un certain nombre d'internautes. Certains alertent sur "l'absence de sang" sur les images, d'autres diffusent d'anciens témoignages de soldats russes qui confiaient à la presse se "tirer volontairement dans la jambe" afin de quitter l'armée. Enfin, et comme nous vous l'expliquions déjà dans ce précédent article, un compte "Anonymous" partage un "document confidentiel" factice, supposé être la preuve que cette séquence est le fruit d'un ordre des autorités russes. Alors, qui dit vrai ?
La séquence complète - diffusée initialement sur le réseau Telegram - dure un peu moins de cinq minutes. On y voit une quinzaine de soldats, debout, parlant ukrainiens. Comme nous l'a confirmé notre service de traduction, l'auteur de la vidéo interroge en russe cinq prisonniers à terre, ligotés ou désarmés. L'auteur demande d'où ils viennent, quel est le rôle de chacun ou les raisons de leur venue dans le pays. Les hommes à terre sont visiblement blessés, certains ont le visage tuméfié, d'autres sont recouverts d'un tissu blanc. Lorsqu'un blessé interroge l'auteur de la vidéo sur les raisons de son action, le concerné rétorque "parce que vous bombardez Kharkiv", cette ville à 40 km de la frontière russe, devenue l'une des principales cibles des attaques aériennes russes.
La séquence montre ensuite un soldat tirant à trois reprises. Une fois dans la jambe de chaque prisonnier qui sort d'une camionnette bleue. Contrairement à l'extrait mis en ligne sur Twitter, celui-ci comporte plusieurs blessures visibles et taches de sang.
Une localisation qui interroge
Il s'agit donc bien d'un échange en russe, tenu lors du conflit qui oppose l'Ukraine à la Russie. Plus exactement, ces images ont été tournées à Mala Rohan, selon le travail de recherche d'un internaute qui est arrivé à localiser le lieu. Soit, à proximité de Kharkiv. Nos recherches sur Google Maps ont permis de confirmer que le lieu de la séquence correspond à l'extérieur d'un entrepôt situé derrière une laiterie au nord du village ukrainien. Sur les images satellites ainsi que sur plusieurs photos des lieux prises en 2017, on reconnaît entre autres indices un muret derrière le lieu de stockage de palettes de bois, la forme des carreaux au sol, un poteau rouge en plein milieu de l'entrepôt et la végétation visibles sur la vidéo diffusée en ligne.
Une localisation qui intrigue, puisqu'elle correspond à celle d'une petite ville libérée avant le week-end, comme l'a relaté un journaliste ukrainien en ligne. Selon son témoignage, entre le 25 et le 26 mars, "plus de 30 soldats et mercenaires russes (...) ont été capturés" dans cette zone.
Des éléments qui mettent sur la piste de l'authenticité des images. Ceci dit, le document comporte également de nombreuses zones d'ombre. À commencer par le gros plan sur les blessures visibles sur les trois soldats. Or, dans cette fin de vidéo, le sang des victimes interroge. Le lieu des tâches ne correspond pas forcément aux jambes des soldats, l'un d'eux perdant par exemple beaucoup de sang depuis le poignet. Un autre semble se tenir le "mauvais genou" : les traces de blessure sont visibles sur son genou gauche, quand celui-ci se tient le droit.
Une "enquête" ouverte
En résumé, il est impossible de certifier l'authenticité de ces images. Ni d'affirmer qu'il s'agit d'une mise en scène. Mais d'ores et déjà, les autorités ukrainiennes ont promis de faire le clair sur cet incident, jusqu'ici isolé. Dans un live sur YouTube avec un militant russe anti-Poutine - notamment traduite par la presse anglo-saxonne, un proche conseiller du président, Volodymyr Zelensky, a promis une "enquête militaire". Oleksiy Arestovych a par ailleurs décrit "un comportement absolument inacceptable", relevant d'un "crime de guerre." Avant de rappeler : "Nous ne maltraitons pas les prisonniers de guerre, nous sommes une armée européenne".
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