Tirs mortels du Pont-Neuf : pourquoi la légitime défense n’a pas été retenue pour le policier ?

par Anastasia NICOLAS
Publié le 28 avril 2022 à 12h48, mis à jour le 28 avril 2022 à 22h00

Source : JT 20h Semaine

Des policiers ont tiré sur une voiture qui refusait d'obtempérer dimanche soir à Paris.
Deux occupants du véhicule ont été tués.
L'auteur des coups de feu mortels a été mis en examen pour "homicide volontaire".
L'angle des tirs et le positionnement de l'arme posent question.

La légitime défense peut-elle justifier la salve de tirs qui a eu lieu dimanche soir sur le Pont-Neuf ? À ce stade de l'enquête, non, à en croire la décision du parquet de Paris. Le policier qui a tué dimanche soir deux hommes en voiture et blessé gravement un troisième après un refus d'obtempérer,  a été mis en examen mercredi 27 avril pour "homicide volontaire". Ils auraient tenté d'échapper à un contrôle des forces de l'ordre, et redémarré le véhicule en direction de la patrouille. 

Plus tôt, les magistrats avaient été saisis pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner",  et pour "violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l'autorité publique". Chez les syndicalistes de police d'Alliance, la pilule ne passe pas, la décision des juges rendue est "inadmissible". 

Que dit la loi sur la légitime défense ?

La légitime défense autorise l'emploi de la force lorsqu'une agression est en train ou sur le point d'être commise. Selon le Code Pénal, l'agression doit être réelle, actuelle et injuste pour que la légitime défense soit justifiée, et la riposte doit être nécessaire, mesurée et immédiate.  Et lorsqu'un fonctionnaire de police blesse ou tue un individu dans le cadre de ses fonctions, il est censé être soumis aux mêmes règles que n'importe quel autre citoyen.

Dans quelles circonstances peuvent-ils y avoir recours ?

Le recours à la force est encadré par la Loi sur la Fonction de Police, si l'agent n'a pas d'autre moyen d'agir. L'acte doit être raisonnable et proportionné à la situation. L'usage des armes à feu, quant à lui, est autorisé et peut être considéré comme de la légitime défense dans les situations suivantes : 

• en cas de menace de leur vie et intégrité physique, ou de celles d'autrui. 

• pour défendre des personnes et des lieux après deux sommations.

• si un individu tente de leur fuir.

• pour stopper un véhicule quand le conducteur n'obéit pas à l'ordre d'arrêt, et s'il peut porter atteinte à autrui.

• pour empêcher un individu de commettre un ou plusieurs meurtres.

Que s'est-il passé dimanche soir ?

En l'espèce, le gardien de la paix, âgé de 24 ans, a alors ouvert le feu sur le véhicule, et une dizaine de cartouche ont été tirées. "Cinq ou six impacts" ont atteint les individus, peut-on lire sur le compte-rendu d'intervention de la police. Il était équipé d'un fusil d'assaut HK G36, une arme achetée en urgence aux policiers et aux gendarmes après les attentats du 13 novembre 2013, pour pouvoir répliquer à d'éventuels tirs de kalachnikov.  

Or dans la présente affaire, l'angle des tirs posent la question de la légitime défense. Car si les premières balles ont été tirées de face, alors que le véhicule avançait en leur direction, les dernières auraient touché l'arrière du véhicule.  Autre élément à charge pour le policier, selon une information Le Parisien : à chaque fois qu'il appuyait sur la détente, son arme tirait deux balles. Pourtant selon le règlement, son arme aurait dû être positionné en mode "coup par coup"

Pour l'instant aucune image pour reconstituer le déroulement des faits n'a été retrouvée. L'enquête doit encore se poursuivre pour déterminer le positionnement précis de la voiture et des policiers. De nombreuses investigations doivent encore avoir lieu sur "ces faits en partie de nature criminelle [...] notamment sur la légitime défense", a précisé le procureur de la République de Paris. 


Anastasia NICOLAS

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