Royaume-Uni : la mort de plus de 200 bébés dans une maternité provoque l'effroi

Charlotte Anglade avec AFP
Publié le 30 mars 2022 à 17h55
Royaume-Uni : la mort de plus de 200 bébés dans une maternité provoque l'effroi
Source : AFP

Un rapport paru ce mercredi accuse l'hôpital de Shrewsbury, dans l'ouest du pays, d'avoir mal traité des nourrissons et des mères, causant leur décès ou des dommages irréversibles.
Les cas d'environ 600 autres bébés sont encore sous le coup d'une enquête de la police.
L'exécutif britannique a présenté ses excuses.

Il s'agit de l'un des plus grands scandales sanitaires au Royaume-Uni. Après cinq ans d'enquête, un rapport sur les pratiques de l'hôpital de Shrewsbury, une région rurale de l'ouest de l'Angleterre, tire des conclusions accablantes : les décès de 201 bébés sur deux décennies auraient pu être évités si la maternité avait fourni de meilleurs soins. Neuf mères ont également perdu la vie en raison de mauvais traitements tandis que d'autres ont été forcées d'accoucher de manière naturelle alors qu'elles auraient dû se voir proposer une césarienne.

Le manque de remise en question de l'hôpital

Le rapport de 250 pages relève notamment des cas de nouveaux-nés avec des fractures au crâne, des os cassés et des problèmes cérébraux après avoir manqué d'oxygène au moment de la naissance. Des manquements "significatifs ou majeurs" ont par ailleurs été observés dans un quart des 498 cas de bébés morts-nés étudiés. Dans 40% des cas, aucune enquête interne à l'hôpital n'a été réalisée.

L'hôpital "n'est pas parvenu à enquêter (sur les incidents), à apprendre (de ses erreurs), à s'améliorer", a affirmé, mardi 29 mars, lors d'une conférence de presse, Donna Ockenden, qui a dirigé l'enquête.

Près de 1500 familles impliquées

À l'origine des plaintes, Richard Stanton et Rhiannon Davies, dont la fille Kate est morte quelques heures après sa naissance en 2009. Selon le rapport, Rhiannon Davies n'avait pas été mise en observation au moment de son accouchement, quand bien même plusieurs signes indiquaient que le bébé à naître n'était pas en parfaite santé.

Commandé en 2017 et publié ce mercredi matin, le rapport s'est intéressé à 1592 incidents rapportés à l'hôpital de Shrewsbury, impliquant 1486 familles, pour la plupart entre 2000 et 2019. Le député Jeremy Hunt, qui avait commandé le rapport en 2017 pour se pencher, initialement, sur 23 cas de manquements présumés, a affirmé que les conclusions de l'enquête étaient "pires" que ce qu'il aurait pu imaginer, estimant que les résultats étaient "très, très choquants et donnaient à réfléchir".

La césarienne à tout prix

Selon le rapport, la maternité poussait aux accouchements naturels pour garder son taux de césariennes le plus bas possible, n'y recourant qu'en de trop rares occasions. "La politique de l'hôpital était d'éviter à tout prix le recours aux césariennes", assure un employé cité dans le rapport de manière anonyme. "Quand on s'inquiétait, par exemple pour le rythme cardiaque d'un bébé, ils essayaient encore et encore (d'éviter la césarienne) jusqu'à ce que le bébé soit très mal (...) parce qu'ils disaient qu'ils voulaient garder le taux de césariennes bas", témoigne un autre.

Dans un premier rapport publié en 2020, Donna Ockenden avait rapporté que le taux de césariennes pratiquées ces vingt dernières années dans l'hôpital était systématiquement entre 8 et 12 points sous la moyenne du pays, des chiffres présentés comme un signe de succès par l'hôpital. "L'hôpital était persuadé que son service de maternité était bon. Ils avaient tort", a-t-elle asséné. Selon les données du NHS, une naissance sur quatre est réalisée par césarienne au Royaume-Uni.

"Je suis désolé", réagit le ministre britannique de la Santé

Au-delà de cette obsession pour les césariennes, Donna Ockeden a pointé un manque de personnel, de formation continue, d'enquête et d'écoute des familles concernées au sein de cette maternité. "Il y avait une tendance à blâmer les mères pour leurs mauvais résultats, dans certains cas même pour leur propre mort", a-t-elle déclaré.

"À toutes les familles qui ont gravement souffert, je suis désolé", a réagi devant les députés le ministre britannique de la Santé, Sajid Javid. Le rapport, a-t-il reconnu, "montre clairement que vous n'avez pas été traités comme il le fallait par un service qui était là pour vous aider, vous et vos proches, à donner la vie". Le ministre a par ailleurs indiqué qu'une "enquête policière active, l'opération Lincoln" se concentrait sur "environ 600 cas".


Charlotte Anglade avec AFP

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