Crise des céréales : ce qu'il faut savoir du regain de tension entre Kiev et Moscou en Mer Noire

Maëlane Loaëc (avec AFP)
Publié le 30 octobre 2022 à 18h05

Source : JT 20h Semaine

Moscou a annoncé samedi suspendre sa participation à l'accord céréalier conclu en juillet avec Kiev.
En Mer Noire, la circulation des navires est d'ores et déjà bloquée ce dimanche.
Le Kremlin justifie son geste par une attaque de drones ukrainienne, un "faux prétexte" pour Kiev.

Des cargaisons chargées sur des bateaux, prêtes à partir, mais bloquées en mer. Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ce sont au moins 176 navires transportant plus de deux millions de tonnes de céréales chargées en Ukraine qui étaient immobilisés par Moscou ce dimanche en Mer Noire. Le résultat d'une décision radicale prise par la Russie, qui a annoncé suspendre sa participation à l'accord céréalier conclu en juillet avec Kiev, pourtant vital pour l'approvisionnement alimentaire mondial. 

Le Centre de coordination conjointe (JCC) chargé de superviser cet accord a confirmé qu'aucun mouvement de cargos n'avait été validé pour la journée de dimanche. Un nouveau blocus russe vivement critiqué par Kiev, ses alliés occidentaux et l'ONU, qui brandissent le spectre de la famine. "Le prix du blé pourrait grimper de 10 % à l’ouverture des marchés lundi, et les effets de la décision se feront sentir pendant des mois, dans le monde entier", a mis en garde l'expert en politique alimentaire David Laborde, auprès du Daily Telegraph.

La Russie accuse l'Ukraine d'une attaque de drones contre sa flotte

La Russie a annoncé samedi suspendre sa participation à l'accord permettant la poursuite des exportations de céréales ukrainiennes, qui devait rester en vigueur jusqu'au 19 novembre prochain. Conclu en juillet sous l'égide de l'ONU et de la Turquie, il est le seul passé entre Moscou et Kiev depuis le début du conflit, le 24 février dernier. Jusqu'alors, cet accord a permis l'exportation de quelque 9,3 millions de tonnes de céréales et autres produits agricoles coincés dans les ports ukrainiens depuis le début de la guerre, selon Ankara. Ce blocage avait provoqué une flambée des prix alimentaires, faisant craindre des famines.

Mais Moscou a décidé de "suspendre sa participation" à cette coopération, en réaction à une attaque de drones qui aurait visé sa flotte samedi au petit matin à Sébastopol, en Crimée. Une offensive imputée à l'Ukraine avec l'aide d'experts britanniques. Selon le ministère russe de la Défense, ces drones ont utilisé le corridor sécurisé dévolu au transport de céréales et l'un des engins pourrait avoir été lancé "depuis l'un des navires civils affrétés par Kiev ou ses maîtres occidentaux pour l'exportation de produits agricoles depuis les ports maritimes d'Ukraine". Il a assuré avoir récupéré des débris de drones et les avoir analysés.

Pour Kiev, Moscou n'en est pas à son premier blocage des navires

Un "faux prétexte" aux yeux de l'Ukraine, qui a dénoncé dimanche des exportations de céréales devenues "impossibles" et appelé la communauté internationale à faire pression pour que Moscou "respecte de nouveau ses obligations". Un responsable ukrainien a même suggéré qu'une "manipulation négligente d'explosifs" par les forces russes était en réalité à l'origine de l'incident. Si le Kremlin a répété dimanche être prêt à négocier avec Kiev, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a dénoncé un "écran de fumée".

Pour Volodymyr Zelensky, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le pouvoir russe remet en question l'accord céréalier. "La Russie a commencé à aggraver la pénurie mondiale de nourriture en septembre, quand elle a commencé à bloquer les mouvements des navires transportant nos productions agricoles", a-t-il affirmé samedi soir. Ces dernières semaines, Moscou avait multiplié les critiques à propos du texte, déplorant le fait que ses propres exportations souffraient des sanctions qui visent l'économie russe. Jusqu'à se dire prête à remplacer les livraisons ukrainiennes avec les siennes pour les pays pauvres, et offrir de leur donner gratuitement 500.000 tonnes de céréales dans les prochains mois.

Pluie de condamnations internationales

De concert avec la position ukrainienne, les alliés de Kiev ont condamné ce nouveau blocage des navires. La Défense britannique, mise en cause par Moscou dans la prétendue attaque de drones, a réagi en dénonçant de "fausses informations", destinées à "détourner l'attention". Le président américain Joe Biden, lui, a jugé la décision russe "scandaleuse", accusant le Kremlin de se servir de "l’alimentation comme d’une arme". L'UE a pour sa part exhorté la Russie à "revenir sur sa décision", qui "met en danger la principale voie d'exportation de céréales et engrais dont on a besoin pour répondre à la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre", selon son chef de la diplomatie Josep Borrell. 

De son côté, l'ONU, garant de l'accord sur les céréales ukrainiennes, a appelé à le préserver pour son "impact positif" pour l'accès à l'alimentation de millions de personnes dans le monde. Le secrétaire général de l'organisation, Antonio Guterres, s'est dit dimanche "profondément préoccupé" par la situation, et a indiqué mener "d'intenses consultations" afin que la Russie revienne sur sa décision. 

Pour l'heure, la Turquie, autre garant de l'accord, a annoncé que les inspections des cargos chargés de céréales ukrainiennes vont se poursuivre "aujourd'hui et demain" à Istanbul, mais que, "pendant cette période, aucun navire ne quittera l'Ukraine"


Maëlane Loaëc (avec AFP)

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