En France, environ 2800 enfants dorment dehors tous les soirs, selon les associations.
Une situation qui s'est aggravée cette année, faute de places d'hébergement d'urgence suffisantes.
Souvent, la solidarité s'organise à l'échelle des écoles, mais une solution pérenne est réclamée par les familles et certains élus.

Devant l'Hôtel de Ville, devant les Galeries Lafayette, symboles parisiens, s'entassent, chaque soir, des dizaines de tentes. À l'intérieur, des familles entières, des hommes seuls ou encore des mères célibataires avec leurs enfants. Faute de places suffisantes d'hébergement d'urgence, quelque 2800 enfants dorment chaque nuit à la rue en France. 

Dans l'une de ses tentes, que l'on peut voir dans le reportage vidéo en tête de cet article, une mère de deux enfants fait du tri. "Les gens viennent nous donner des vêtements pour les enfants. Je suis en train de trier pour voir ce qu'elle peut porter demain pour aller à l'école", explique cette mère, dont la fille aînée, âgée de 4 ans, est scolarisée en maternelle. Au 20H de TF1, elle explique dormir dans ses conditions depuis "un mois". "En tant que mère, ce n'est pas facile", confie-t-elle.

Elle ne joue jamais avec ses copines après l'école parce que les autres ont des logements
Un père de famille à la rue

Devant un grand magasin parisien, un père de quatre enfants explique que trois d'entre eux sont scolarisés. Même s'ils n'ont pas de papiers, les mineurs peuvent bénéficier d'une scolarité en France. Sa fille aînée est en CM2. "Elle ne joue jamais avec ses copines après l'école parce que les autres, dans sa classe, ont des logements. Et ma fille vit dans la rue, avec nous. Quand elle revient le soir, elle pleure, et ça, ça me déchire le cœur", témoigne ce père de famille.

Nawaya, elle, est arrivée de Côte d'Ivoire il y a trois mois. Elle a traversé la Méditerranée avec son bébé, et espère désormais un titre de séjour. Tous les soirs, elle déplie sa tente, et se couche avec son bébé : "Je m'en veux. C'est très dur pour moi. Parce qu'un enfant de neuf mois dans la rue, ce n'est pas facile."

Une année "record"

Selon la Fondation Abbé Pierre, qui avance ce chiffre de 2800 enfants, l'année 2023 est une année "record".  "C'est une gravité exceptionnelle. Il y a eu des fermetures de places d'hôtels cet été par l'État par souci d'économies. On a fait des économies sur le dos des familles sans abris", fustige Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation.

Chaque soir en France, 200.000 places d'hébergement d'urgence sont mises à disposition, pour un coût de six millions d'euros par jour, selon le gouvernement. De nombreuses familles, pourtant, restent sans solution et sont contraintes de dormir à la rue, ou de faire appel à la solidarité de leur entourage.

C'est le cas de Julie, qui dort dans l'école maternelle où son fils est scolarisé. La mère et le garçonnet dorment chaque soir dans une salle de classe. "Quand j'appelle le 115, ils me demandent de rappeler dans une semaine. Chaque jour, je le fais. Parfois, je vais leur expliquer la situation mais ils me disent qu'ils n'ont pas de place. Je me sens perdue", relate Julie. En attendant une prise en charge, elle lave tous les jours son petit garçon dans les sanitaires de l'école. Elle-même ne peut pas faire sa toilette, faute de place.

"Pour ces enfants, de dormir dans leur école, de devoir se dépêcher le matin, de sortir pour faire semblant d'arriver avec les autres à 8h30, c'est traumatisant", dénonce Manon Luquet, du collectif "Une école un toit". "C'est une solution de secours, d'urgence, qui ne tient que grâce à la solidarité des enseignants et des parents."

Dans le 18e arrondissement de Paris, dans le nord de la capitale, 50 enfants dorment chaque soir à la rue, selon le maire PS, Éric Lejoindre. Alors, comme Julie, des mères et leurs enfants sont accueillis dans des écoles de l'arrondissement. "Vivre dans une école, ce n'est pas une solution. Simplement, l'alternative aujourd'hui, c'est d'être à la rue", dénonce l'édile, qui réclame de solutions pérennes. "Si on veut faire République, si on veut être des vrais Français, on ne peut pas accepter que des enfants soient à la rue. C'est quelque chose contre laquelle la société doit se mobiliser toute entière."


F.R | Reportage TF1 François-Xavier Ménage et Olivier Cresta

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