DOCUMENT TF1 - "On nous a trompés dans les grandes largeurs" : les confidences de prisonniers russes en Ukraine

par F.R | Reportage : Florence de Juvigny, Guillaume Aguerre, Fabrice Amzel
Publié le 29 avril 2023 à 18h14

Source : JT 13h WE

Après plus d'un an de guerre, les Ukrainiens ont capturé de nombreux soldats russes.
Le 13H de TF1 a pu exceptionnellement pénétrer dans l'un des centres où ils sont détenus.
Et certains nous ont confié leur profond ressentiment à l'égard de Vladimir Poutine et de la Russie.

Ils se disent "trahis", "trompés" par la Russie et ses dirigeants. En quatorze mois de guerre, il est impossible de savoir combien d'hommes ont été faits prisonniers de guerre. En Ukraine, le 13H de TF1 a pu exceptionnellement se rendre dans l'un des centres où sont détenus ces anciens soldats, qui combattaient pour la Russie il y a encore quelques mois.

Désormais, leur vie est rythmée par les promenades, les passages à l'infirmerie, les interrogatoires et les repas, avalés en quelques minutes à peine. En quittant les tables, ils doivent se lever, et s'écrier, en ukrainien : "Merci pour ce repas"

On nous a laissés tomber. Je leur en veux terriblement. On nous a trompés dans les grandes largeurs
Alexiei

Des hommes de tous âges et qui viennent de toutes les régions russes. Alexieï a 19 ans et est originaire de Sibérie. Lorsqu'il est au front, il perd son unité et saute dans une tranchée ukrainienne, avant d'être fait prisonnier. Depuis qu'il est arrivé dans ce centre de détention, il a déjà subi cinq interrogatoires. Lorsque nos journalistes s'entretiennent avec le jeune homme, un gardien écoute l'échange, guettant la moindre information qui lui aurait échappé.

Alexieï dit ne pas avoir eu le choix : c'était soit une peine de prison, soit la mobilisation. Pour 2.000 euros par mois, il a signé.  Mais, aujourd'hui, il regrette et en veut à son pays. "Je me sens trahi par ces hommes qui m'ont regardé droit dans les yeux en me promettant que je ne quitterai pas la Russie, alors que je me suis retrouvé ici en première ligne. On nous a laissés tomber. Je leur en veux terriblement. On nous a trompés dans les grandes largeurs", confie-t-il.

Le nombre de Russes détenus ici reste secret. De l'autre côté de la frontière, il y aurait 3.000 soldats ukrainiens prisonniers des Russes qui attendent d'être échangés avec certains des prisonniers de ce centre. Le nombre d'échanges reste également confidentiel. Le directeur de la prison, en ouvrant ses portes à nos équipes, veut aussi montrer à la Russie que leurs prisonniers sont bien traités, et que la réciproque est de mise.

Si je suis échangé et que je rentre, je pourrais à nouveau être mobilisé
Prisonnier russe

Un autre soldat a compris qu'il était envoyé en Ukraine en recevant un message de son opérateur téléphonique. Ce sniper sans formation est le seul survivant de son unité. "Ce que mes proches me disent ne me rassure pas. Si je suis échangé et que je rentre, je pourrais à nouveau être mobilisé. Ce n'est pas rassurant que la Russie essaye de se débarrasser des parias de la société en les envoyant au front", souligne-t-il.

À quelques mètres de là, Igor, 61 ans, fait soigner ses mains et ses pieds, gelés dans les tranchées. Le sexagénaire était en prison quand il a été recruté, par le groupe paramilitaire russe Wagner, dirigé par Evgueni Prigojine. Il se souvient de l'arrivée d'un "Russe" dans l'établissement où il était incarcéré. "Il a proposé de servir six mois et d'être libéré. Une fois au front, j'ai regretté, mais à la réflexion, c'est peut-être mieux pour moi d'être ici. Dieu merci, je suis vivant." Comme de nombreux prisonniers ici, Igor est Ukrainien, mais séparatiste. Il risque 15 ans de détention pour trahison à la patrie.


F.R | Reportage : Florence de Juvigny, Guillaume Aguerre, Fabrice Amzel

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