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Le nombre d'homicides a-t-il été divisé par trois depuis 20 ans ?

Publié le 29 novembre 2023 à 20h59, mis à jour le 4 décembre 2023 à 17h41

Source : Sujet TF1 Info

Des responsables politiques affirment, à l'aune des violences des dernières semaines, notamment à Crépol, que les homicides sont en hausse en France.
Des publications contestent cette vision, évoquant au contraire une division par trois en 20 ans.
Le nombre d'homicides demeure assez stable.

Après le décès du jeune Thomas, 16 ans, poignardé à Crépol (Drôme) dans la nuit du 18 au 19 novembre, les réactions politiques se sont multipliées. Pour certains élus, l'agression qui a causé sa mort illustre une flambée des violences en France et de la criminalité. Des prises de position qui font écho à "l'ensauvagement" de la société, un terme que des élus du RN ou de Reconquête! ont notamment employé en marge des violences urbaines survenues au début de l'été. En ligne, certains contestent néanmoins une progression de la criminalité, avançant des chiffres pour appuyer leur propos. On peut ainsi lire que les homicides auraient été divisés par trois au cours des vingt dernières années.  

Une relative stabilité

"Je m’insurge contre le fait qu’il y aurait une recrudescence des homicides en France. C’est faux […] Ce n’est pas parce qu’il y a des drames qu’il faut créer un climat de dramatisation supplémentaire", lançait l'an passé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. 

Pour évaluer ces déclarations, TF1info avait fait un état des lieux des chiffres relatifs aux homicides en France. Grâce – entre autres – au graphique ci-dessous, produit par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure, notre équipe avait observé que la tendance était stable entre 2016 et 2021. "Depuis 2008, aucune baisse ou hausse conséquente n’est à relever", ajoutait-on par ailleurs, le nombre d'homicides étant généralement situé aux alentours des 900 à l'échelle d'une année. 

"Avant 2015, du fait de l’absence de remontée exhaustive des procédures il est impossible de vérifier que les victimes d’attentats terroristes sont bien intégrées dans le nombre d’homicides comptabilisés", note le ministère de l'Intérieur.
"Avant 2015, du fait de l’absence de remontée exhaustive des procédures il est impossible de vérifier que les victimes d’attentats terroristes sont bien intégrées dans le nombre d’homicides comptabilisés", note le ministère de l'Intérieur. - SSMSI, bases des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie.

Des documents d'archive de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) nous permettent de remonter plus loin dans le temps. Au début des années 2000, les chiffres étaient comparables à ceux d'aujourd'hui. En 2003, on déplorait 987 homicides, contre 953 à 1119 lors des cinq années qui avaient précédé. En valeur absolue, la tendance n'est donc pas à une forte diminution si l'on se fie aux 959 homicides comptabilisés en 2022. 

Pour mieux rendre compte des évolutions statistiques, il est toutefois plus pertinent de prendre en considération un autre indicateur : celui du nombre d'homicides pour 100.000 habitants. De quoi intégrer une variable essentielle : l'évolution de la démographie. Si le Centre d'observation de la société, lancé en 2011 par le bureau d’études Compas, a mis en avant un graphique qui traduit une forte baisse, d'autres sources se révèlent plus nuancées. C'est le cas de l'Observatoire scientifique du crime et de la justice (OSCJ), qui observe une baisse plus limitée des homicides.

La courbe bleu foncé montre une légère réduction des homicides lors des deux dernières décennies.
La courbe bleu foncé montre une légère réduction des homicides lors des deux dernières décennies. - Observatoire scientifique du crime et de la justice

Le graphique ci-dessus illustre (via la ligne en bleu foncé) une réduction progressive du nombre d'homicides, par rapport à la population totale. Un rebond était toutefois enregistré en 2021, après une diminution assez régulière durant les vingt années précédentes. Si la tendance est donc plutôt à un recul des homicides, il est abusif de dire que leur nombre aurait été divisé par trois.

Des biais méthodologiques toujours présents

Les chiffres tendent à donner raison à Gérald Darmanin, qui évoquait l'an passé une certaine stagnation des homicides. On constate d'ailleurs que le ministre évite généralement de remonter loin dans le temps lorsqu'il évoque ce sujet. Non pas en raison de son caractère sensible, mais plutôt à cause de la fiabilité des données aujourd'hui à notre disposition. 

L'OSCJ, s'il tente de rendre compte des évolutions de la délinquance à travers le temps, est le premier à mettre en garde les internautes sur le degré de confiance relatif à accorder aux données, "un champ de mines méthodologique" selon lui. En pratique, seuls les chiffres des années 2016 jusqu'à aujourd'hui peuvent être comparés de manière sûre. Lorsque l'on remonte plus en amont, des précautions s'imposent. 

Outre la comptabilisation parmi les homicides des victimes de terrorisme (ce qui n'a pas toujours été le cas), le ministère de l'Intérieur reconnaît la fragilité des données sur certaines périodes, en raison de potentiels "doublons" et "d'erreurs". Ainsi, met-il en garde, "une comparaison directe de la série des homicides de la période 2008-2015 avec les séries de la période 2016-2021 n’est absolument pas recommandée".

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Thomas DESZPOT

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