Après plus de deux ans et demi de guerre en Ukraine, Kiev a déclenché mardi dernier une opération d'envergure inédite dans la région russe de Koursk.Face à l'avancée des forces armées ukrainiennes, Moscou veut donner l'impression qu'elle frappe des lieux stratégiques.Au moins quatre vidéos diffusées par le ministère de la Défense russe précèdent l'incursion ukrainienne.
Moscou veut donner l'illusion d'être partout. Quitte à manipuler les images. Tandis que la Russie tente toujours de faire face à l'incursion d'ampleur lancée le mardi 6 août (nouvelle fenêtre) par Kiev dans la région frontalière de Koursk, le ministère de la Défense russe multiplie les communications sur ses réseaux sociaux. Mais parmi les dizaines de vidéos supposées montrer des "frappes réussies" sur les positions ukrainiennes, au moins quatre ont été sorties de leur contexte.
Des vidéos antidatées ou mal géolocalisées
C'est le journal russe The Insider (nouvelle fenêtre) qui a repéré l'imposture. Ce dimanche 11 août, le média en ligne indépendant alertait sur l'existence de plusieurs vidéos promue par le Kremlin "anciennes et tournées ailleurs". La première a été publiée dès le 9 août (nouvelle fenêtre), par le ministère de la Défense. Elle montrerait de "nouvelles frappes d'un Su-34", ce bombardier russe, contre "une concentration de main-d'œuvre et d'équipement militaire des forces armées ukrainiennes" à Soumy, une région limitrophe de Koursk. Sauf que le média russe a repéré cette vidéo dans une autre publication de l'agence russe TASS, qui remonte au 14 juillet (nouvelle fenêtre).
Nous avons identifié une autre vidéo, publiée le même jour (nouvelle fenêtre) par le ministère de la Défense. Mise en ligne quelques heures plus tôt, elle présenterait l'équipage d'un Soukhoï Su-25 en train de "tirer des missiles aériens non guidés sur les forces armées et l'équipement militaire" de Kiev "dans la zone frontalière de la région de Koursk". Seulement, nous avons pu retrouver cette séquence dans une autre vidéo (nouvelle fenêtre) grâce à une recherche d'image inversée : elle a été diffusée dès le 25 juillet par un compte pro-russe (nouvelle fenêtre) sur X et son sens a simplement été interverti pour rendre son identification moins facile.
D'autres extraits semblent quant à eux inédits... mais sans aucun lien avec la région russe de Koursk. Ainsi, The Insider évoque une vidéo mise en ligne le 10 août par RIA Novosti (nouvelle fenêtre). Citant le ministère de la Défense, l'agence gouvernementale assure que les images montrent "des hélicoptères russes Mi-28NM frappant des hommes et des véhicules blindés des Forces armées ukrainiennes dans la zone frontalière de la région de Koursk". Pourtant, les paysages visibles sous l'engin ne ressemblent pas à ceux de la région frontalière où les combats font rage. D'après le média d'investigation, la séquence a en réalité été tournée dans deux régions ukrainiennes : celle de Lougansk, à Kreminna et celle de Donetsk, juste au-dessus de Tchassiv Yar (nouvelle fenêtre).
Une manipulation répétée dès le lendemain. Le 11 août, le ministère de la Défense (nouvelle fenêtre) a assuré que deux assauts conjoints avaient eu lieu, menés encore une fois par des avions Su-25 qui auraient "frappé l'ennemi dans la région frontalière de Koursk". Là encore, les paysages qu'on distingue ne coïncident pas avec le nouveau front ouvert par Kiev. Et pour cause : d'après les données de géolocalisation identifiées par un membre du collectif Geoconfirmed (nouvelle fenêtre), les avions survolent en réalité la ville ukrainienne de Soledar, dans la région de Donetsk, et frappent Tchassiv Yar. Une information confirmée par les données satellites disponibles sur Google Earth, comme le prouvent les images ci-dessous.
En résumé, si certaines vidéos diffusées par des canaux Telegram pro-russes ont bien pu être géolocalisées, dont celle d'un char ukrainien touché et immobilisé dans la région de Koursk, le ministère russe de la Défense russe a publié au moins quatre vidéos mensongères. Tandis que les forces ukrainiennes ont déjà commencé à consolider les positions occupées en Russie, cette manipulation de la part du Kremlin apparaît comme une tentative frénétique de sauver la face. Autre preuve, face au risque d'une crise interne, Vladimir Poutine a décidé de se tourner vers les services de sécurité, en confiant au patron du FSB la charge de cette contre-offensive en territoire russe.
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