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Luc Rémont patron d’EDF : pour nationaliser, Macron nomme un spécialiste… des privatisations
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Luc Rémont patron d’EDF : pour nationaliser, Macron nomme un spécialiste… des privatisations

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Privatisations d'ADP, d'Areva et cotation en bourse d’EDF en 2005, conseil d'Alstom à la banque Merrill Lynch lors de la vente de la branche énergie à General Electric : voici quelques-uns des faits d'armes de Luc Rémont, proposé comme nouveau P.-D.G. d'EDF par Emmanuel Macron ce jeudi 29 septembre.

Il n’est pas certain que cette ironie de l’histoire fasse beaucoup rire les salariés d’EDF : Emmanuel Macron a choisi Luc Rémont, actuel dirigeant de Schneider Electric, pour remplacer Jean-Bernard Lévy à la tête d'EDF, a annoncé l'Élysée ce jeudi 29 septembre. Alors qu’il a participé à Bercy au pilotage des privatisations d'ADP, d'Areva et à la cotation en bourse d’EDF en 2005, ce polytechnicien de 53 ans aura donc pour premières missions – sous réserve que le choix du chef de l’État soit confirmé par le Parlement – de renationaliser l’électricien français, de négocier les tarifs de l’électricité avec la Commission européenne et de construire de nouveaux EPR.

Un curieux écho à la politique énergétique erratique du président de la République – revirement sur le nucléaire, projet de privatisation d’EDF remplacé par une nationalisation. Décrit comme « loyal » et pourvu d’un « grand sens de l’État », Luc Rémont devrait être moins remuant que son prédécesseur, Jean-Bernard Lévy. Son départ acté, ce dernier n’avait pas retenu ses coups contre l’exécutif fin août, lors des universités d’été du Medef. Interrogé sur les difficultés actuelles de la filière nucléaire, il déclarait : « On a beaucoup de chantiers à gérer en parallèle, et donc d’une certaine manière on manque de bras. On n’a pas assez d’équipes formées. (…) Et pourquoi on n’a pas assez d’équipes formées ? Eh ben parce qu’on nous a dit : ‘Votre parc nucléaire, il va décliner, préparez-vous à fermer des centrales.’ (…) On nous a dit, et ce sont d’ailleurs les textes encore en vigueur au moment où l’on se parle : 'Préparez-vous à fermer les douze suivantes.’ Évidemment, on n’a pas embauché des gens pour en construire douze, on a embauché des gens pour en fermer douze. »

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Le profil beaucoup moins politique de Luc Rémont ne l’empêche pas d’avoir une parfaite connaissance des rouages de l’État. Après un passage à la direction générale de l’armement au début des années 90, direction le Trésor, puis les cabinets de tous les ministres de l’économie et des finances du second mandat de Jacques Chirac : Francis Mer, Nicolas Sarkozy, Hervé Gaymard et finalement Thierry Breton, où il suit la fusion fusion GDF - Suez.

Bon conseil ?

Celui qui a grandi à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or – le nec plus ultra de la banlieue chic lyonnaise – se dirige alors dans le privé. Et pas n’importe lequel : la banque d’affaires Merrill Lynch, dont il dirige la filiale française. Quelques connaissances en matière de dette (celle d’EDF pourrait atteindre les 60 milliards d’euros fin 2023) et de marché obligataire (sur lequel l’électricien est un géant) ne seront peut-être pas inutiles dans cette fonction.

Comme le rappelle la Lettre A , l’expert en privatisation dirige la banque lorsque celle-ci conseille Alstom dans la vente de sa branche énergie à General Electric, avalisée par un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, avec l’assurance que « les intérêts de l’État, la pérennité de la filière nucléaire et la sécurisation de l’approvisionnement énergétique de la France [étaient] pleinement pris en compte dans cette opération ». Huit ans et 1 200 emplois supprimés à Belfort plus tard, le groupe public s’apprête à racheter cette branche, qui produit les turbines équipant les centrales nucléaires françaises.

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Ce fiasco total n’empêchera pas Luc Rémont de poursuivre sa carrière chez Schneider, intégré en 2014, où il prend rapidement les commandes des opérations internationales, travaillant notamment sur les systèmes électriques en Inde, l’un des marchés les plus juteux pour les industriels de l’électricité français. À la tête d’EDF, Luc Rémont pourrait toucher jusqu’à 900 000 euros par an, si l’État décide de faire sauter le plafond actuel de 450 000 euros.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne