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"Twist à Bamako" : Robert Guédiguian et les idéaux révolutionnaires déçus
"Cette histoire de jeunes gens idéalistes qui veulent créer un État socialiste après l’indépendance tout en dansant le twist et le rock’n’roll ressemble à ma propre histoire", raconte le réalisateur.
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"Twist à Bamako" : Robert Guédiguian et les idéaux révolutionnaires déçus

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Le metteur en scène de « Marius et Jeannette » et « La ville est tranquille » abandonne provisoirement la France et Marseille pour mettre en scène le Mali de 1962 et les espoirs de jeunes révolutionnaires. Résultat : un film offensif et émouvant sur l’idéalisme et les lendemains qui déchantent.

Depuis le début des années 80, il arpente inlassablement Marseille, sa ville natale, et filme des personnages aux prises avec les tumultes politiques et sociaux de leur époque. Ponctuellement, Robert Guédiguian abandonne la cité phocéenne et sa troupe d’acteurs fidèles (Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan) pour arpenter d’autres territoires. C’est le cas en ce début d’année avec Twist à Bamako, une fiction historique où le cinéaste de Marius et Jeannette et de Gloria Mundi met en scène le Mali de 1962 qui vient de devenir indépendant et de s’affranchir de la tutelle française.

Dans ce contexte d’espoir et d’exubérance, Samba, le fils d’un commerçant fortuné, milite ardemment pour le nouveau pouvoir en place et arpente sans relâche les campagnes déshéritées pour prêcher la bonne parole socialiste. Lors d’un voyage en pays bambara, le héros idéaliste rencontre Lara, une jeune femme mariée de force et exilée dans un village reculé. Les deux personnages tombent éperdument amoureux et, rentrés à Bamako, tentent de vivre leur idylle malgré les menaces de toutes sortes.

La révolution et l’ivresse

Entre les réunions avec les responsables politiques et les fêtes nocturnes où, en compagnie de la jeunesse locale, il s’étourdit de musique et de cocktails alcoolisés dans des bars et boites de nuits, Samba, avec sa compagne, vit sa double vie de révolutionnaire zélé et de garçon avide de dévorer l’existence par tous les bouts comestibles. Le temps de l’innocence ne durera qu’un temps…

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Aux prises avec des difficultés considérables, le gouvernement ne tarde pas à prendre des mesures coercitives en tout genre, mal vécues par une population paupérisée. Et Samba, l’ardent militant, se voit bientôt reprocher mille maux par ses supérieurs qui n’apprécient guère son mode de vie « déviant ». La situation empire quand son père, considéré comme un dangereux réactionnaire, devient la cible du nouveau pouvoir et quand sa liaison adultérine avec Lara est dénoncée par les caciques du régime.

Les idéaux révolutionnaires qui se fracassent contre la réalité. Les principes émancipateurs qui, progressivement, deviennent des diktats liberticides… Dans Twist à Bamako, Robert Guédiguian, fidèle à lui-même et à ses obsessions politiques, examine à la loupe des thèmes qui le passionnent depuis toujours, lui qui a longtemps milité au Parti communiste et n’a jamais renié ses options d’homme (vraiment) de gauche. « Cette histoire de jeunes gens idéalistes qui veulent créer un État socialiste après l’indépendance tout en dansant le twist et le rock’n’roll ressemble à ma propre histoire raconte-t-il. Si Bamako ou Marseille en modifie la forme, le fond est strictement identique. »

Un « fond » que Guédiguian observe avec un mélange de douceur face à l’idéalisme bouleversant de ses personnages et d’effroi face à la trahison des rêves révolutionnaires. Une alliance scénaristique et formelle qui donne tout son prix à ce film qui examine l’histoire et le passé du Mali pour mieux mettre en scène des thématiques intemporelles et universelles.

Twist à Bamako, de Robert Guédiguian. Sortie le 5 janvier.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne