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Incendies de l'été : "90 % des feux sont d'origine humaine"
PHOTOPQR/SUD OUEST/MAXPPP
En France, 90% des feux de forêt sont d'origine humaine.

Incendies de l'été : "90 % des feux sont d'origine humaine"

Malveillance

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Plus de 50 000 hectares de forêt ont brûlé cette année, selon le Système européen d'information sur les feux de forêt. Pour l'heure, 2022 est la pire année depuis 1976. Près de neuf feux sur dix sont causés par l'homme.

La France brûle, dans des proportions historiques. D'après le site Copernicus, issu du Système européen d'information sur les feux de forêt, plus de 50 000 hectares de forêt ont brûlé en France en 2022, pire que les 43 000 hectares ravagés sur toute l'année 2019 ou les 50 000 du « grand incendie » de la forêt des Landes en 1949.

Alors qu'à peine la moitié de l'été est passée, l'année 2022 est la pire de toutes en matière d'incendies, juste derrière 1976, quand 80 000 hectares étaient partis en fumée. De nouveaux feux se déclarent tous les jours et certains – qui étaient fixés – flambent à nouveau, laissant craindre un bilan bien plus lourd à la fin de l'été.

Origine criminelle

La grande majorité de ces sinistres sont d’origine humaine. Dernier exemple en date, le 9 août, avec la reprise du gigantesque incendie de Landiras (Gironde), qui s’était déclenché en juillet. Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, il y a de « grandes suspicions » que ces reprises de feu soient le « fait d’incendiaires ». Les départs de feu constatés ne seraient distants que de « quelques centaines de mètres d’intervalle ». Une configuration anormale.

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En Bretagne, les deux incendies qui ont ravagé 1 725 hectares dans les monts d’Arrée (Finistère) à la mi-juillet, seraient également d’origine criminelle selon les éléments communiqués par le parquet. Aussi, en Ardèche, un homme de 44 ans a été interpellé fin juillet, et a avoué en garde à vue être l’auteur de plusieurs départs de feux qui ont détruit 900 hectares près d’Aubenas.

Pyromanie ou malveillance

Si certains feux sont attribués à de véritables pyromanes, d'autres sont dus à des actes de malveillance. La différence peut paraître ténue. Mais à l'inverse du pyromane « qui n'a d'autre but que de jouir de son spectacle », un incendiaire « met le feu par vengeance, par exemple à la maison de son voisin qui l’agacerait ou à l’entreprise qui l’aurait licencié », expliquait à Marianne Pierre Lamothe, psychiatre, criminologue et expert honoraire agréé par la Cour de cassation.

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Selon la base de données Prométhée, qui recense les incendies dans 15 départements de la ceinture méditerranéenne, l'incendie d'Opoul-Périllos (Pyrénées Orientales) déclaré le 28 juin est dû à un acte de malveillance, sans que le détail ne soit encore connu. En deux jours, les feux ont dévasté 1 250 hectares de végétation. La piste criminelle est aussi envisagée pour les incendies de Saint-Bauzille-de-la-Sylve (Hérault), déclarés le 27 juillet dernier, ayant ravagé plus de 1 000 hectares. Grégory Bro, maire de la commune, affirmait à franceinfo que les enquêteurs ont trouvé sur place « un récipient en fer, style une casserole ou a priori auraient été mis des cendres ». Au total, sur 36 feux ayant brûlé plus de 10 hectares dans les 15 départements couverts par Prométhée, au moins 26 sont liés à une intervention humaine (dont 17 sont d'origine malveillante), soit en tout 72 % des sinistres.

Méconnaissance

Les chiffres relevés par Marianne sont corroborés par la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France (FNSPF). Contacté, Éric Brocardi, son porte-parole, estime que « 90 % des feux sont d'origine humaine, contre 60 % en Amérique du Nord, où la foudre déclenche plus de sinistres. Sur ce pourcentage, 70 % sont dus à des actes de négligence ou de malveillance ». Dans les deux cas, « il n'y a pas forcément d'intention criminelle de créer un incendie ravageant toute la forêt. Mais la finalité est la même ». Par ailleurs, les 30 % restants sont des « incendies purement volontaires visant à s'en prendre à la forêt », relevant de la pyromanie. Quant aux 10 % de sinistres qui n'ont pas été entraînés par une intervention humaine, ils sont généralement liés à la foudre ou à des orages secs.

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Ces chiffres massifs sont-ils pour autant inéluctables ? Le porte-parole de la FNSPF avance plusieurs pistes pour empêcher la flambée. « À la fin du journal télévisé, nous avons la météo, celle des plages et, l'hiver, celle des avalanches. Il faudrait en avoir une pour les forêts, qui indique l'état de sécheresse, la violence des vents et par extension, le degré de risque d'incendies pour chaque endroit », imagineÉric Brocardi.

Prévention

Selon lui, la signalisation dans les forêts est presque inexistante. « Un Parisien qui descend dans le Sud n'a aucun indicateur sur l'état de l'endroit dans lequel il se trouve. Les panneaux indiquant un risque d'incendies remontent aux années 80 et ne sont plus adaptés. On peut imaginer un meilleur balisage avec un code couleur permettant d'alerter le promeneur sur les risques d'incendies », fait remarquer Éric Brocardi.

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Des mesures qui sont à prendre d'urgence selon le porte-parole de la Fédération : « La multiplication des incendies fait qu'on en parle énormément cette année. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud et ne pas oublier les événements de cet été lorsqu'à l'automne l'épisode sera terminé, au risque d'encore sous-estimer les risques et se retrouver dans une situation encore pire en 2023. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne