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François Mitterrand avait été victime de jets de pierre le 17 août 1974 sur le plateau du Larzac.
François Mitterrand avait été victime de jets de pierre le 17 août 1974 sur le plateau du Larzac.
AFP

Manifestation contre les "bassines" : Jadot invectivé, un remake de Mitterrand au Larzac

Soc-dem vs gauchistes

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Comme François Mitterrand avant lui sur le plateau du Larzac, Yannick Jadot a été pris à partie ce week-end par certains militants lors de la manifestation contre le projet de « bassines agricoles », à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

« Crevure ». La voiture de Yannick Jadot a été taguée, ce week-end, alors que l'ancien candidat EELV à la présidentielle manifestait aux côtés de plusieurs milliers d'opposants aux « bassines agricoles » , à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Le député européen a également été copieusement hué lors d'une prise de parole.

Il a aussi été pris à partie verbalement par des militants au visage masqué devant les caméras de BFMTV. « On ne lutte pas contre les mêmes projets », lui ont-ils rétorqué, alors qu'il voulait rappeler qu'il se tenait à Sainte-Soline « pour lutter tous ensemble ». Ce chahutage d'un responsable politique, de sensibilité sociale-démocrate, rappelle étrangement une visite agitée de François Mitterrand sur le plateau du Larzac, prémices des mobilisations écologistes actuelles.

Mitterrand caillassé

Le 17 août 1974, plusieurs dizaines de milliers de personnes se rassemblent pour la « fête de la moisson », sur les terres agricoles du Larzac promises à être transformées en camp d'entraînement militaire. L'événement, organisé en soutien aux « 103 paysans » qui devaient être délogés, a agrégé des militants d'obédiences très diverses dans une grande vitrine des contestations de l'époque.

Au-delà des hippies, le Monde rapporte la présence d'objecteurs de conscience, de militantes féministes réclamant le droit d'avorter et même des parents de la petite Brigitte Dewèvre. Leur fille, âgée de quinze ans a été assassinée à Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais) deux ans plus tôt. L'affaire avait été érigée en symbole de la lutte des classes. Le père de la victime était mineur de fond, le suspect était un notaire. Le coupable n'a jamais été identifié.

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Dans cette atmosphère de kermesse politique, un François Mitterrand en vacances gare sa voiture en fin de journée et commence à se faufiler entre la centaine de stands où chaque chapelle défend ses idées. Le leader du PS n'a pas prévenu les organisateurs de sa présence, ce qui fait grincer certains paysans, pas dupes de la tentative de récupération politique.

Dans un premier temps, Mitterrand est toutefois accueilli chaleureusement. Mais soudain, « un groupe le reconnaît, des anarchistes en particulier, lui reprochant ses compromissions du temps de l'Algérie. Une nébuleuse d'une centaine de personnes se forme et se déplace avec lui, lui jetant des pierres, des mottes de terre et des canettes de bière », rapportera un responsable socialiste dans un article de l'historien Pierre-Marie Terral. Qui étaient les protestataires ? Des gauchistes diront certains, des policiers des Renseignements Généraux corrigeront d'autres, peut-être les deux.

«Pas évident de s'afficher comme socialiste »

Toujours est-il que le futur président de la République est légèrement blessé. La situation est si tendue qu'un paysan propose au responsable socialiste de l'exfiltrer en montant dans le godet de son tracteur, lequel filerait à travers la foule. Mitterrand, conscient du potentiel ridicule de l'image, refuse. Des paysans finissent par improviser un service d'ordre et parviennent à l'extraire de la foule.

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Pas rancunier, c'est finalement François Mitterrand qui accédera aux revendications du Larzac en 1981. L'une de ses premières mesures en tant que président de la République sera d'abandonner le projet d'extension du camp militaire. Cette lutte, ferment du mouvement altermondialiste, n'aura toutefois jamais été une terre acquise à la sociale démocratie. « Je suis allé au Larzac plusieurs fois. On pouvait aller là-bas, militer, c'était très chaleureux et sympathique, mais ce n'était pas évident de s'afficher comme socialiste », confirmait Bertrand Delanoë, ancien secrétaire fédéral du PS de l'Aveyron, à l'historien Pierre-Marie Terral.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne