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Songwriter pour l'éternité, Terry Hall, le chanteur de The Specials, est décédé
Terry Hall, songwriter et arrangeur hors pair, est mort à l'âge de 63 ans.
AFP

Songwriter pour l'éternité, Terry Hall, le chanteur de The Specials, est décédé

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Le chanteur anglais des Specials et de Fun Boy Three a tiré sa révérence ce lundi 19 décembre, à l'âge de 63 ans. Une disparition prématurée qui laisse en deuil les vétérans du ska comme les jeunes générations.

Toute l’Angleterre de la musique est en deuil ce matin : Terry Hall, l’une de ses figures les plus attachantes – presque une « mascotte », un emblème, le symbole de quelque chose (les années heureuses, les années chantantes ?) –, s’en est allé trop tôt, à l’âge absurde de 63 ans. « C’est avec une grande tristesse que nous annonçons le décès, après une brève maladie, de Terry, notre magnifique ami, frère et un des plus brillants chanteurs, auteurs de chansons et paroliers que ce pays a jamais produit », a fait savoir le groupe sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook.

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Quand on dit « toute l’Angleterre », on veut dire par là que Terry Hall faisait l’unanimité, et avait réussi à maintenir cet équilibre délicat entre sa vie publique, professionnelle, et son existence privée : il était à la fois très connu, très respecté, mais sans avoir à souffrir des affres d’une gloire devenue écrasante (façon Robbie Williams, façon Morrissey ou Dave Gahan de Depeche Mode). Lui pouvait aller s’acheter ses cigarettes au coin de sa rue sans se faire sauter dessus par des fans envahissants. La marchande de journaux le connaissait ; elle avait, comme tout le pays, dansé sur le ska raffiné des Specials à la charnière des années 1970-1980. Mais les plus jeunes de son quartier, eux aussi, savaient très bien qui il était : un pionnier des métissages musicaux, mélangeant les sons noirs, les sons blancs, sans avoir besoin de s’en expliquer – et il n’était pas rare d’entendre le tube de son groupe, le génial Ghost town (numéro 1 en Grande-Bretagne pendant l’été 1981) dans les playlists Spotify des moins de 30 ans, le soir, autour de quelques cigarettes sentant bon la Jamaïque.

Un maître de la matière sonore

Entre ces différentes générations de fans de musique, il avait fait le lien, comme peu de musiciens savent le faire. Toujours dans le coup, sans être pour autant « un branché ». Il y avait quelque chose de très naturel dans sa façon de faire de la musique et de la chanter. Chez lui, rien ne semblait forcé, ou calculé. Terry Hall était un passeur d’évidence, et la musique coulait à travers lui.

Autre incongruité remarquable : le natif de Coventry (ville ouvrière des Midlands, autrefois quatrième plus grande cité du royaume) n’a jamais cherché à faire carrière. Ou n’a en tout cas jamais cherché à faire fructifier la notoriété joyeuse que lui avaient apporté les hits des Specials, préférant au contraire renouveller sa palette de sons en studio, au risque assumé de déstabiliser son public.

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Au ska et au reggae un peu martial des débuts, il ajouta vite des touches de new-wave cérébrale, de pop psychédélique et voyageuse, et de rock minimaliste, ainsi que toute une panoplie de sons d’ambiance, de sons bizarres, d’enregistrements de rues et autres instruments trafiqués en studio. D’où le spectre sonore très riche, très étoffé, de tous ses disques, sous appellation Specials ou The Special AKA, mais aussi sous étiquette Fun Boy Three (deux albums très réussis, de 81 à 83) et The Colourfield (deux albums plus mineurs en 85 et 87). Plus encore qu’un musicien et un parolier très doué pour trouver des « accroches » (à la manière de son ami Elvis Costello), il était en fait un formidable fabricant de musique, un maître dans la dimension « design sonore » que peut revêtir la fonction pour qui la pratique avec passion. En ce sens, il ouvrit certainement la voix à des gens comme Damon Albarn, Tricky, Massive Attack ou encore Lily Allen, qui voyaient en lui une source d’inspiration, mais aussi un fidèle ami et un compagnon de jeu remarquable.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne