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Marine Tondelier, le 3 novembre 2022.
Marine Tondelier, le 3 novembre 2022.
JOEL SAGET / AFP

"Elle a vu les échecs de la social-démocratie" : Marine Tondelier, en route pour la direction d'EELV

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L'élue d'Hénin-Beaumont, dont la première place était attendue, a remporté 46,97 % des voix au premier tour du congrès d'Europe Écologie-Les Verts. Celle qui incarne le mieux l'apaisement recherché par les adhérents du parti, malmenés par les polémiques et les tirs venus de leur propre camp, devrait, sauf accident de parcours, devenir en décembre la nouvelle secrétaire nationale des Verts. Portrait.

Et si Marine Tondelier était « l'assurance vie d'un parti en crise », ainsi que nous le glisse un Vert ? Malmenés par une campagne présidentielle qui n'a jamais décollé et par un scandale Bayou qui n'en finit plus, les adhérents d'Europe Ecologie-les Verts (EELV) ont fait le choix de la raison en plaçant largement en tête samedi soir l'élue nordiste (46,97 % des voix), à l'issue d'une première phase de vote pour la place de future cheffe du parti. Encore inconnue du grand public, Marine Tondelier, qui a dénoncé à plusieurs reprises « le buzz » et « la twitterisation » de la vie politique, semble avoir été le choix de l'apaisement, l'antithèse de la tendance de Sandrine Rousseau, représentée par une Mélissa Camara devenue très minoritaire (13,54 % des voix).

Le choix de la raison, donc, pour une personne rompue aux affaires du parti. Élue depuis treize, deux fois chargée d'un mandat au bureau exécutif du parti, elle connaît la chanson : « Marine a de l'expérience, elle connaît EELV de A à Z, c'est une personne que les militants connaissent et en qui beaucoup ont confiance. », décrypte Claire Monod, militante écologiste et ancienne conseillère régionale d'Île-de-France. Arrivée à EELV avec Cécile Duflot, Marine Tondelier a longtemps appartenu à ce que les militants appelaient « La Firme ». Comprendre : les entourages de Cécile Duflot, de David Cormand et de Jean-Vincent Placé. Depuis, le « bébé Duflot » s'est émancipé, notamment par l'organisation des universités d'été du parti. Elle confie à Marianne : « Je l'ai fait pendant 8 ans, parce que personne n'en voulait. Les gens se sont mis à me faire confiance. » Et à se souvenir de son nom.

Construite contre l'extrême droite

Car Marine Tondelier a d'abord été l'autre « Marine d'Hénin-Beaumont » : « Les gens jouaient sur le parallèle avec Marine Le Pen, ça les faisait beaucoup rire », s'amuse-t-elle. L'année de son entrée en politique, en 2009, le maire d'Hénin-Beaumont Gérard Dalongeville est révoqué pour détournement de fonds publics, corruption, faux en écriture privée et usage de faux, favoritisme et recel de favoritisme. À une liste citoyenne constituée à l'élection municipale partielle succède en 2014 le Front national en la personne de Steeve Briois. Marine Tondelier est élue dans l'opposition et voit « [s]a ville tomber » : « J'ai vu ce qu'ils en ont fait. Dès le premier conseil municipal, j'ai compris qu'il fallait se jeter à l'eau, c'est le seul moyen de survivre dans ce milieu. Ça a été violent tout de suite, mais le fait de militer dans l’adversité a été extrêmement formateur. »

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De son expérience d'opposante au Rassemblement national, elle tire un livre, Nouvelles du Front. Assez pragmatique, Marine Tondelier y déplore que « certains tentent de combattre [le Front national] comme ils organiseraient une séance collective d’exorcisme. Les dommages de cette stratégie, humiliante pour leurs électeurs et inefficaces pour ceux qui tentent de les convaincre, sont aujourd’hui connus de tous ». À Marianne, on explique que « politiquement, elle s’est construite comme ça : elle a vu les échecs de la social-démocratie et ses malversations, qui ont permis l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Je ne dis pas qu’elle a réussi à construire quelque chose d’efficace, mais il n'y a aucune ambiguïté vis-à-vis de l'extrême droite ».

À l'entre-deux-tours, en 2022, Marine Tondelier tente à ce titre une contre-offensive : une campagne « Le Pen ne doit pas passer ». Elle met à disposition sur un site Internet tracts et argumentaires, accompagnés d'espaces de discussion en ligne avec pour objectif affiché, dans la dernière ligne droite, de « rediaboliser l'extrême droite ». Comme une séance d'exorcisme, mais à l'envers. Une façon d'avoir le sentiment de pouvoir agir contre l'accession au pouvoir du parti d'extrême droite – « tout à fait possible », juge-t-elle – et de rester dans l'action politique. Un pis-aller, après la vive déception suscitée par la campagne de Yannick Jadot chez les militants EELV.

Un « bon soldat »

Car le candidat n'a atteint que les 4,63 %. Surtout, il a dû faire face aux critiques venues de son propre camp et d'une Sandrine Rousseau improvisée égérie radicale. Sans jamais la citer, Marine Tondelier se veut « très claire sur le sujet. Si les critiques n’avaient pas eu lieu, nous aurions pu passer les 5 %, ce qui aurait eu des conséquences financières non négligeables ». Comprendre : les frais de campagne du candidat auraient été remboursés. « Il y a quelque chose qui m'est insupportable, ce sont les écologistes qui prennent la parole dans la presse pour dire du mal d'autres écologistes », insiste-t-elle auprès de Marianne.

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« Par rapport à Jadot, Marine était dans une participation critique mais constructive. Mais Sandrine Rousseau les a tellement provoqués que, finalement, ça les a rapprochés », nous glisse-t-on. Initialement proche d'Éric Piolle, dont elle a fait la campagne, Marine Tondelier assume d'être un « bon soldat » : « Je suis loyale avant tout à l’écologie. J’ai toujours soutenu des candidats qui n’étaient pas les miens et pour Yannick, ça me paraissait logique de faire de même. » Un profil qui, pour reprendre les mots du politologue spécialiste d'EELV Daniel Boy à Marianne, incarne « le centre de gravité du parti, un équilibre entre la gauche et la droite d'EELV ».

« La Suite »

Un centre de gravité qui devra résister aux crises à venir. Au premier rang d'entre elles : la polémique autour de Julien Bayou , accusé par trois ex-compagnes de violences psychologiques et largement critiqué par Sandrine Rousseau. « Un audit de la cellule contre les violences sexistes et sexuelles est prévu en février. Mais je souhaite qu'on étende le sujet : les militantes doivent se sentir épanouies dans notre parti, il faut que nous travaillions sur la communication non violente et que nous créions un cadre sécurisant et inclusif pour les femmes », balaie-t-elle. La « communication non violente » ? Une notion compatible avec l'affrontement politique ? Elle assume : « C'est le défi. »

Un autre défi, c'est la place d'EELV au sein de la Nupes et les rapports du parti avec La France insoumise (LFI) alors que la prochaine échéance électorale – les élections européennes – pourrait tendre leurs relations. « Puisque l'alliance entre eux est impossible sur la question européenne, on pourrait résumer l'enjeu ainsi : est-ce que LFI et EELV parviendront à ne pas se fracturer, mais à faire la course chacun de leur côté pour préserver la Nupes ? », analyse Daniel Boy. « J’ai d’excellentes relations avec chaque composante de la Nupes veut rappeler Marine Tondelier à Marianne. J’échange avec les dirigeants de chaque parti de gauche et nous n'avons aucun problème de communication. » Mais elle précise : « Notre motion au Congrès s’appelle "La Suite", mais il faut aussi écrire la suite de la Nupes. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne