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Fictions sur les politiques : de "Bernadette" à "Tapie", pourquoi on est fasciné par ces gens qu'on déteste
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Fictions sur les politiques : de "Bernadette" à "Tapie", pourquoi on est fasciné par ces gens qu'on déteste

Monarchie moderne

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Détestables, navrants et désespérants. C’est ainsi qu’on s’imagine les responsables politiques vus par les Français. Alors comment expliquer que le public trouve tant de plaisir, au théâtre, dans des séries et des films, à se plonger à leurs côtés dans les coulisses du pouvoir ? Pur masochisme ? La question se posera encore avec acuité fin 2024 quand sera diffusée sur France 2 une mini-série tirée d'un livre coécrit par Édouard Philippe sur... une campagne présidentielle.

Voilà une inflation que personne n’avait vu venir. Ni la presse économique ni les Français à la caisse des supermarchés. Une inflation de… politique. Elle est partout. Au cinéma, avec Bernadette (Chirac), en salles le 4 octobre, et Catherine Deneuve dans le rôle-titre. En série, avec « Tapie » (Bernard), disponible sur Netflix depuis la mi-septembre, et dont les affiches sont si nombreuses sur les bus de nos villes qu’on le croirait revenu d’entre les morts pour renfiler les gants de boxe et mener une liste aux européennes de 2024. De la politique également au théâtre : Jacques Chirac et François Mitterrand ressuscités voyagent actuellement à travers la France. Et demain, ce sera au tour de Giscard, Pompidou et de Gaulle, de Macron, Sarkozy et Hollande, de se voir incarnés sur scène. Imaginez un peu : même Angela Merkel, dont la vie paraît aussi excitante que quarante-cinq minutes passées dans une file d’attente à la CAF, a droit aux feux de la rampe ! C’est à n’y rien comprendre. On pensait les Français, ces déserteurs en masse des isoloirs, fatigués de politique. Mais voilà qu’ils en « consomment » pour le plaisir ! Et ce paradoxe ne peut pas s’expliquer par un « oui, mais les Français sont un peuple éminemment politique ». Ce qui est vrai, mais un peu court.

Pour le scénariste Éric Benzekri, le « père » de « Baron noir » , qui a pour ainsi dire ouvert la voie avec une série capable de rassembler derrière un même écran la « ménagère » (expression détestable) et l’apparatchik (personnage détestable), il y a en fait erreur sur le diagnostic : les gens n’en ont pas soupé, de la politique, ils ont simplement « compris qu’en France tout est fondé sur l’élection présidentielle » et que celle-ci ne pâtit pas de problème d’abstention. D’ailleurs, confie-t-il, « Baron noir » devait à l’origine s’appeler « La présidentielle ». À suivre ce raisonnement, on en viendrait presque à considérer qu’un scrutin cantonal ou une législative partielle qui n’attirent pas l’électeur ne seraient pas un symptôme supplémentaire de la déliquescence de notre démocratie mais la preuve, au contraire, d’une grande maturité de nos concitoyens ! Culotté comme point de vue. Et contestable, sans doute.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne