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Les attaques du gouvernement contre Marine Le Pen s'embarrassent rarement de pertinence. Voire plongent carrément dans la simplicité.
Les attaques du gouvernement contre Marine Le Pen s'embarrassent rarement de pertinence. Voire plongent carrément dans la simplicité.
Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Parti "héritier de Pétain" : quand le gouvernement ressort les grands classiques contre le RN de Le Pen

Pourquoi se fouler ?

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Dans un entretien à Radio J diffusé dimanche 28 mai, Élisabeth Borne s'en est violemment prise au Rassemblement national, un « héritier de Pétain ». Se contentant, comme de coutume en Macronie, de tabler sur une rhétorique éculée à l'égard de la formation d'extrême droite.

« Héritier de Pétain » et porteur d'une « idéologie dangereuse ». Élisabeth Borne a misé sur du classique dans sa saillie contre le Rassemblement national . Dans un entretien à Radio J, diffusé dimanche 28 mai, la Première ministre a persisté dans le récit politique porté depuis 2017 par l'exécutif : la « dédiabolisation » du RN ne serait qu'un grossier verni et Emmanuel Macron – ou son futur successeur – le dernier rempart face à la poussée nationaliste. Quand bien même l'attitude présidentielle de ces dernières années aurait, au contraire, contribué à la pérennisation du mouvement . À ce titre, les propos de Borne tapent, une nouvelle fois, à côté, tout comme ceux de ses ministres et de son président avant elle. Florilège (depuis 2022).

Marine Le Pen « ne partage pas » les valeurs de la République

Dès les premiers temps de la nouvelle législature, élue le 19 juin 2022, l'occupante de Matignon dégainait contre Marine Le Pen à l'Assemblée. Interrogée sur l'exécution des OQTF (obligations de quitter le territoire français) le 12 juillet lors de sa première séance de questions au gouvernement par la patronne du groupe lepéniste, Borne déviait complètement. « Je n'irai pas chercher les voix du Front national », lançait-elle sans plus se préoccuper du fond de l'interpellation.

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« Il y aura toujours quelque chose qui s'interposera entre nous, cela s'appelle les valeurs, poursuivait-elle. Mon ADN, ma colonne vertébrale s'appelle la République. Alors oui, je vous le redis Madame Le Pen, mon identité, c'est la liberté, c'est l'égalité, c'est la fraternité, c'est la laïcité. Et comme Première ministre, c'est autour de ces valeurs que je veux rassembler et uniquement autour d'elles. Et ces valeurs, Madame Le Pen, vous avez beau tenter de vous les approprier, je suis convaincue que, dans les faits, vous ne les partagez pas. »

« Le Front national, que je continue à appeler comme tel »

Après une séquence sur les retraites où la majorité des attaques contre les oppositions se concentraient sur La France insoumise , Emmanuel Macron déterrait la hache de guerre contre le Rassemblement national dans un entretien au Parisien le 23 avril 2023. Interrogé sur une possible arrivée à l'Élysée de Marine Le Pen à l'issue du présent quinquennat, le chef de l'État balayait l'hypothèse d'un revers de main : « Marine Le Pen arrivera si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou de déni du réel. Si on lâche en disant “il n’y a pas de problème”, qui gagne ? Qui est le meilleur au jeu du “ça ne coûte rien”, “je vais tout vous promettre et dormez bonnes gens” ? Le Front national, que je continue à appeler comme tel, car on ne gagnera jamais contre lui au jeu du plus populiste et démagogue. »

« Le parti de la guillotine est de retour »

Quelques jours plus tard, au tour des ministres Éric Dupond-Moretti et Olivier Véran de sonner la charge. Cette fois contre le jeune président du RN, Jordan Bardella , lequel déclarait que « l'échelle des peines s'est effondrée dans notre pays depuis la suppression de la peine de mort », allant jusqu'à considérer que la France était devenue « un état de droit pour les délinquants et les criminels » après l'arrestation d'un adolescent de 15 ans, soupçonné du meurtre de la petite Rose, cinq ans, et déjà mis en examen un an auparavant pour séquestration, viol et agression sexuel sur mineur.

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Déplorant la disparition de la peine capitale, le successeur de Marine Le Pen à la tête du mouvement précisait toutefois que sa formation défendait dorénavant « la perpétuité réelle », et ce, depuis 2012 . Ambiguïté pointée par le garde des Sceaux et le porte-parole du gouvernement, lesquels ont dénoncé la sortie sur Twitter avec un peu de grandiloquence : « Au moins jadis, le Front national (sic) avançait à visage découvert sur le rétablissement de la peine de mort. Avec de tels propos, Jordan Bardella a la nostalgie honteuse. Qu'il assume ! Le parti de la guillotine est de retour », brocardait le premier. « Qu'elle est dure à masquer cette mélancolie de la pendaison et de l'injection létale. La normalisation de l'extrême droite n'est qu'un leurre. Ne soyez pas dupes, ils n'ont pas changé », abondait le second.

« Le parti de la flemme »

Gérald Darmanin n'est jamais en reste de petites phrases assassines et convenues à l'encontre de l'ex-présidente du RN. Jugeant en 2021 Marine Le Pen « trop molle » sur la question de l'islamisme , il a persisté dans cet argumentaire. Interrogé le 2 mai, lendemain du virulent discours au Havre de la députée du Pas-de-Calais à l'égard d'Emmanuel Macron , le ministre de l'Intérieur (sur) jouait le mépris : « [Marine Le Pen] n'est pas une femme d'État, c'est au mieux une petite femme politique », rétorquait-il sur BFMTV, qualifiant la formation lepéniste de « parti de la flemme ».

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« Est-ce que vous pouvez me citer une proposition, un acte courageux de Madame Le Pen, un acte qui n'est pas dans la majorité des sondages ? », poursuivait-il alors que les députés RN, parfois considérés comme les grands gagnants des débats sur les retraites, se voient régulièrement reprocher par leurs détracteurs leur discrétion dans l'hémicycle. Une posture plus complexe qu'il n'y paraît, comme l'analysait Marianne mi-mai .

« Les amis de Madame Le Pen »

Le même Darmanin s'attaquait à nouveau au parti à la flamme, deux jours plus tard, sur RMC. Réagissant aux déclarations de Jordan Bardella, en déplacement à Menton où il fustigeait le manque de moyens pour contrôler l'immigration illégale entre la France et l'Italie, le locataire de Beauvau s'en prenait cette fois… à l'exécutif transalpin de « Madame Meloni, gouvernement d’extrême droite choisi par les amis de Madame Le Pen », qu'il jugeait « incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue ». Sous-entendant par-là que les lepénistes ne feraient pas mieux qu'Emmanuel Macron en matière d'immigration.

Non seulement ce sarkozyste historique ne tenait pas compte de la réalité des relations entre le RN et Fratelli d'Italia – dont les programmes divergent fondamentalement sur divers points et les rapports sont on ne peut plus froids –, mais il déclenchait une crise diplomatique d'ampleur entre Rome et Paris . Qu'importe pour les macronistes : quand il s'agit de Marine Le Pen, le plus bancal des raisonnements suffit.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne