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Parodies politiques sur Twitter : "C’est la continuité des Guignols et du Bébête Show"
Le compte parodique de Sandrine Rousseau.
Capture d'écran - Twitter Sandruisseau

Parodies politiques sur Twitter : "C’est la continuité des Guignols et du Bébête Show"

Humour 2.0

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La satire en politique existe depuis fort longtemps dans l'Hexagone mais sa version la plus actuelle, à savoir les comptes parodiques sur Twitter, pose son lot de questions en termes de droit du numérique. Les élus visés s'en plaignent régulièrement, à l'image de la députée EELV Sandrine Rousseau, qui s'estime victime de « cyberharcèlement ».

Christophe Castagnette, Valérie Traîtresse, François Ruppin… Sur Twitter, les comptes parodiques de responsables politiques sont de plus en plus nombreux. Tournant en dérision les députés et même les ministres, ils délivrent des publications qui deviennent très souvent virales sur le réseau social. Certains, comme Sardine Ruisseau, parviennent même à dépasser le nombre d’abonnés du vrai profil de l’élu dont il se moque.

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« C’est la continuité des Guignols ou encore du Bébête Show et cela s’inscrit dans une longue tradition française de la satire politique, qui a débuté dès le XIXe siècle puis a évolué avec les époques. Le changement majeur, c’est que l’on n’a désormais plus besoin d’avoir une télévision ou un abonnement à Canal + », souligne Fabrice Epelboin, spécialiste des médias numériques et des réseaux sociaux. « Certaines personnes donnent indéniablement plus de matière pour être parodiés. On peut citer Sandrine Rousseau mais aussi Éric Zemmour, c’est-à-dire des personnalités politiques qui ont l’art de provoquer et de délivrer des messages très clivants. »

Il arrive que certaines personnalités politiques s’agacent de ces satires twittoresques. Déjà en 2018, plusieurs parlementaires LREM (désormais Renaissance) appelaient à la suppression du compte « Le Journal de l’Élysée », alors accusé d’abîmer la parole publique. « Ces tweets circulent, polluent, et nous prêtent des propos mensongers. Stop », s’insurgeait notamment la députée des Yvelines Aurore Bergé sur le réseau social.

Cyberharcèlement ?

Aujourd’hui, c’est au tour de Sandrine Rousseau de pester régulièrement contre son double parodique. « C’est un compte de cyberharcèlement de la droite extrême. Comme cela existe chez Bolsonaro, Salvini etc. vis-à-vis de femmes politiques », déclarait la députée écologiste, dans un tweet en juillet dernier. « Je suis vraiment désolé si elle subit du cyberharcèlement, je le condamne fermement. Je n’ai jamais appelé à lancer des raids contre elle, j’ai même demandé à plusieurs reprises qu’on supprime certains tweets insultants ou agressifs à son encontre », lui répond dans Le Parisien l’utilisateur à l’origine de Sardine Ruisseau, souhaitant garder l’anonymat.

Il y a peu de temps, à la suite de signalements massifs de ses partisans, la candidate malheureuse à la primaire d’EELV était parvenue à obtenir la suspension du compte satirique, pour quelques heures seulement. « Une députée qui appelle à faire taire quelqu’un, ce n’est pas très beau. Et c’est surtout contre-productif, cela n’a fait qu’amplifier le phénomène », estime Fabrice Epelboin. « Ce type de censure a fréquemment lieu sur Twitter. Mais quand il s’agit de comptes avec des milliers d’abonnés, après la suspension automatique entraînée par de nombreux signalements d’internautes, il y a une vérification manuelle de la plateforme. Ce qui explique que le blocage de Sardine Ruisseau n’a pas duré longtemps. »

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Twitter a par ailleurs une politique claire sur le sujet, qui consiste à préciser explicitement la vocation parodique du profil dans le nom d’utilisateur ou en dans l’espace « biographie ». Pour que ce type d’humour en ligne soit également conforme à la loi, « il ne faut pas qu’il y ait une volonté d’usurpation d’identité ou encore d’intentions coupables dans les publications », explique Alexandre Bigot Joly, avocat au barreau de Paris et membre du cabinet Influxio. Et de poursuivre : « S’il n’existe pas de "droit de se moquer", il y a tout de même une certaine tolérance quand la satire concerne des personnes publiques. » Tolérance protégée par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Sur le volet cyberharcèlement en revanche, « il n’est pas impossible qu’elle puisse l’emporter si elle décidait de lancer une procédure », estime le juriste. Non pas à l’encontre du compte parodique lui-même, mais des messages de haine ou d’autres « infractions visibles qui en découlent, dont les auteurs pourraient être des utilisateurs lambda ou des "comptes parodiques de comptes parodiques" ».

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne