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Législatives : Stéphane Ravacley, le boulanger-candidat à la générosité très médiatique
Le boulanger de Besançon Stéphane Ravacley, candidats aux élections législatives, s’était fait connaître en menant une grève de la faim de 10 jours, en janvier 2021, pour protester contre l’expulsion de son apprenti guinéen Laye Fodé Traoré.
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Législatives : Stéphane Ravacley, le boulanger-candidat à la générosité très médiatique

Candidats de la société civile (3/5)

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Troisième portrait de notre série consacrée aux candidats aux législatives issus de la société civile. La Nupes ne s'est pas fait prier pour investir le boulanger Stéphane Ravacley, dans le Doubs. Après avoir mené une grève de la faim pour régulariser son apprenti guinéen et initié un convoi humanitaire en aide aux Ukrainiens, il jouit en effet d'une image de bon samaritain. Image que certains écornent cependant, dans son entourage.

Un boulanger à l’Assemblée. Le slogan est vendeur et l'histoire est belle. Stéphane Ravacley, boulanger à Besançon depuis 25 ans, pourrait l'incarner s'il remporte la deuxième circonscription du Doubs aux élections législatives, sous la bannière EELV. En janvier 2021, ce fils d'agriculteur s’était fait connaître en menant une grève de la faim pour protester contre l’expulsion de son apprenti guinéen Laye Fodé Traoré. Sa situation avait été régularisée les jours suivants par la préfecture de Haute-Saône.

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Et Stéphane Ravacley ne s'est pas arrêté là. Lui qui affirme avoir vécu un « traumatisme » pendant son service militaire à Djibouti, lorsqu'il a découvert la misère des enfants abandonnés, a voulu venir en aide aux familles ukrainiennes. En février dernier, il lance sur Facebook un appel aux dons, au lendemain de l’offensive russe. Une vingtaine de camions d’aide humanitaire sont ainsi acheminés jusqu’en Pologne à son initiative.

Mélange des genres

Sa générosité médiatisée est pourtant remise en cause par une partie de son entourage. C'est le cas de plusieurs bénévoles de l'association qui a organisé les convois vers l'Ukraine. Principal reproche : il ne serait présent « que lorsqu'il y a des caméras ». Les mêmes pointent ainsi son absence lors des préparatifs de l'opération. Mais Stéphane Ravacley assume auprès de Marianne : « J’ai un métier, donc forcément je n’étais pas toujours dans les entrepôts. J’ai huit personnes à ma charge dans la boulangerie », détaille-t-il, avant de féliciter les bénévoles, qui ont « très bien organisé le convoi ». Il ne manque d'ailleurs pas de rappeler que s’il n’avait pas été à l’initiative du projet, « personne ne serait parti ».

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Une autre bénévole pointe le mélange des genres entre opération humanitaire et engagement politique partisan. Le boulanger a en effet officialisé sa candidature aux législatives un mois après le départ du premier convoi et a dû quitter le poste de président d'honneur de l'association, à la demande des bénévoles. « Nous avons été déçus de son entrée en politique, nous avons eu le sentiment d’avoir été trahis. »

« Opportunisme »

Ce n’est cependant pas la première fois que Stéphane Ravacley participe à une élection. En 2014, il figurait ainsi à la 25e place de la liste de Frank Monneur, ex-PS, pour les élections municipales de Besançon. Elle n’avait obtenu que 6,2 % des voix. Contacté par Marianne, Frank Monneur témoigne : « C'est quelqu'un de sincère et on s'est pris d'amitié l'un pour l'autre. J'avais senti chez lui une volonté d’agir, de faire bouger les choses. » Le ralliement de Stéphane Ravacley à la Nupes déçoit en revanche l’ancien élu, qui s’est depuis rapproché de LREM. « Ce qui est curieux, c'est qu’il défendait un engagement indépendant il y a quelques mois, et il rejoint désormais une coalition de cinq partis de gauche, commente-t-il. Je pense qu’il y a de l’opportunisme des deux côtés. »

Le boulanger assume avoir saisi cette « opportunité ». Après avoir obtenu l’investiture du PS, il se présente ainsi sous la bannière EELV, parti avec lequel il n’a pas d’attache particulière, mais qui a obtenu la 2e circonscription du Doubs dans l’accord de la Nupes. « En indépendant, je n’arriverai à rien, pointe-t-il. J’ai besoin des politiques pour pouvoir me faire une place à l’Assemblée. »

Une gestion contestée

Autres griefs, autres détracteurs, cette fois issus directement de la boulangerie. Lors du débat organisé par France 3 Franche-Comté, Stéphane Ravacley affirme qu’il rémunère tous ses employés à hauteur de 2 300 euros nets par mois. Julie Pair, une ancienne vendeuse de son commerce la Huche au pain, s’empresse alors de publier sur sa page Facebook sa feuille de salaire et celle d’une de ses collègues, alors payées au smic. Le lendemain, le boulanger doit rectifier ses propos auprès de France 3. La chaîne explique alors que seul l’artisan boulanger est payé 2 300 euros, d’après les fiches de paie reçues dans la journée. « J’ai fait une grosse boulette, admet le boulanger à Marianne. Si je dis la moindre connerie, j’ai bien assez d’ennemis pour me le rappeler. »

La même ancienne employée dénonce aussi l'impact de la médiatisation sur les conditions de travail dans l'établissement : « Au début, il était cordial, décrit-elle. J’étais même fière de travailler pour lui quand il a commencé sa grève de la faim, quitte à jouer le rôle de secrétaire pour tous les appels des médias que l’on recevait. Mais après cette histoire, on ne le reconnaissait plus. Un jour, il m’a lancé qu’il ne me trouvait pas assez coquette. Il fallait que je me maquille et que je change ma façon de m’habiller pour faire plus “femme” », raconte-t-elle. Des propos corroborés par Anne-Sophie, une ancienne collègue : « Il est un peu réactionnaire sur ces questions-là », résume-t-elle.

« Ça fait 25 ans que j’emploie des salariés, je n’ai jamais eu de problème de geste ou de comportement », se défend Stéphane Ravacley, agacé. D'autres employés prennent d'ailleurs sa défense assurant que s'il lui arrive « d'élever la voix », ils n'ont jamais eu à se plaindre de lui.

Un journaliste local, sollicité par Marianne, pointe une unanimité en faveur du boulanger « chevalier blanc » qu'il est mal vu de remettre en question dans la presse. Même si Stéphane Ravacley y va parfois à gros traits pour cultiver son image. « Quand je reviendrai à Besançon, ma place sera dans mon entreprise, évidemment promet-il au micro de France info. Je travaille la nuit, je serai à leur service la journée ». Un futur élu qui serait au four et au moulin ? Une promesse aux allures d'un énième coup de communication.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne