Nous avons renoncé au devoir minimal des adultes vis-à-vis des jeunes : les protéger contre toute forme d’emprise, leur fournir les armes pour conquérir leur liberté. Ce faisant, nous contemplons le désastre : un monde de porte-conteneurs dont on voudrait « réduire l’empreinte carbone » tout en tremblant à l’idée que la grande fête de la consommation pourrait s’arrêter.
Alors que se ferme la COP 27 et que s’ouvre la grande kermesse désormais mondialisée du Black Friday, il est des mots qui résonnent étrangement. Ils datent de 1997 et sont signés Jaime Semprun : « Parmi les choses que les gens n’ont pas envie d’entendre, qu’ils ne veulent pas voir alors même qu’elles s’étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci : que tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien simplifié la vie qu’il n’y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n’est déjà plus une civilisation ; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c’est celui qui en somme ratifie tous les autres. C’est pourquoi, quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?” il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “À quels enfants allons-nous laisser le monde ?” »