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Politique, téléréalité, théâtre… : ces #metoo qui ont fait du bruit, et ceux qui ont fait pschitt
#MeToo fête ses cinq ans.
Bertrand GUAY / AFP

Politique, téléréalité, théâtre… : ces #metoo qui ont fait du bruit, et ceux qui ont fait pschitt

Cinq ans après

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Depuis l'éclosion de l'affaire Weinstein, les mots-dièse invitant à dénoncer le sexisme et les violences faites aux femmes fleurissent. Et ne sont pas près de se faner. Florilège.

Il y a tout juste 5 ans paraissait l'enquête du New York Times rapportant le témoignage de plusieurs actrices, victimes présumées du producteur Harvey Weinstein. Un événement médiatique ayant entraîné une vague de libération de la parole des femmes dans nombre de secteurs professionnels et dont les effets se font encore ressentir. En ce jour anniversaire, Marianne dresse la liste des #MeToo ayant (plus ou moins) fonctionné, branche par branche.

Ils ont fait du bruit

#MeToo, les origines : l’affaire Weinstein

Une déflagration mondiale. Il y a cinq ans, une enquête du New York Times – dont c’est l’anniversaire ce 5 octobre –, puis une autre du New Yorker, révélait comment le producteur multiprimé Harvey Weinstein se servait de sa position d’incontournable pilier de Hollywood pour agresser sexuellement et violer des dizaines d’actrices. En 2020, le producteur est condamné à 23 ans de prison pour viol et agression sexuelles sur deux femmes, les autres faits reprochés étant prescrits.

Parmi les 93 victimes présumées et recensées par l’actrice Asia Argento, qui affirme elle-même avoir été violée par Weinstein : Courtney Love, Cate Blanchett, Emma de Caunes, Angelina Jolie ou encore Léa Seydoux. Sombre ironie du sort, Asia Argento sera, moins d’un an plus tard en août 2018, elle-même accusée d’avoir agressé sexuellement un jeune acteur et musicien, Jimmy Bennett, en 2013. Une affaire enterrée grâce à un accord financier de 380 000 dollars entre les deux protagonistes.

#BalanceTonPorc

Le 14 octobre 2017, quelques jours à peine après l’éclosion du scandale Weinstein, la journaliste française Sandra Muller lançait, elle aussi, un mouvement de libération de la parole des femmes à travers #BalanceTonPorc. Particularité du mot-dièse ? Il est l’un des seuls à inviter les victimes à nommer leur agresseur. Celui de Muller est l’ancien président de la chaîne hippique Equidia, Éric Brion, à qui elle reprochait des propos grossiers durant une soirée à Cannes : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. » « #BalanceTonPorc a ruiné ma vie », témoignera, un an plus tard, l’accusé dans les colonnes du Point.

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La « lanceuse d’alerte » sera condamnée en première instance pour diffamation en 2019 à 15 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal judiciaire de Paris pour ses accusations à l’encontre de Brion. Mais en 2021, nouveau retournement de situation : la cour d’appel de Paris la relaxe, considérant que ses propos « relevaient d’un débat d’intérêt général sur la libération de la parole des femmes ».

#BalanceTonSport

Fin 2019, le site d'investigation Disclose signait une grande enquête mettant au jour des « dysfonctionnements majeurs » dans le milieu sportif, mentionnant au moins 276 victimes d’agression et de harcèlement sexuel – en majorité des enfants de moins de 15 ans – dans 28 disciplines différentes, de la part d’entraîneurs, de médecins, de kinés ou d’adultes ayant une certaine autorité.

Peu après, en janvier 2020, la patineuse artistique française Sarah Abitbol racontait dans son ouvrage Un si long silence comment son entraîneur, Gilles Beyer, avait abusé d’elle de ses 15 à 17 ans. Dans la foulée, un déferlement de témoignages du même acabit accusait le coach, mais également d’autres professionnels du milieu.

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Ces accusations ont provoqué la chute du patron de la Fédération française des sports sur glace, Didier Gailhaguet, soupçonné d’avoir couvert ces agissements durant les 20 ans qu’a duré sa présidence. Début janvier 2021, Gilles Beyer a été mis en examen pour « agressions sexuelles par personne ayant autorité et harcèlements sexuels par personne ayant autorité » et placé sous contrôle judiciaire.

#SciencesPorcs

En février 2021, des dizaines d’étudiantes et de diplômées des Instituts d'Études Politiques (IEP) ont dénoncé les viols et agressions sexuelles subies pendant leur scolarité, via le mot-dièse #SciencesPorcs. Une vague lancée à partir du témoignage de Juliette, initialement publié en version longue sur Facebook. Culture corporatiste, machisme banalisé, peur des représailles ou de se confronter à l’administration ou à la justice…

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Dans la foulée, beaucoup d'établissements ont mis en place des cellules d’écoute. Des dispositifs jugés insuffisants par la plupart des étudiantes victimes d'abus. Côté direction, si certaines avaient assuré signaler chaque infraction parvenue à leurs oreilles, d’autres préféraient se défausser, assurant que ces abus n’auraient pas eu lieu dans les couloirs ou les amphithéâtres des écoles.

#MeTooInceste

Début janvier 2021, le livre La Familia Grande, écrit par Camille Kouchner dénonçait début janvier 2021 les actes d’agressions sexuelles et de viols subis par son frère jumeau Victor, à l'époque âgé de 13 ans. Quelques jours avant la parution, leur beau-père, le politologue Olivier Duhamel, démissionnait de toutes ses fonctions, notamment de la présidence de la prestigieuse Fondation nationale des sciences politiques de SciencesPo (FNSP). Et pour cause : c'est lui que Camille Kouchner accuse dans son ouvrage.

Mais Duhamel n'est pas le seul éclaboussé dans cette secousse médiatique. Tous deux proches du politologue, Élisabeth Guigou a dû renoncer à présider la Commission sur l’inceste le 13 janvier et Marc Guillaume, préfet d’Île-de-France et de Paris, quitte les fonctions qu’il occupait au côté du constitutionnaliste à la FNSP, au club du Siècle et à la revue Pouvoirs.

D'autres accusations ont ensuite visé d'autres figures médiatiques. À l'image du président du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), Dominique Boutonnat, accusé d’avoir agressé sexuellement son filleul, alors âgé de 21 ans.

#MeTooMedia

Coup de tonnerre dans le microcosme médiatique. En février 2021, la chroniqueuse et auteur Florence Porcel portait plainte contre l’ex-star du JT de TF1, Patrick Poivre d’Arvor. Entraînant dans son sillon 89 autres témoignages de femme pour des faits de harcèlement, d’agression sexuelle et de viol, selon la journaliste de Cécile Delarue, l’une des victimes présumées de « PPDA ». En tout, une trentaine de femmes se sont constituées parties civiles.

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Après l’ouverture de plusieurs enquêtes, dont une première classée sans suite du fait de l’ancienneté des faits, la justice se penche dorénavant sur le caractère « sériel » de l’affaire, afin de contourner la prescription.

D’autres journalistes ou anciens journalistes ont par la suite été mis en cause pour des faits proches: Nicolas Hulot, accusé par six femmes en 2021 dans un reportage d’Envoyé spécial (sans compter la plainte classée sans suite de Pascale Mitterrand révélée par Ebdo en 2019) mais aussi Jean-Jacques Bourdin en janvier 2022, ce qui lui a coûté son poste sur BFMTV/RMC. Une enquête avait été ouverte pour agression sexuelle à son encontre mais elle a finalement été classée. L'animateur a depuis rebondi à l'antenne de Sud Radio.

#MeTooPolitique

Nombreux sont les politiques – surtout à gauche – à avoir été visé par le mouvement MeToo ces derniers mois. Durant les législatives, le journaliste militant et candidat LFI Taha Bouhafs a été mis en retrait après un signalement auprès du comité contre les violences sexistes et sexuelles de La France insoumise, sans qu’on sache pour l’instant de quoi il s’agit. Taha Bouhafs affirme d'ailleurs ne pas connaître non plus la nature des faits reprochés.

Le 20 mai 2022, lendemain de la constitution du premier gouvernement Borne, le nouveau ministre des Solidarités, Damien Abad, est accusé de viol par deux femmes. Deux autres accusations viennent ensuite, forçant la justice à ouvrir une enquête pour « tentative de viol ». Le 4 juillet, il n’est pas reconduit dans ses fonctions lors du remaniement ministériel.

Viennent ensuite les cas du député Éric Coquerel, visé par une plainte depuis juillet pour « harcèlement sexuel » sur une ancienne Gilet jaune proche des insoumis ; du coordinateur de LFI Adrien Quatennens, dont la femme a déposé deux mains courantes et une plainte pour des faits d’agression physique et de harcèlement dans le cadre de leur divorce – le député reconnaît l'avoir giflée – ; de Julien Bayou, accusé de « violences psychologiques » sur une ex-compagne… sans que les faits puissent être juridiquement caractérisés.

Ils peinent à émerger

#MeTooThéâtre

Une enquête de Libération paru en 2021 rapportait qu’une enquête préliminaire pour agressions sexuelles visait le metteur en scène Michel Didym. Une vingtaine de comédiennes ou anciennes comédiennes y dénonçaient ses agissements. Dans la foulée, le collectif #MeTooThéâtre naissait.

Mais celui-ci a surtout fait parler pour sa virulence, notamment en octobre 2021 vis-à-vis du metteur en scène Jean-Pierre Baro, anciennement visé par une plainte pour viol classée en 2019. Deux jours avant la polémique, la comédienne et militante antispéciste Solveig Halloin était vue au rassemblement organisé par le collectif, où elle mettait en cause le metteur en scène Philippe Caubère. Le même avait été visé par une plainte pour viol, agressions sexuelles et classée en 2019 émanant de l'activiste, par la suite condamnée pour diffamation envers l'homme à l'été 2021

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Le milieu est apparu particulièrement divisé à la cérémonie des Molières 2022. Alors que des représentants de #MeTooThéâtre devaient prendre la parole, le président de la manifestation théâtrale, Jean-Marc Dumontet, a annulé le discours, arguant que le texte du collectif « dénonçait la présence de violeurs dans la salle » quand celui-ci devait traiter de « la mise en place d'un référent sur les agressions sexuelles dans chaque théâtre ou compagnie ».

#MeTooMusiqueClassique

Il existe bien le blog « Paye ta note », fondé fin 2021 et visant à dénoncer – anonymement – les propos et gestes à caractère sexistes ou sexuels dans le milieu. Mais le véritable « #MeToo de la musique classique », comme titrait un article de Mediapart paru en juin 2021, aurait pu éclore au moment de la mise en retrait par le Conservatoire national de Paris du professeur de violoncelle Jérôme Pernoo, accusé d’agression sexuelle sur un élève mineur.

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Sauf que l’audit interne mené par l’institution a été confié à l’entreprise Egaé, fondé et dirigée par Caroline De Haas ! Témoignages tronqués, voire déformés, sanctions invalidées plusieurs fois par la justice… L’opération #MeToo du conservatoire s’est finalement transformée en bérézina, si bien que des élèves du professeur sont eux-mêmes montés au créneau pour défendre Pernoo auprès de Marianne.

#MeTooGay

En septembre 2020, le journaliste Mathieu Foucher publie un long témoignage sur le site Vice.com où celui-ci raconte la dizaine d’années qu'il lui a fallu pour confier les attouchements sexuels dont il aurait été victime à 10 ou 11 ans. Le titre de l’article : « À la recherche du MeToo gay ». Dans la foulée de cette publication, de nombreux témoignages sont publiés sur les réseaux sociaux.

Parmi eux : Guillaume, un jeune étudiant de 21 ans qui accuse deux élus parisiens d’avoir abusé de lui alors qu’il vivait chez eux. « Je considère qu’ils ont profité de ma jeunesse, de ma naïveté, du fait qu’en raison de problèmes familiaux je n’avais pas vraiment d’endroit où dormir, de leurs responsabilités au sein du PCF pour avoir des relations sexuelles non consenties avec moi », écrit-il sur Twitter le 21 janvier. Le 9 février, Guillaume est retrouvé pendu dans sa chambre du campus de Nanterre (Hauts-de-Seine).

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Saisi d’une plainte contre X pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le parquet local a ouvert une enquête pour examiner les causes de son décès mais est classée sans suite le 3 mai 2022.

#MeTooTéléréalité

Le 12 novembre 2021, le site Melty.fr diffusait une interview d’une ancienne starlette de télé-réalité reconvertie dans l’écriture, Alix Desmoineaux. Au cours de la discussion, celle-ci révélait avoir dénoncé « à deux productions un candidat activement dans la télé aujourd’hui ». Le candidat en question ? Illan Castronovo, une vedette de W9 qui a notamment tourné dans « Les princes et princesses de l’amour ».

Cet ex-chef cuisinier de 28 ans, apparu pour la première fois à l'écran en 2016, a été visé en septembre 2020 par une première plainte pour « harcèlement sexuel dans le cadre d’une relation de travail », déposée par une candidate des « Princes et princesses de l’amour 7 » – finalement classée sans suite par le parquet de Lyon, faute d'éléments.

Mais une seconde femme, candidate de l'émission « Moundir et les apprentis aventuriers 4 », dépose plainte à son tour à Paris le 7 décembre 2021, pour « harcèlement, diffamation et agression sexuelle ». Selon le journal Libération, les faits remonteraient au 9 janvier 2019. D’autres affaires viennent ensuite, dont une concernant des violences conjugales visant Julien Guirado, 29 ans, qui a admis les faits. Malgré tout, les producteurs de ces émissions ne semblent pas prêts à faire l’état des lieux du milieu. « En télé-réalité, ces agissements sont tolérés de manière tacite », analysait pour Marianne le producteur Sam Zirah.

Ceux à suivre

#MeTooPorno

Parmi les milieux où la libération de la parole sur le viol et les agressions sexuelles semble avoir le plus de mal à porter des effets, on trouve sans surprise l’industrie pornographique. Début novembre 2021 et pour la première fois en France, quatre acteurs sont mis en examen pour viol lors de tournages pornos. Le résultat d’une enquête tentaculaire qui a duré plus d'un an, permettant de récolter les témoignages de 53 victimes témoignant de la culture du viol qui régnait sur les plateaux, de l’usage de drogues et de pratiques sexuelles imposées et humiliantes. Trente actrices avaient officiellement porté plainte.

Plus récemment, c’est le magazine de France 2 Complément d’Enquête qui dévoilait le 29 septembre dans « Porno : une industrie hors de contrôle ? » l’ampleur des pratiques forcées et violentes qui permettaient au producteur du site French Bukakke de vendre des contenus pornographiques à ses abonnés. Le témoignage des actrices victimes de ces abus témoigne de la difficulté de la prise au sérieux de leur parole lors des dépôts de plainte. Selon un journaliste spécialisé interrogé par Complément d’enquête, l’une d’entre elles se seraient même vu rétorquer qu’il ne s’agissait pas d’un problème de viol mais… d’un litige commercial.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne