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Une station-service TotalEnergie, Promenade des Anglais, Nice FRANCE / Image d'illustration
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SYSPEO/SIPA

Surprise ! Suisses, Belges et Allemands profitent de la ristourne du gouvernement sur l’essence

Écotourisme

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De plus en plus de frontaliers suisses profitent de la remise de 18 centimes à la pompe en France pour venir faire leur plein chez nous. Une situation favorisée par l'incapacité du gouvernement à mettre en place une aide au carburant ciblée visant les ménages les plus pauvres.

La mesure devait contribuer à protéger le pouvoir d’achat des Français . Résultat : elle bénéficie aussi à nos voisins suisses. De plus en plus de frontaliers viennent faire leur plein d’essence en France. Et pour cause : l’aide ciblée sur le carburant qui devait viser les classes populaires et les travailleurs qui utilisent beaucoup leur véhicule s’est transformée, pour faire plaisir à la droite parlementaire, en ristourne généralisée sur l’essence . Aujourd’hui, n’importe quel consommateur bénéficie donc d’une remise à la pompe de 15 à 18 centimes au litre.

N’importe qui… y compris les Suisses, qui ont parfaitement mesuré la différence de prix entre une station d'essence du côté helvète de la frontière et une station française. La situation devrait perdurer puisque la ristourne passera à 30 centimes dès septembre, pour deux mois.

Des mesures ciblées

De quoi indigner le sénateur de la Haute-Savoie Loïc Hervé (Union Centriste) : « Cette ristourne coûte très cher à nos finances publiques : 4,5 milliards d’euros », fustige-t-il. Le parlementaire met le doigt sur l’absurdité de cette situation : « Il faut qu’on aide en priorité les Français qui en ont le plus besoin, il ne faut pas aider les riches, les touristes étrangers, les Suisses… Il faut qu’on aide les Français qui bossent ! », a déclaré, provocateur, l’homme politique sur la chaîne suisse RTS.

« Avec le groupe centriste au Sénat, nous sommes pour des mesures beaucoup plus ciblées que cette mesure générale qui a des effets de bord », a-t-il poursuivi.

Sa réaction a été très peu appréciée de l’autre côté de la frontière, où la classe politique estime que les Français frontaliers profitent eux aussi – et depuis longtemps – de certains avantages existant en Suisse. « La France laisse construire tout autour de la Suisse des supermarchés énormes pour attirer les consommateurs suisses mais quand il s'agit de "profiter" comme vous dites de l’essence, une fois sur les 30 dernières années, ça devient un problème et on ne peut pas travailler ensemble », lui a répondu Mauro Poggia, conseiller d'État genevois sur la même chaîne.

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Les frontaliers suisses ne sont pas les seuls à venir s’approvisionner en France. De plus en plus de Belges, qui ont eux aussi plutôt l’habitude de voir les Français venir faire leur plein chez eux, profitent des tarifs plus abordables de l'Hexagone. Une situation « catastrophique » pour les pompistes outre-Quiévrain, rapporte le média belge RTBF . Les Allemands, chez qui le prix du carburant est particulièrement élevé, sont aussi de plus en plus nombreux à faire le voyage : pas de surprise, l’Allemagne est dans le top 3 des pays où le carburant est le plus cher depuis le début du conflit en Ukraine, avec jusqu'à 2,80 euros le litre.

Une ristourne très critiquée

Le sénateur Loïc Hervé se trompe peut-être de combat en critiquant nos voisins suisses, mais son constat est juste : d’une aide ciblée pour ceux qui en ont le plus besoin, le gouvernement, qui a dû négocier avec la droite, a finalement obtenu une aide généralisée qui profite d’abord aux riches. C’est le Conseil d’analyse économique, un institut public composé d’économistes professionnels conseillant le gouvernement, qui le dit : « Le premier constat que l’on peut dresser sur la consommation d’essence est que ce sont les plus aisés qui consomment le plus. » L'institution conclut que la réduction du prix de 18 centimes a « de fait bénéficié en euros davantage aux ménages les plus aisés ».

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Les Français ne sont d'ailleurs pas dupes : selon une enquête YouGov réalisée pour le HuffPost les lundi 8 et mardi 9 août, 54 % des Français se disent insatisfaits de cette ristourne généralisée et seuls 37 % s'en contentent. Moins de 2 Français sur 10 estiment que les aides débloquées par le gouvernement et validées par les députés et sénateurs vont les « aider » dans leur « vie quotidienne ». Ils sont 67 % à penser le contraire.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne