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Macron, faux Marseillais et vrai communicant

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En mettant en scène sans craindre de trop en faire son amour pour Marseille, ville qui concentre tant de difficultés, Emmanuel Macron prend un risque : celui d’être identifié à un échec.

Qu’on se le dise : Emmanuel Macron aime Marseille, il adore Marseille ! La preuve : il consacre jusqu’à ce mercredi 28 juin à deuxième ville de France une visite de trois jours, pour faire le point sur le plan « Marseille en grand » lancé en 2021 afin de combattre des fléaux endémiques qui se nomment pauvreté, insalubrité, insécurité. La suite d’une véritable histoire d’amour entre le président et la cité phocéenne. Histoire un peu surjouée, par exemple quand le chef de l’État a été subitement pris d’une prononciation à la marseillaise, lors de son discours de lancement du plan, en 2021…

Marseille, un narratif présent depuis longtemps chez Emmanuel Macron. En 2016, l’ambitieux ex-ministre de l’Économie y avait effectué son premier déplacement de candidat à l’Élysée. L’an dernier, il y a tenu l’un des rares meetings de sa campagne de réélection. Sans peur de trop en faire, le président s’affiche fan de l’OM et truffe ses discours de références à Jul et IAM, stars locales du rap.

Marseille ne vote pas Macron

Pourtant, Emmanuel Macron n’a aucune origine marseillaise. Il y a même comme un choc des cultures entre ce président venu de la sage bourgeoisie d’Amiens et cette ville sudiste au tempérament éruptif. Lui, l’ex-inspecteur des finances et banquier, souvent taxé de « président des riches » ou accusé d’avoir un prisme trop parisien, paraît aux antipodes d’une ville populaire qui met un point d’honneur à cultiver sa rivalité avec la capitale. C’est ainsi, Macron ne ressemble pas à Marseille et Marseille ne lui ressemble pas.

Au premier tour de la dernière présidentielle, les électeurs marseillais lui ont d’ailleurs largement préféré Jean-Luc Mélenchon, arrivé en tête avec 31 % des voix, près de dix points devant le chef de l’État. Emmanuel Macron n’en a pas moins fait de Marseille le laboratoire de ce que l’Élysée nommait « une nouvelle méthode » lors du lancement du plan « Marseille en grand », il y a près de deux ans. « On prend un lieu, on expérimente en y allant très fort, on évalue très vite et on généralise », expliquait à l’époque l’un de ses conseillers. Depuis, l’État a mis cinq milliards sur la table pour rénover les écoles, améliorer le réseau de transports ou lutter contre le narcotrafic.

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L’avantage pour Emmanuel Macron, c’est qu’il ne rencontre pas de véritable opposition sur place. La droite locale s’est largement ralliée à lui, à l’instar du président de la région Paca, Renaud Muselier. Tandis que la gauche, qui a conquis la mairie en 2020, a trop besoin des subsides de l’État pour protester. Même si le maire Benoît Payan, un cacique socialiste que la Macronie a convoité un temps, n’a pas rejoint le camp présidentiel. L’inconvénient, c’est qu’il est quasiment impossible, dans une ville qui concentre tant de problèmes, d’obtenir rapidement des résultats visibles. Pour l’instant, seules six écoles rénovées ont été livrées, la ville compte toujours 40 000 logements insalubres selon la Fondation Abbé-Pierre, et les règlements de comptes liés au trafic de drogue repartent à la hausse (23 morts depuis le début de l’année). À force de vouloir s’identifier à Marseille, Emmanuel Macron prend le risque qu’on l’associe à un éternel échec français.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne