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En déplacement à Madrid, ce mercredi, pour la signature de son livre, Nicolas Sarkozy sera-t-il rentré à Paris ce jeudi matin pour comparaître à la barre correctionnelle ?
En déplacement à Madrid, ce mercredi, pour la signature de son livre, Nicolas Sarkozy sera-t-il rentré à Paris ce jeudi matin pour comparaître à la barre correctionnelle ?
AFP

Un an de prison ferme requis : Sarkozy sera-t-il condamné dans l'affaire Bygmalion ?

Moment de vérité

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Déjà mis en examen ou cité dans plusieurs affaires, Nicolas Sarkozy sera-t-il condamné – avec 13 autres prévenus – ce 30 septembre par le tribunal correctionnel de Paris ? L'ancien président encourt un an de prison ferme dans l’affaire Bygmalion, du nom de cette agence qui aurait permis à l'UMP via un système de fausses factures de masquer ses dépassements de frais de campagne en 2012.

Rendez-vous à très hauts risques ce jeudi 30 septembre à 10 heures du matin pour l’ancien président de la République. Nicolas Sarkozy encourt un an de prison ferme dans l’affaire Bygmalion. Contre lui, au printemps dernier, le parquet de Paris a d’abord réclamé « le maximum », en nuançant ce « maximum » par des réquisitions de six mois ferme et six mois sursis. En déplacement à Madrid, ce mercredi, pour la signature de son livre, Nicolas Sarkozy sera-t-il rentré à Paris ce jeudi matin pour comparaître à la barre correctionnelle ? Pas sûr. « On verra bien », glisse à Marianne un de ses proches, pas franchement optimiste. Le procès de juin dernier, qu’il avait boudé, s’estimant moins concerné que les 13 autres prévenus, a été d’une grande limpidité sur un point au moins : la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy 2012, plafonnée à 22 millions d’euros au nom de l'égalité des chances entre les candidats, en a en réalité coûté plus de 42 millions.

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À l’issue de l’audience, conduite avec tact et fermeté par la présidente Caroline Viguier, le dépassement d’une vingtaine de millions ne fait aucun doute, via 16 millions d'euros de fausses factures réglées à l’agence de communication Bygmalion, pour couvrir ses frais réels, et 4 autres millions d'euros de dépenses prises en charge indûment par l’UMP. Pour le parquet, cette fraude « massive », avérée, incontestable, a en premier lieu bénéficié… au candidat. « Alors qu’il était président de la République au moment des faits, et alors que sa fonction exigeait une probité qui devait être irréprochable, il a porté atteinte aux valeurs de la démocratie républicaine », a résumé le procureur Baïetto. Sa collègue, la procureure Vanessa Perrée a regretté son absence du procès : « Il n’est venu qu’à une seule de vos audiences, comme un simple témoin, pourtant toutes vos audiences le concernaient. Puisqu'il s’agissait de sa campagne. » La magistrate a raillé sa « désinvolture vis-à-vis de ses collaborateurs », venant ici distribuer les « bons et les mauvais points », mais aussi vis-à-vis « du tribunal ».

Désinvolture de Sarkozy

La procureure a démonté la défense de l’ancien chef d’État, qui s’est dit étranger non seulement à la fraude, mais aussi à la mécanique des fausses factures. « Monsieur Sarkozy a déclaré qu’il avait signé son compte de campagne les yeux fermés, sans même le lire, mais la loi est très claire, c’est le candidat qui est tenu de présenter des comptes sincères ! » a-t-elle martelé. Pour un ancien président, « qui signait des traités internationaux et des décrets, venir vous dire aujourd’hui que sur son compte de campagne sa signature ne valait rien témoigne d’une désinvolture abyssale », a encore assené Vanessa Perrée.

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Comment le tribunal correctionnel traduira-t-il ces réquisitions ? C’est la première inconnue de ce jeudi matin. En cas de condamnation, l’ancien président, qui a plaidé la relaxe, devrait faire appel. Déjà condamné en première instance à trois ans de prison dont un an ferme dans l’affaire Bismuth , il sera rejugé dans ce dossier en novembre et décembre 2022. Un éventuel appel dans l'affaire Bygmalion, l’amènerait de nouveau devant les tribunaux en 2023. Mis en examen dans l’affaire libyenne, son nom est aussi cité dans l’affaire de subornation de témoin Takieddine, actuellement à l’instruction. C’est dire si l’ancien président n’en a pas fini avec la justice.

Clémentes réquisitions

L’autre inconnu de ce jeudi matin concerne le quantum des peines des 13 autres prévenus du procès Bygmalion. Ils se répartissent en trois groupes, les hommes de l’agence de communication, les hommes de l’équipe de campagne et le staff de l’UMP. À l’exception de Bastien Millot , l’ancien patron de Bygmalion, le seul à nier, et contre lequel il a été requis deux ans dont un an ferme, le parquet a réclamé des peines de prison avec sursis contre les douze autres. Ces réquisitions relativement clémentes – ils risquent 5 ans ferme – paraissent en décalage avec l’importance de la triche, telle que l’ont pourtant détaillée les deux procureurs. En décalage aussi avec l’obstination de certains prévenus, notamment les anciens de l’UMP, à nier les évidences à la barre, faisant clairement obstacle à la manifestation de la vérité. En décalage aussi avec le quantum de peines de prison ferme réclamées par le parquet ces derniers mois dans les procès politiques, que ce soit les procès Fillon , Bismuth-Sarkozy, Karachi , Balkany … ou des emprisonnements ferme ont été requis.

En décalage, enfin, avec ce que la plupart des prévenus du procès Bygmalion s’attendaient à voir requis contre eux. « Si j’ai du sursis, je ne ferai même pas appel », confiait le soir même un des protagonistes de l’audience. « Nous sommes plusieurs à penser que le tribunal risque d’aller au-delà de ces réquisitions », admet à la veille du jugement, un des avocats du procès. « Mais une chose est sûre, rien n’a filtré ! Le secret de délibérés correctionnels reste un des secrets les mieux gardés de la République », ajoute cet avocat. « On verra bien », confie avec un filet d’inquiétude dans la voix Jérôme Lavrilleux, bras droit de l’ancien numéro deux de l’UMP Jean-François Copé, contre lequel le parquet a requis trois ans avec sursis. Avec son sens de la formule, Lavrilleux compare l’attente du jugement « à un long jour d’élection perdu »… Résultat des courses à 10 heures.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne