Accueil

Monde Amériques
Lula a remporté la présidence de justesse face à Jair Bolsonaro. Le président sortant n'a, pour l'instant, pas reconnu sa défaite.
Lula a remporté la présidence de justesse face à Jair Bolsonaro. Le président sortant n'a, pour l'instant, pas reconnu sa défaite.
NELSON ALMEIDA / AFP

Contre-pouvoir des gouverneurs, rôle de l'armée, Poutine : ce qu'il faut retenir du retour au pouvoir de Lula

Élections brésiliennes

Par

Publié le

Lula a été réélu dimanche 30 octobre avec 50,9 % des voix. C'est la première fois qu'un ancien président prend à nouveau la tête du pays et qu'un sortant ne rempile pas pour un second mandat.

Les résultats sont définitivement arrêtés et la réélection de Lula actée. Après une campagne présidentielle acharnée entre le leader de gauche et le président de droite nationaliste et ultraconservatrice Jair Bolsonaro, le premier a battu le second lors du scrutin du 30 octobre d'un peu plus de deux millions de voix dans un pays qui compte plus de 156 millions d'inscrits sur les listes électorales. Retour sur les enjeux posés par cette élection.

Premières fois

Ces élections sont singulières de deux points de vue. Première fois, tout d'abord, qu'un ancien président revient au pouvoir après un intermède de plusieurs années, depuis la fin de la dictature en 1985. Luiz Inácio Lula da Silva, dit « Lula », a en effet déjà gouverné le Brésil, de 2003 à 2011, avant de passer à la main à Dilma Rousseff, son héritière au sein du Parti des travailleurs (PT).

À LIRE AUSSI : Élections au Brésil : pourquoi Bolsonaro est arrivé plus haut que prévu au premier tour

Vingt ans plus tard, le chef d'État entame donc un troisième mandat – également une première depuis 1985 –, après être passé par la case « prison » entre avril 2018 et novembre 2019, pour des faits de corruption. Ses condamnations ont cependant été annulées ou prescrites par la Cour suprême du pays en mars 2021, lui permettant de recouvrer ses droits politiques. À l'inverse, la non-réélection de Jair Bolsonaro est une première dans l'histoire récente du Brésil. Depuis 1985, tous les dirigeants du Brésil avant lui ont rempilé pour un second mandat.

Lula et Poutine

Si Lula et Bolsonaro sont diamétralement opposés, il est un point où les deux dirigeants convergent : leur mansuétude vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine. Durant la campagne présidentielle, le leader du PT a attaqué de façon virulente le président Volodymyr Zelensky dans un entretien au magazine américain Time en mai : « Je vois le président ukrainien être applaudi par tous les parlementaires [européens]. Ce type est aussi responsable de la guerre que Poutine. […] Il voulait la guerre. S’il n’en voulait pas, il aurait négocié un peu plus », tançait-il.

Poutine fut par ailleurs l'un des premiers dirigeants à saluer la victoire du président élu. « Les résultats de l'élection ont confirmé votre grande autorité politique », a loué le chef d'État russe dans un télégramme adressé à son homologue, disant espérer « de poursuivre le développement d'une coopération russo-brésilienne constructive dans tous les domaines ».

L'ombre de Bolsonaro

La partie s'annonce toutefois (très) ardue pour le président élu. Le jour de sa propre élection, le 30 octobre, se tenaient également les scrutins pour la Chambre des députés, une partie du Sénat, ainsi que les gouverneurs de chacun des 27 États qui composent le Brésil. Or, dans un pays fédéral comme le Brésil, ces derniers sont presque aussi importants que le président lui-même.

À LIRE AUSSI : Brésil : survivant à un véritable coup d’État, "Lula is back !"

Éducation, justice, social, santé,… L'étendue de leurs compétences leur a permis de jouer un rôle de contre-pouvoir quand Jair Bolsonaro rechignait à faire vacciner sa population. Sauf que 14 d'entre eux sont, depuis hier, aux mains de bolsonaristes, dont celui de São Paulo qui représente à lui seul un tiers de la richesse produite chaque année au Brésil et dont le produit intérieur brut est plus élevé que celui de l'Argentine ou de la Belgique, comme le rappelle franceinfo .

Autre élément défavorable à Lula : le passage à la droite dure de la Chambre des députés et du Sénat, tous deux dominés par la formation du président sortant. Pas certain, donc, de voir Bolsonaro imiter Donald Trump avec l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021, même s'il ne s'est toujours pas exprimé quant à sa défaite. L'épisode a été politiquement coûteux pour l'ancien président des États-Unis, depuis mis en cause par de multiples enquêtes, parlementaires comme judiciaires, rendant un retour aux manettes plus difficile.

Quid de l'armée ?

Les rapports sont troubles entre l'armée et Lula, la première considérant le second comme un « communiste », malgré 8 ans de cohabitation durant les deux premiers mandats du président élu. Au Brésil, depuis la dictature (1964-1985), les militaires ont toujours joué un rôle prégnant dans la politique nationale, au point d'être nommés, sous Bolsonaro, à des ministères stratégiques comme à la Vice-présidence, à la Défense, aux Sciences, à la Technologie et aux Télécommunications, aux Mines et à l'énergie.

À LIRE AUSSI : "Seul Dieu peut me retirer la présidence" : pourquoi Bolsonaro commence à inquiéter au Brésil

Soutiens du président battu – lui-même ancien parachutiste et nostalgique de la dictature – , ceux-ci pourraient donner un coup de pouce à ce dernier, en cas de scénario à la Trump. À moins qu'après 27 ans de république, la grande muette ait accepté d'enterrer velléités hégémoniques.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne