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Législatives : Thibault de Montbrial, "l'avocat des flics" en campagne dans les Yvelines
L'avocat s'est taillé une solide réputation dans les couloirs du pouvoir et sur les plateaux de télévision.
Jacques Witt/SIPA

Législatives : Thibault de Montbrial, "l'avocat des flics" en campagne dans les Yvelines

Candidats de la société civile (4/5)

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Quatrième portrait de notre série consacrée aux candidats aux législatives issus de la société civile. L'avocat Thibault de Montbrial, conseiller sécurité de Valérie Pécresse à la présidentielle, sort de l'ombre en se présentant aux législatives dans les Yvelines. Méconnu du grand public, il s'est imposé dans les couloirs du pouvoir avec des propositions sécuritaires clivantes.

« Un : l’État ne doit pas emmerder les gens. Deux : l'État doit d'abord assurer leur sécurité. Trois : il faut protéger les plus fragiles. Voilà, en bref, ma vision politique », lâche Thibault de Montbrial. Cette figure du barreau de Paris, spécialisé dans la défense des policiers et des militaires, se présente pour la première fois aux législatives ce dimanche, sous les couleurs des Républicains mais sans en avoir la carte.

L'ancien para dans l'armée, qui vit dans l'ouest de Paris, a atterri il y a un mois dans la sixième circonscription des Yvelines. Celle, plutôt bourgeoise, de Saint-Germain-en-Laye, où ​l'équipe de la députée sortante Natalia Pouzyreff (LREM), raille un parachutage. Sans effet sur Thibault de Montbrial. En voiture entre deux déplacements, l'avocat rétorque – en reprenant le jargon militaire – qu'il a le mérite d'aller « au contact » des électeurs, persuadé que sa candidature « restaure une fierté chez les gens de droite ».

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Grâce à ses multiples casquettes, Thibault de Montbrial s'est taillé une solide réputation dans les couloirs du pouvoir et sur les plateaux de télévision. Sa carrière d'avocat l'a mené à représenter Nafissatou Diallo en France, la famille du colonel Beltrame ou des personnalités menacées par le terrorisme comme Zineb El Rhazoui. Puis, il s'est fait connaître en fondant des groupes de réflexion, comme son père, le géopolitologue atlantiste Thierry de Montbrial, fondateur de l'IFRI (Institut français des relations internationales).

Menacé par des islamistes

Tout chez lui part d'un constat : avec les attentats, la France serait sortie de 70 ans de paix. Le surcroît de violence au sein de la société imposerait donc une réaction radicale. À la tête du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI), il dénonce le « déni » de certains responsables politiques face à la montée en puissance de l'islamisme et de la délinquance.

Sa dénonciation de l'islamisme l'a mis en danger. Visé par un faux colis piégé lors de la sortie de son dernier livre, Thibault de Montbrial est confronté à une « grosse menace internationale », prise au sérieux par les autorités. Il vit depuis, et mène campagne, sous la protection des policiers du SDLP (Service de la protection).

Port d'arme hors service

À la télévision et dans les coulisses politiques, le lieutenant-colonel de réserve dans la gendarmerie a notamment milité pour autoriser les forces de l'ordre à porter leurs armes hors service. Une mesure finalement mise en place. « Je viens de plaider pour l'un de mes clients policier, qui a été victime de l'attentat du Bataclan alors qu'il était hors service. Il a eu un angle de tir sur les terroristes ce soir-là, s'il avait porté une arme, la tuerie aurait sans doute pu s'arrêter plus vite », regrette-t-il. Pour autant, « Je n'ai jamais prétendu qu'il fallait étendre le droit de porter une arme à des gens qui n'en ont pas les capacités », précise ce tireur sportif, qui se juge « plutôt bien entraîné pour un civil ».

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Conseiller dans l'ombre de certains députés de l'aile droite de la LREM et des LR, l'avocat a accompagné les récents élargissements des prérogatives des services de sécurité. Thibault de Montbrial a participé à la rédaction de la loi qui a assoupli les règles d'ouverture du feu des policiers en 2017. Il a aussi poussé pour un élargissement des cas de légitime défense, prônant notamment une « présomption permanente » pour les particuliers dans les lieux d'habitation, et l'adaptation de la notion « d’état excusable de saisissement » présente dans le droit suisse. Éric Zemmour défendait une idée similaire lors de la campagne présidentielle.

Thibault de Montbrial est également favorable à la mise en place d'un statut, qui empêche aux policiers ayant fait l'usage de leur arme d'être rapidement mis en examen dans l'attente des résultats de l'enquête. Une proposition proche de la « présomption de légitime défense » pour les forces de l'ordre soutenue par le très droitier syndicat policier Alliance et mise en avant par Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour lors de la campagne présidentielle.

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Des propositions clivantes, y compris au sein des forces de l'ordre. « La présomption de légitime défense est une mesure contre-productive, y compris pour l'intérêt des policiers. En introduisant une trop grande souplesse, cette loi pourrait les mettre en danger », estime Denis Jacob, ancien d'Alliance et président d'Alternative Police, affilié à la CFDT. « Ces assouplissements conduiraient à augmenter la quantité de violence utilisée par les policiers et renforceraient le modèle de confrontation qui s'est progressivement instauré, au détriment de la limitation de l'usage des armes. Cela va nécessairement se traduire par plus de citoyens tués », juge le chercheur au CNRS Sebastian Roché.

« Opposant déterminé mais constructif »

Conseiller de Valérie Pécresse sur les questions de sécurité pendant la campagne présidentielle, Thibault de Montbrial s'est laissé convaincre de briguer la députation. « Mes trois enfants sont grands. Je quitte un métier où je gagne très bien ma vie pour tout remettre en jeu et gagner quatre fois moins d'argent », un point sur lequel il insiste : « Je ne serai pas contraint aux compromissions », dit-il.

« Je serai un opposant déterminé mais constructif. J'aurais par exemple voté pour la loi contre le séparatisme même si je pense qu'il faut aller plus loin. J'avais beaucoup aidé en arrière-plan en proposant des amendements qui ont été rejetés pour la plupart », avance-t-il.

Recomposition de la droite

Pas découragé par la Bérézina subie par sa candidate – 4,8 % au premier tour – Montbrial croit en ses chances, convaincu d'être au bon endroit chez LR pour pousser ses idées au pouvoir. « La droite est en lambeau, c'est le moment de la reconstruire. D'autant qu'Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027, il y aura forcément une recomposition. L'automne sera décisif. Christian Jacob a annoncé qu'il laisserait la main à la tête du parti, il y aura sûrement une initiative à ce moment-là », anticipe ce proche de David Lisnard, la valeur montante chez LR, qui pourrait briguer la prochaine présidence des LR.

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Le maire de Cannes et président de l'influente Association des maires de France (AMF), « loue l'esprit de service » de l'avocat, qui incarne sa ligne de « radicalité raisonnable », qui ferait sortir la droite de sa marginalisation politique dans laquelle elle s'enferre. Mais la marche est haute pour entrer au Palais Bourbon. En 2017, Natalia Pouzyreff, sa principale concurrente, l'avait emporté haut la main (58 %) face au LR Pierre Morange.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne