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S'il est encore possible de se faire tester pour le COvid-19, de moins en moins de personnes se plient à l'exercice.
S'il est encore possible de se faire tester pour le COvid-19, de moins en moins de personnes se plient à l'exercice.
Hans Lucas via AFP

"On risque de lasser les gens" : quand l'alarmisme médiatique met en danger la vigilance anti-Covid

Leçons du passé

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Alors que Santé Publique France insiste sur les « niveaux bas comparativement à ceux observés lors des précédentes vagues épidémiques », plusieurs médias s’inquiètent de la hausse des contaminations au Covid-19. Un discours anxiogène qui risque de nuire à l'adhésion du grand public aux mesures sanitaires, s’inquiète l’épidémiologiste Mircea Sofonea.

Retour vers le passé. Ces dernières semaines, la presse s’alarme du grand retour du Covid-19. « Faut-il craindre un retour de l’épidémie en France ? », interroge BFMTV . Même question pour RTL , alors que France Culture nuance - un peu - avec un simple « Le Covid est-il de retour ? ». Même chez la presse locale, on embraye : que ce soit nos confrères de La Montagne ou Midi Libre , pour qui « l’anxiété monte d’un cran » à l’approche de la rentrée… Et qui semble même gagner le nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. « Le Covid n'est pas encore une infection respiratoire comme les autres », a-t-il insisté sur le plateau de LCI ce 27 août .

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De quoi raviver les tristes souvenirs des étés 2020 et 2021, placés sous le signe du virus. Sauf que cette fois… La situation est loin, très loin d’être comparable. Les contaminations sont certes reparties à la hausse, ainsi que les passages aux urgences pour suspicion de Covid-19, mais elles sont loin de l’explosion. Entre le 14 et le 20 août par exemple, 2 197 passages aux urgences pour suspicion de Covid-19 ont été enregistrés, soit une hausse de 41 % par rapport à la semaine précédente… Mais qui représentent 0,7 % de l’activité des urgences. Une situation qui « nécessite de rester vigilant », évoque Santé Publique France. Mais pas de s’alarmer.

Surveiller… Sans s’alarmer

« Certes, il est difficile de connaître précisément l’ampleur des contaminations, puisque les indicateurs ont changé, mais on voit qu’il n’y a a priori pas de raisons d’être alarmiste », complète Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier. En effet, depuis le mois de juillet, les systèmes de surveillance ont changé, notamment pour s’adapter à la baisse du nombre de contaminations et de tests. Fini, le suivi quotidien des cas positifs remontés des tests antigéniques, permettant de suivre au jour le jour les cas, taux de dépistage, de positivité…

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En attendant un nouveau système de suivi, un dispositif transitoire a été mis en place, basé sur l'analyse des tests PCR uniquement - or nous sommes de moins en moins nombreux à nous plier à ce dépistage. Un thermomètre donc potentiellement moins précis. « On sait que les cas sont forcément sous-estimés, mais pas de combien », décrit l’épidémiologiste.

Mais plusieurs indices montrent que la situation épidémique n’est pas en train de s’emballer. « Le principal, c’est qu’à l’étranger, on voit que la reprise épidémique s’est traduite par une augmentation des hospitalisations, mais a rapidement atteint un plateau », décrit l’épidémiologiste, évoquant le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore la Suisse.

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Le variant Eris, dont le pourcentage parmi le total des contaminations est stable autour de 30 %, est particulièrement surveillé : ce dernier est plus contagieux que les autres sous-variants d’Omicron en circulation. « Il a bien un avantage de transmissibilité, mais pas énorme », note encore Mircea Sofonoa : pas de quoi craindre, a priori, un scénario similaire à l’arrivée d’Omicron début 2022, qui avait causé un raz de marée de contaminations début 2022.

Ménager les esprits

D'où l'insistance de l'épidémiologiste sur la nécessité de ne pas propager un discours trop anxiogène, qui risquerait surtout de donner du grain à moudre à ceux qui crient à la dictature sanitaire à la moindre évocation du Covid-19. Et de perdre une partie de la population pourtant encline à se plier aux mesures sanitaires. « Avec ces relances médiatiques récurrentes, on risque d'installer une forme de lassitude », continue le scientifique. Et d'alerter : « Voire de ne plus être entendus lorsqu’on alertera sur une situation véritablement problématique ».

Si la hausse actuelle ne montre pas de signe particulièrement inquiétant, il pourrait en effet être autrement dans quelques mois. L'épidémie pourrait être portée par un nouveau variant plus contagieux, mais surtout s'emballer à nouveau avec l’arrivée de l’automne, puis de l’hiver. « À ce moment-là, il pourrait y avoir une circulation importante de plusieurs virus en même temps qui mettrait en difficultés le système de santé », note Mircea Sofonea. Le tout favorisé par la baisse de la protection contre l'infection, l’immunité conférée soit par une précédente contagion, soit par la vaccination se faisant de plus en plus lointaine.

« Mais si avant cela, on alerte depuis des mois, beaucoup se diront que l'on dramatise encore la situation », redoute le scientifique. Et n'auront donc guère envie de remettre leur masque le moment venu.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne