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« Comme de très nombreux confrères dans l'ensemble du monde de l'enseignement supérieur, nous affirmons ici que ces pratiques sont mortellement dangereuses pour le débat d'idées. »
« Comme de très nombreux confrères dans l'ensemble du monde de l'enseignement supérieur, nous affirmons ici que ces pratiques sont mortellement dangereuses pour le débat d'idées. »
Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP

Conférences annulées : "Présidents d'université, mettez enfin un terme aux intimidations et aux menaces"

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De Sylviane Agacinski à Jean-Luc Mélenchon, plusieurs personnalités politiques ou intellectuels ont vu ces dernières années leurs conférences annulées, en raison de l'opposition qu'elles suscitaient. Dans une lettre ouverte, six enseignants demandent aux présidents des établissements supérieurs de garantir la liberté d'expression.

Mesdames et Messieurs les présidents des universités et dirigeants des grandes écoles,

Enseignants du supérieur, nous souhaitons, face au phénomène extrêmement grave de la cancel culture, vous exprimer notre soutien et, respectueusement, avec empathie pour la difficulté de votre situation, vous appeler à la plus grande fermeté.

Défendre la liberté d'expression

Depuis quelques années en France, des personnes de toutes sensibilités intellectuelles, idéologiques et militantes se mobilisent sporadiquement pour exiger que les universités annulent telle ou telle conférence-débat. Parce que c'est « offensant », parce que ces personnes désapprouvent les idées d'un conférencier, parce qu'une université accueillant tel conférencier soutiendrait forcément ainsi l'intégralité de ses actes et paroles.

« Ces pratiques sont mortellement dangereuses pour le débat d'idées. »

Il s'ensuit ces conséquences extrêmement graves :

– désormais des conférences-débats dans nos établissements sont annulées en fonction de la censure que veulent exercer des milices de la pensée de tous bords ;

– l'habitude prise de ne pas tolérer les idées avec lesquelles on est en désaccord profond fait évidemment reculer la démocratie et le pluralisme, au profit du rapport de force permanent des sectaires de toutes obédiences.

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Qu'il s'agisse par exemple de conférences de Sylviane Agacinski, de Nathalie Heinich, ou plus récemment de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan, qu'il s'agisse d'événements propalestiniens ou de militants environnementalistes radicaux, la France, en particulier ses universités, ne doit pas pratiquer une liberté d'expression et d'opinion à géométrie variable en fonction de ce qui indigne les milices de la pensée.

La démocratie en jeu

Comme de très nombreux confrères dans l'ensemble du monde de l'enseignement supérieur, nous affirmons ici que ces pratiques sont mortellement dangereuses pour le débat d'idées. Toute université, et plus largement toute école d'enseignement supérieur, doit rester un lieu où l'expression des idées est libre. Sont en jeu, rien moins que la démocratie et le pluralisme.

« Nous vous appelons à la plus entière fermeté face à toutes les pressions. »

Conscients de la difficulté de votre position, tenant aux multiples pressions exercées par les réseaux sociaux, par le scrutement des médias de masse, ainsi que par les minorités intolérantes parmi vos propres étudiants ou collègues, nous vous demandons de tenir bon. C'est votre devoir. Vous êtes les gardiens d'une tradition pluriséculaire : celle du libre débat d'idées dans le supérieur.

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C'est pourquoi nous vous appelons à la plus entière fermeté face à toutes les pressions visant à annuler des conférences-débats dans vos établissements, et ce quel que soit le motif invoqué. Nous vous demandons de refuser toute annulation. Le cas échéant, poursuivez les apprentis censeurs en justice pour le délit d'entrave à la liberté d'expression. Vous êtes gardiens de nos traditions, mettez enfin un terme aux intimidations et aux menaces.

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Nous vous prions d'agréer, mesdames et messieurs les présidents des universités et dirigeants des grandes écoles, l'expression de notre haute considération.

***

Signataires :

Thomas Guénolé, politologue, professeur affilié à EM Lyon

Dany Lang, enseignant-chercheur en économie à Sorbonne Paris Nord

Arvind Ashta, juriste, professeur à la Burgundy School of Business

David Cayla, économiste, vice-doyen de la Faculté de Droit Économie Gestion de l'Université d'Angers

Christophe Chabrot, juriste, maître de conférence en droit public, Université Lyon 2

Sophie Heine, politologue, chercheure associée à Egmont - Institut Royal des Relations Internationales (Bruxelles)

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