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Pétrole, exercices militaires, présence britannique : à quoi joue le Venezuela de Maduro au Guyana ?
Malgré la déclaration jointe de leurs présidents, le Guyana et le Venezuela sont toujours à couteaux tirés.
EPA/MAXPPP

Pétrole, exercices militaires, présence britannique : à quoi joue le Venezuela de Maduro au Guyana ?

De l'eau dans le gaz

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Depuis septembre, le Venezuela et le Guyana, petit pays d'Amérique du Sud coincé entre le pays dirigé par Nicolás Maduro et le Suriname, sont à couteaux tirés. Ce 28 décembre, Nicolas Maduro, le président vénézuélien, a même dépêché 5600 soldats à la frontière des deux États. On vous explique tout pour mieux comprendre cette affaire tendue qui pourrait dégénérer.

Une « action conjointe de nature défensive, en réponse à la provocation et à la menace du Royaume-Uni contre la paix et la souveraineté de notre pays ». C'est ainsi que Nicolas Maduro a justifié la présence de 5600 soldats à la frontière entre le Venezuela et le Guyana, débarqués ce jeudi 28 décembre. Au coeur de la crise diplomatique entre les deux pays, la volonté du président socialiste de voir la région de l'Essequibo, frontalière entre les deux pays, rattachée au Venezuela. Une histoire qui ne date d'hier, mais qui s'est vue ravivée ces derniers mois.

Une région historiquement disputée

L'Esequibo est au coeur d'une dispute juridique depuis plus de cent ans. Cette région appartient aujourd'hui au Guyana, petit pays de 200 000 km2 et de 800 000 habitants, une ancienne colonie britannique indépendante depuis 1966. Son voisin vénézuélien n'a toutefois jamais accepté cette délimitation, rappelle El Pais America dans Courrier International, et évoque « l'accord de Genève », signé avec le Royaume-Uni en 1966 avant l'indépendance du Guyana, tandis que celui-ci se base sur une « frontière établie en 1899 par une cour d'arbitrage de Paris ».

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Si la situation était donc bloquée dans cet étrange statu quo, elle s'est envenimée rapidement ces derniers mois, et pour cause : la zone de l'Essequibo est riche en pétrole. L'AFP rapporte ainsi qu'Exxon Mobil, le géant pétrolier américain, y a découvert d'énormes réserves en 2015, faisant du Guyana le pays aux réserves par habitant les plus élevées du monde, avec 11 milliards de barils. Actuellement de 600 000 barils par jour, la production quotidienne guyanienne devrait atteindre 1,2 million de barils en 2027, contre 700 000 barils par jour au Venezuela. Et le Guyana a annoncé en septembre sa volonté d'explorer unilatéralement les réserves de pétrole de la zone.

Une décision qui n'a pas manqué de faire réagir son voisin. Le 21 septembre, le Parlement vénézuélien a annoncé la tenue d'un référendum sur la question de la défense de ce territoire, après que Caracas a déclaré illégales les concessions pétrolières guyaniennes au large de l'Essequibo. Le référendum s'est ainsi tenu le 3 décembre dernier et a approuvé la création d'une province vénézuélienne dans l'Essequibo. Rapidement, Nicolas Maduro a chargé la compagnie pétrolière nationale PDVSA de délivrer des licences d'exploitation de pétrole, de gaz et de minerais dans la région controversée, une annonce qualifiée de « menace directe », par le président guyanien, Irfaan Ali.

La diplomatie a-t-elle déjà échoué ?

Si la situation semble alarmante, la tendance ne semble pas être à une intervention militaire directe du Venezuela, malgré ce déploiement de troupes à la frontière. La raison de celui-ci ? La présence annoncée d'un patrouilleur de la marine britannique, le HMS Trent, déployé jusqu'ici dans les Caraïbes et devant arriver ce vendredi 29 décembre, « pour une série d'engagements de routine dans la région », a indiqué le gouvernement britannique. Un déploiement qualifié de « provocation » par Nicolas Maduro.

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Le président vénézuélien a rencontré son homologue guyanien le 14 décembre dernier et s'étaient mis d'accord pour ne pas utiliser « la force l'un contre l'autre » et « s'abstenir en paroles, en actes d'intensifier tout conflit ». Une déclaration lue à l'époque conjointement par les deux chefs d'Etat, et dont l'élément essentiel a été rappelé par le vice-président guyanien Bharrat Jagdeo, dans une conférence de presse tenue ce 28 décembre : « Nous n'avons aucun plan pour prendre des mesures offensives contre le Venezuela (...) Nous n'avons pas l'intention d'envahir le Venezuela. Le président Maduro le sait et ne doit pas s'inquiéter. ». Les exercices militaires au programme sont toutefois maintenus, a-t-il indiqué. La situation reste donc tendue entre les deux pays, et devrait être surveillée de près par la Chine et les Etats-Unis, fortement impliqués dans la région.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne