Accueil

Monde Europe
L'empreinte carbone de la Suisse est importante. En 2020, elle dépendait de l’étranger pour son énergie à hauteur de 72 %.
L'empreinte carbone de la Suisse est importante. En 2020, elle dépendait de l’étranger pour son énergie à hauteur de 72 %.
Thibault Camus/AP/SIPA

Réserves de bougies, 4 heures de coupure par jour... Quel hiver en Suisse, inquiète pour son gaz ?

Chaud et froid

Par Jean-Bernard PAILLISSER

Publié le

Avant l'été, le gouvernement suisse était confiant sur ses capacités à assurer les besoins en gaz des citoyens de la Confédération. Mais les menaces russes de fermer le robinet de gaz à l'automne bouleversent les repères d’un pays qui semble avoir mal évalué son indépendance énergétique au regard de ses ambitions économiques.

Il y a quelques mois, le Conseil fédéral suisse apaisait le pays à propos de l'approvisionnement en gaz naturel russe, dont il dépend à hauteur de 19 %. L'organe exécutif prétendait détenir d'autres sources de livraison et des réserves suffisantes pour passer l'hiver. Mais en cette fin d'été, l'incertitude règne désormais sur les livraisons de Moscou… et les marchés de l’énergie.

À LIRE AUSSI : Égalitaire, organisée, libérale… Quelle sobriété énergétique veut-on pour la rentrée ?

Un début de panique est aussitôt apparu devant les mesures restrictives envisagées par crainte d’une pénurie énergétique. Les Verts et le monde patronal réclament des décisions urgentes de la part du Conseil fédéral, le sommant d'adopter des mesures pour éviter à l’économie une nouvelle crise d’après-Covid-19 qu’elle ne pourrait pas supporter. L'empreinte carbone de la Suisse est importante. En 2020, elle dépendait de l’étranger pour son énergie à hauteur de 72 %.

Consommation multipliée par sept

La guerre en Ukraine et les menaces russes de fermer le robinet de gaz ont brutalement mis les autorités devant une inquiétante réalité. Selon plusieurs experts, la consommation nationale par heure de gaz, aujourd’hui estimée à 50 000 m3, pourrait être multipliée cet hiver par sept à cause du froid. L'impensable est désormais possible : des menaces de coupure de gaz pourraient advenir dès le mois de février 2023. Même en jouant sur la diversité des fournisseurs, pour la plupart européens, et sur les réserves qui leur sont imposées, ces mêmes experts sont formels : le compte n'y est pas. Le renchérissement des achats du mètre cube rend toutes les perspectives de gestion aléatoires.

Devant l'inquiétude relayée par les milieux économiques et politiques, Guy Parmelin, le ministre de l’Économie, a demandé à l’opinion de ne pas céder à la panique. Dans une intervention à la RTS, l'audiovisuel public, il a ainsi affirmé que l’approvisionnement en gaz, mazout et électricité, serait bien assuré. S’agissant du plan d’économies d’énergie, des « priorités seront données », a-t-il confirmé.

À LIRE AUSSI : Invasion de l'Ukraine : comment le gaz sème la discorde entre pays de l'Union européenne

En attendant les décisions du Conseil fédéral, la crise commencer déjà à affecter la vie quotidienne. Certains gestionnaires d’immeubles n’ont pas attendu les décisions fédérales pour annoncer à leurs locataires des augmentations de leur facture énergétique. Une note interne de l’un d’eux appelle à un plan d’économies. « Nous traversons une période d’inflation, peut-on y lire. Dans le cadre des locations d’habitations et des surfaces commerciales, l’impact se reflète par une augmentation des coûts de l’énergie (…) celles du gaz, du mazout et de l’électricité. » Plus loin dans la note, le gestionnaire entend baisser la courbe de chauffage des bâtiments de quelques degrés plutôt que de répercuter les coûts sur le décompte des charges. Selon ses calculs, « la différence d’un degré équivaut à une consommation inférieure d’environ 6 % ».

Réserves de bougies conseillées

Le Conseil fédéral prépare donc cette « guerre du gaz » avec une structure dédiée, l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE). Au programme, figureraient des économies d'énergie pour les ménages et les entreprises, mais aussi les établissements scolaires ou les administrations auxquels seraient demandés de réduire leur mode de chauffage de 20 à 30 %.

À LIRE AUSSI : Risque de pénurie de gaz russe en Allemagne : c'est grave doktor ?

La consommation d'électricité, cet hiver, pourrait être contingentée, avec quatre heures de coupure au minimum par jour. Il est conseillé à la population de faire des réserves de bougies, de réchauds à gaz et même d'argent liquide. Dans la foulée du Conseil fédéral en première ligne, les cantons suivront-ils ? L’inquiétude de la population, du monde économique et politique s’accorde en tout cas sur des mesures immédiates : limitation de l’éclairage public, des bâtiments, des vitrines et des enseignes lumineuses.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne