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"La beauté en soi de la corrida n’existe pas"
"La beauté en soi de la corrida n’existe pas"
Alvaro Barrientos/AP/SIPA

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Corrida : "éloge de l’indéfendable", par Cécile Guilbert

Intervention

Par Cécile Guilbert

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Dans ce grand texte très personnel, l’écrivain Cécile Guilbert tente d’analyser sa fascination pour la corrida et l’univers de la tauromachie. Elle décrit ce monde fait de sang, de sable et de costume à paillette, ce monde forcément anachronique, forcément indéfendable mais qu’elle ne souhaite pas voir disparaître.

Du plus loin qu’il m’en souvienne, tout conspirait dans mon enfance à nimber la tauromachie de ce qui la défigure plus sûrement que toutes les criailleries des défenseurs d’animaux : ses espagnolismes. Il y avait d’abord, bien qu’infiniment plus intrigante que toutes les Barbie, cette petite poupée de torero en costume de lumières couleur de feuilles mortes, taille étranglée et yeux de biche à faux cils, bouche maquillée, bas roses et ballerines, abandonnée sur un coin d’étagère chez ma grand-mère – tellement queer et tellement kitsch.

Il y avait aussi ces castagnettes plus claquantes que des os, noires et luisantes comme des coletas frottées de brillantine que mon aïeule agitait en fredonnant des paso-doble la musica de los toros – tapant du talon sur le sol en parodiant les frissons du duende et racontant volontiers qu’à mon âge (six ans), elle sautait sur les genoux de Machaquito que son Andalouse de mère recevait dans son grand salon algérois. Et puis, parce qu’il faut toujours en revenir aux sensations tant l’érudition nous trompe, il y avait les affiches décolorées, les vieilles photos, les cartels annotés, les reliques de la Maestranza et de Las Ventas, souvenirs de ciels bleus ou gris, de sable trempé de sang et des soudaines bourrasques qui emportaient les capes, moments de ferveur et longs tunnels d’ennui.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne