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Covid-19 : Mélenchon ou le gouvernement, qui s’est le plus planté ?
Après une passe d'arme entre Mélenchon et Véran, qui s'est le plus trompé depuis le début de la pandémie ?
AFP

Covid-19 : Mélenchon ou le gouvernement, qui s’est le plus planté ?

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Olivier Véran et Jean-Luc Mélenchon se sont écharpés à l’Assemblée Nationale lundi 3 janvier, le ministre reprochant au député insoumis de diffuser de fausses informations à propos de la vaccination contre le Covid. Pourtant, à bien y regarder, le gouvernement ne semble pas en reste. « Marianne » a comparé les deux.

Passe d’armes à l’Assemblée nationale. Ce lundi 3 janvier, peu avant la suspension de l’examen du projet de loi sanitaire, le ton est monté entre Olivier Véran et Jean-Luc Mélenchon. En début de soirée, le chef de file de la France Insoumise est monté à la tribune pour dénoncer la politique sanitaire du gouvernement : « Nous sommes exaspérés par cette incapacité à prévoir, à organiser à l’avance et cette manie de tout faire au dernier moment dans la cohue et la précipitation », a lancé le député des Bouches-du-Rhône, en prenant pour exemple la publication – jugée tardive par certains – d’un nouveau protocole sanitaire à l’école, la veille de la rentrée.

« Nous étions contre le passe sanitaire, nous voici contre le passe vaccinal parce qu’il est 100 % inefficace. 91 % de la population éligible est vaccinée et vous en faites un titre de gloire », a poursuivi Jean-Luc Mélenchon en concluant : « Admettons, mais à quoi ça sert, si aussitôt il y a 500 000 contaminations par jour ? »

Ce à quoi Olivier Véran a répondu : « J’ai le regret de vous dire que par le passé vous vous êtes tellement trompés qu’il est difficile de vous accorder la même attention quand vous vous exprimez », en dénonçant le « florilège » de mensonges qu'aurait tenu Jean-Luc Mélenchon à propos du Covid-19. Mais, en matière d’erreurs et de mensonges, il semble que majorité et insoumis soient au coude à coude.

Mélenchon, soutien de Raoult

Des erreurs, Jean-Luc Mélenchon en a commis depuis le début de la crise sanitaire. Dès le départ, comme d'autres élus, il se lance dans la défense du professeur Raoult et de l'hydroxychloroquine. Interrogé par RTL le 5 avril 2020, soit trois semaines après le début de la pandémie, l'insoumis affirme : « Si je suis malade, peut-être je dirais : "Donnez-en moi" [de la chloroquine ; N.D.L.R], après tout ça ne peut pas faire plus de mal que ce que fait la maladie. »

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À l'époque, la situation est confuse et les études sur le traitement manquent. Le 28 mars, Didier Raoult présente un essai clinique sur 80 patients qui doit démontrer l'efficacité de la chloroquine dans le traitement de la Covid-19. Déjà, cette étude est critiquée par les pairs pour sa méthodologie. L'équipe du professeur n'a pas jugé utile d'utiliser un groupe témoin pour comparer l'efficacité de son traitement avec des personnes qui n'en recevraient pas. Un processus pourtant essentiel pour démontrer le sérieux d'une étude. Depuis, le traitement à base de chloroquine est considéré par l’essentiel de la communauté scientifique comme inefficace. La chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins a même infligé un blâme à Didier Raoult pour avoir enfreint le code de déontologie médicale en promouvant l’hydroxychloroquine afin de lutter contre le Covid-19.

« Machin de Pfizer » et surgelés

Prompt à dénoncer la « diabolisation du professeur Raoult », Jean-Luc Mélenchon participe à son tour à celle des vaccins, Pfizer au premier rang. Invité sur France 5 le 16 janvier dernier, le député des Bouches-du-Rhône est catégorique. « En aucun cas » il ne se fera vacciner avec « le machin de Pfizer », lui préférant des sérums traditionnels donc, sans la technologie ARN messager.

Cinq jours auparavant, il se disait « pas rassuré par un procédé qui est tout à fait nouveau et dont on ne connaît pas les conséquences » estimant ne pas vouloir « être un cobaye ». Bien que le vaccin contre le covid soit le premier homologué à utiliser cette technologie, ses effets sont observés depuis 2008 dans des essais cliniques pour d'autres maladies comme le cancer ou la rage. À sa décharge, Mélenchon n'était pas le seul à se montrer inquiet en particulier à cette époque.

Auprès de Mediapart, en septembre dernier, l'eurodéputé insoumis Manuel Bompard reprenait la rhétorique de Mélenchon sur le manque de « recul suffisant pour dire s’il y aura des effets secondaires ou pas ».

Au-delà des risques potentiels du vaccin, le chef de file des Insoumis a aussi questionné les risques du stockage. Le 13 décembre 2020, il comparait le sérum à des surgelés, estimant qu'un loupé dans la chaîne du froid pourrait avoir des conséquences graves. Or, quelques jours auparavant, Michelle Seidel, spécialiste de la chaîne d'approvisionnement en vaccins de l'UNICEF rassurait, en expliquant que le seul risque était une perte d'efficacité.

Approximation et fake news

Par moments, le leader Insoumis s'est fourvoyé, glissant du doute à la fake news. Le 24 décembre dernier, sur Facebook, il publie une vidéo qui démontrerait que le passe vaccinal est « prévu par la Commission européenne dès 2019, avant la pandémie ». Dans la vidéo, un débat de janvier 2021 entre le journaliste Alain Duhamel et l'ancienne conseillère communication du candidat de gauche, Sophia Chikirou.

Cette dernière affirme avoir « retrouvé un document de travail de la commission européenne qui date de mars 2019 qui travaille sur l’idée d’un passeport vaccinal communautaire européen ». Une preuve que l'UE préparait le dispositif avant la pandémie. Mais, le projet est bien différent de celui actuellement débattu à l'Assemblée nationale. En réalité, l'appel d’offres de ce passeport vaccinal européen indique qu'il « pourrait contribuer à améliorer la couverture vaccinale en permettant aux citoyens d’obtenir les vaccins dont ils ont besoin lorsqu’ils se déplacent d’un État membre à l’autre et contribuer à prévenir les menaces ». Cette fake news avait été aussi reprise par le documentaire sulfureux Hold-Up.

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De son côté, François Ruffin s'est également emmêlé les pinceaux, donnant du grain à moudre aux antivax. Le 13 mars 2021, le député publie une vidéo intitulée « Comment Bill Gates a sacrifié le vaccin ». Il accuse le milliardaire américain d'avoir poussé le laboratoire d'Oxford à offrir les brevets de son vaccin à l'entreprise AstraZeneca. « C'est suite à cette rencontre que le brevet sera accordé seulement à AstraZeneca » ajoute Ruffin. Mais, consulté par France Info, le brevet indique que l'université d'Oxford en reste l'unique propriétaire. Elle n'a cédé qu'une licence d'exploitation à AstraZeneca « non exclusive et libre de droit (…) uniquement pour la durée de la pandémie ». Un système qui assure aux chercheurs de l'université que le géant pharmaceutique ne pourra faire du profit qu'après la fin de la pandémie.

Les masques, boulet du gouvernement

Si Mélenchon a eu parfois le verbe hâtif, il est difficile d’oublier les loupés de ceux qui sont aux affaires au tout début de la crise. Et cela a commencé dès le 31 janvier 2020. Des Français résidant à Wuhan (Chine) sont rapatriés grâce au personnel de la base militaire de Creil, dans l’Oise. Peu après, des foyers de contamination apparaissent dans le département. Florence Parly, ministre des Armées, affirme que les militaires ayant assuré le rapatriement ont été testés et ne peuvent donc pas être à l’origine de la contamination dans l’Oise. La ministre rétropédalera… en septembre, pour reconnaître que, malgré un protocole sanitaire strict, les dépistages n’ont finalement jamais eu lieu. Florence Parly niera toutefois que les militaires soient à l’origine du foyer épidémique de l’Oise.

Mais il s’agit du premier gros couac d’une série catastrophique pour la confiance des citoyens envers le gouvernement. Le plus important concernant les masques, une forme de péché originel que le gouvernement continue de traîner comme un boulet. Peu après son entrée en fonction, le ministre de la Santé Olivier Véran assure le 24 février 2020 que « la France dispose de stocks massifs de masques chirurgicaux », comme sa prédécesseure Agnès Buzyn. En s’appuyant sur des recommandations de l’OMS, Olivier Véran martèle également en mars que « l’usage du masque en population générale n’est pas recommandé et n’est pas utile ».

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En réalité, les masques sont une barrière efficace, mais la France fait face à une pénurie. Une situation que « le gouvernement a sciemment cachée », selon la sénatrice LR Catherine Deroche, la rapporteure de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de l’épidémie. Difficile d’accorder ensuite sa confiance au gouvernement pour gérer la crise.

Utilisation hasardeuse des chiffres

Par la suite, on pourra reprocher la propension qu’ont pu avoir certains membres du gouvernement à défendre la vaccination et ses effets avec des chiffres tronqués. Une bien mauvaise manière de promouvoir une pratique pourtant absolument nécessaire. Ainsi, le Premier ministre Jean Castex s’est pris les pieds dans le tapis le 21 juillet dernier sur TF1 en affirmant à propos des 18 000 nouveaux cas positifs signalés ce jour-là, que « 96 % d’entre eux n’étaient pas vaccinés ». Or, les chiffres mentionnés par Jean Castex n’étaient pas ceux de Santé Publique France, qui donne les chiffres officiels chaque jour, mais provenaient d’une étude de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) menée entre le 28 juin et le 4 juillet, soit bien avant son intervention télévisée. Une étude dont la DREES elle-même mentionnera les limites, expliquant notamment que les personnes non-vaccinées étaient « surreprésentées » chez les personnes testées.

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Autre approximation du Premier ministre toujours sur le plateau de TF1 le 21 juillet. « On a constaté que les personnes qui ont deux doses, jusqu'alors, lorsqu'elles croisaient une personne qui était contaminée, devaient être cas contact et donc s'isoler. Les analyses faites sur ces personnes montrent qu'elles n'ont plus de chances d'attraper la maladie ». Un raisonnement qui laisse entendre qu’être vacciné protège d’une contamination Covid-19, ce qui n’était alors pas vraiment affirmé par les scientifiques, et surtout qui est aujourd’hui largement démenti. Si le vaccin est particulièrement efficace contre les formes graves, il ne protège pas totalement de la transmission. Son efficacité tourne en effet autour de 50 %.

Ce discours péremptoire sur l’efficacité de la vaccination contre la transmission du virus revient aujourd’hui comme un boomerang contre le gouvernement. Ce dernier veut transformer le passe sanitaire en passe vaccinal « une forme déguisée d’obligation vaccinale », selon l’aveu même d’Olivier Véran. Une éventualité qu’Emmanuel Macron avait pourtant écartée le 24 novembre 2020 après la tenue d’un Conseil de défense. Un argument de plus pour les antivax.

Alors, qui des deux entre les Insoumis et le gouvernement s'est le plus trompé ? Chacun se fera son idée. Mais entre erreurs de bonne foi et grossières manipulations, la comparaison des deux montre surtout que la crise du Covid est suffisamment inédite pour inciter chacun à l'humilité.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne