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L'épidémie repart à la hausse depuis quelques jours en France.
L'épidémie repart à la hausse depuis quelques jours en France.
PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

Hausse des cas de Covid : "La question est celle de la situation hospitalière et des effectifs"

Covid-19

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La reprise épidémique forcera-t-elle le gouvernement à imposer de nouvelles mesures sanitaires cet été ? L'épidémiologiste Mircea Sofonea pointe surtout la situation hospitalière et alerte face aux risques de tensions dans certains services.

On l'avait presque oublié. Éclipsé par la campagne présidentielle, par la guerre en Ukraine puis par les législatives, le Covid-19 fait son retour dans l'actualité depuis que la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon a « demand[é] aux Français de remettre le masque dans les transports », lundi 21 juin au soir sur RTL . Dans la foulée, c'était au tour de Christian Estrosi de sonner l'alarme en conseil de métropole, insinuant avoir des informations quant au retour du passe sanitaire en août. Une information que l'intéressé s'est empressé de démentir le lendemain matin sur CNews.

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Alors que le nombre de contaminations ne cesse d'augmenter – +52.34 % en 7 jours et près de 150 000 nouveaux cas pour la seule journée de mardi –, l'épidémiologiste Mircea Sofonea fait un point sur la situation pour Marianne.

Marianne : Le 28 juin, 147 248 nouvelles personnes ont été testées positives au cours des dernières 24 heures soit une hausse de 55 % en une semaine. Affrontons-nous une septième vague épidémique ?

Mircea Sofonea : On peut parler de vague d’un point de vue virologique et génétique. Nous sommes face à de nouveaux variants qui prennent le pas sur les précédents, ceux qui circulent le plus étant BA.4 et BA.5 au sein du groupe Omicron .

Nous sommes également dans une vague de contamination en plus de cette vague virologique puisque les ingrédients pour une reprise épidémique sont réunis. Cette reprise était anticipée dans la mesure où il y a un déclin immunitaire : il y a de moins en moins d’immunité collective, ce qui est dû à la baisse des anticorps circulants.

« Il y a des cas de services d’urgences devant fermer la nuit ou le week-end car ils sont en sous-effectif. Un sous-effectif d’autant plus accru avec les congés estivaux qui arrivent. Il ne faut pas non plus oublier le départ de beaucoup de soignants. »

Nous sommes aussi de moins en moins protégés par les anticorps créés par une infection ou une injection ancienne. Pour une dose de rappel datant de 5 mois, nous sommes protégés à 10 % contre les risques d’infection. Toutefois, ce taux reste relativement élevé – de 75 % à 85 % pour une injection datant d’il y a trois mois – face aux formes graves.

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Est-ce que cela se traduira en termes hospitaliers ? Pour le moment, il y a une croissance observable [le nombre de nouvelles hospitalisations quotidiennes a augmenté de 47,64 % en sept jours, selon les chiffres du gouvernement , N.D.L.R.]. De-là à ce que cette croissance atteigne des niveaux proches de la première vague, il n’en est pas encore question.

Mais ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à un niveau aussi élevé qu’on n’arrivera pas à des tensions hospitalières localement. Il y a des cas de services d’urgences devant fermer la nuit ou le week-end car ils sont en sous-effectif. Un sous-effectif d’autant plus accru avec les congés estivaux qui arrivent. Il ne faut pas non plus oublier le départ de beaucoup de soignants.

La ministre de la Santé Brigitte Bourguignon a recommandé de remettre le masque dans les transports. Cela veut-il dire que nous serons confrontés à de nouvelles mesures cet été ?

Le port du masque a prouvé son efficacité. Mais ce n’est pas vraiment dans les transports que les infections ont lieu. Ce n’est pas là qu’on les détecte en général, mais plus dans des réunions privées, liées à boisson et à la nourriture. Il y a des sécrétions supplémentaires, des discussions souvent dans un cadre convivial, on élève la voix. Ce n’est pas ce qu’on voit dans les transports, où, d’ailleurs, les durées au contact des autres sont bien plus courtes.

C’est peut-être pour la ministre une façon de dire qu’elle prend le sujet à cœur, même si elle ne sera vraisemblablement plus aux responsabilités au moment du pic . J’espère qu’il y avait derrière cette sortie l’idée de faire prendre conscience aux Français que la situation sanitaire n’est plus la même.

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Y aura-t-il de nouvelles mesures cet été ? Je ne sais pas quels sont les objectifs sanitaires que l’exécutif se donne. L’Ukraine et les élections ont évacué le Covid de la discussion. Or, l’exécutif peut se dire ce qu’il veut, il ne sait pas se donner d’objectifs. La question est plutôt celle, il me semble, en discutant avec des soignants dans mon entourage, de la situation hospitalière qui ne doit pas être regardée avec les yeux de la première vague.

Ce n’est plus la même chose en matière de composition d’effectifs et de moyens. On est dans une pression permanente même si cela dépend des circonstances au niveau local. Il y a actuellement moins de soignants que ce qui est nécessaire pour faire tourner l’hôpital. Il y a un manque de moyens matériels et humains. Il y a eu des départs de personnel soignants vers d’autres corps de métiers.

Nos vaccins actuels ont été créés à partir de la première souche du virus. Où en sont ceux développés à partir des variants ?

Pour le moment, on en est à la quatrième dose pour les personnes vulnérables en France. On s’est davantage intéressé aux campagnes de vaccination et à leur régularité. On essaye d’étudier l’impact d’une vaccination annuelle ou trimestrielle. Il faut faire attention car rien ne nous dit qu’Omicron sera le puits évolutif du SARS-CoV-2. Le prochain sera peut-être un descendant du variant Delta. L’évolution du virus n’a pas été rectiligne.

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Quant aux recherches allant dans le sens de nouveaux vaccins, mes chercheurs sont sous contrats de courte durée qui s’arrêteront l’an prochain. Donc nous ne pourrons pas continuer nos recherches. Il n’existe plus, depuis mars 2021, sur le plan épidémiologique, de financements spécifiques au Covid-19. Je ne peux plus accéder à des financements, je n’en ai plus pour mon équipe et je ne peux pas non plus passer mon temps à rédiger des projets de recherche et qui seront systématiquement refusés. Malgré l’enjeu.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne