En Méditerranée orientale, dans le canal de Syrie et au large des côtes libanaises, israéliennes, égyptiennes et chypriotes, la frégate légère furtive « Aconit » assure la présence française. Une zone de tensions et d’observation, entre montée en puissance de la marine russe et tentations hégémoniques de la Turquie. Reportage.
On se cogne facilement la tête. Dans les coursives, dans les escaliers raides comme des toboggans, dans la « bannette » où l’on grappille quelques heures de sommeil entre deux quarts. L’Aconit n’est pas un navire de croisière. Il n’a pas non plus les dimensions confortables d’un porte-avions, d’un porte-hélicoptères ou d’un pétrolier ravitailleur. Dès que la nuit tombe, les lumières rouges plongent le navire dans une ambiance fantasmagorique. On s’y croise en parlant moins fort, happé par une des lourdes portes qui séparent et isolent les « tranches ». On part prendre son poste à la passerelle, au « PC ops », en cuisine. Ou aux machines, dans les tréfonds du navire, où règnent bruit et chaleur infernaux. Le quartier-maître chargé de l’inspection saute agilement d’une échelle à la suivante. De l’autre côté de la paroi où tourne l’arbre d’hélice, « il y a la mer », dit-il.
On ne la voit pas beaucoup ici. Les gars et les filles des machines ont l’habitude, ils vivent par définition dans ce monde du dessous. Le confort ? Quel confort ? L’Aconit est une frégate légère furtive (FLF), son empreinte radar et infrarouge est réduite au minimum. Alors, pour gagner de la place, pour se glisser entre les parois aveugles aux formes biseautées, on a réduit d’autant l’espace à l’intérieur, supprimé les hublots. Excepté celui qui est situé dans le bureau du « pacha », le capitaine de frégate Pourcher de Ruellé, qui effectue sur l’Aconit sa deuxième mission : « Ces frégates La Fayette ont marqué une véritable rupture dans la construction navale à la fin des années 1990. Elles sont faites pour naviguer loin, longtemps et en zone de crise », confie-t-il.