Cosignataire d’une tribune appelant au renouveau social-démocrate, l’élue dijonnaise et militante PS Mélanie Balson explique à « Marianne » les motifs de cette modeste initiative dirigée contre le président de son parti, Olivier Faure.
Entre les soutiens résolus du Nouveau Front populaire et les tenants d’une rupture avec LFI, le Parti socialiste traverse une nouvelle de ces crises dont il a le secret. Son université d’été s’est ouverte ce jeudi 29 août à Blois dans un climat de division. Le président du parti, Olivier Faure, défend mordicus l’alliance des formations de gauche, contre l’avis de plusieurs opposants internes.
Dans une tribune à Libération intitulée « Le Nouveau front populaire est déjà dépassé, avançons vers une social-démocratie populaire ! », parue mardi 27 août, trois socialistes inconnus du grand public appellent au renouvellement idéologique de leur parti. « Nous appelons [...] l’ensemble des sociaux-démocrates à franchir le pas d’une adhésion au Parti socialiste, afin de déposer dans l’urne le bulletin qui fera battre Olivier Faure ou son représentant lors du prochain Congrès », exhortent Lysandre Merlier (membre du Conseil national), Dylan Benaud (secrétaire fédéral à la jeunesse dans la Sarthe) et Mélanie Balson (membre suppléante du Conseil national). Cette dernière, également conseillère municipale de Dijon et infirmière au CHU de sa ville, développe pour Marianne les raisons et objectifs d’une telle prise de position.
Marianne : Qu’est-ce qui vous a poussés à signer cette tribune, tous les trois, anonymes aux yeux du grand public ?
Mélanie Balson : Lysandre Merlier, Dylan Benaud et moi sommes de simples militants, et pas des cadres comme on a pu l’entendre. Parmi les différents courants du PS, on appartient à celui d’Hélène Geoffroy [maire de Vaulx-en-Velin et présidente du Conseil national du parti, N.D.L.R.], qui porte un discours et des valeurs éloignés d'Olivier Faure, prêt à toutes les compromissions avec LFI. Le débat est verrouillé en interne, où l’on est considéré de droite dès qu’on s’oppose à lui. On a donc voulu exprimer notre envie de rupture au moment où les électeurs font confiance à la gauche sociale-démocrate, en témoigne le bon score de Raphaël Glucksmann aux européennes. Alors, on a pris notre courage à deux mains pour écrire cette tribune ! On a bien réfléchi cet été, on craignait que ça nous mette en difficulté mais ça valait le coup car on reçoit de très bons retours. Beaucoup de personnes sont prêtes à reconstruire une gauche sans LFI, qui veut surtout sa victoire à elle. Comme la NUPES, le NFP est une alliance de circonstance, mais au moment de gouverner nos différends ressurgissent naturellement.
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Comprenez-vous que cette tribune puisse paraître un poil présomptueuse à l’aune de votre faible notoriété ?
Certains nous ont fait savoir qu’on pouvait sembler ridicules, mais nous avions la volonté de signer ce texte tous les trois et de ne pas ratisser plus large. Par le passé, nous avons cherché des signataires pour des tribunes mais à chaque fois, le plan est tombé à l’eau à cause d’une fuite. Cette fois, on n’a volontairement prévenu personne pour nous laisser libres dans l’écriture et la publication du texte.
Vous sentez-vous suivis au sein du PS ?
On est très suivi à l’intérieur du parti mais nombreux sont ceux qui ont peur de prendre la parole pour dire ce qu’ils pensent. On espère que la tribune contribuera à déclencher un déclic chez des membres du PS, qu’elle donnera à d’autres la force de combattre Olivier Faure. On invite tous les militants à franchir le pas, ainsi que ceux de l’extérieur à venir ou revenir : ceux qui ont pu par exemple rejoindre Emmanuel Macron, car il n’a plus d’avenir. Il a mené une politique de droite, mais il y a un vivier pour la gauche dans les rangs de la macronie.
Il faut être nombreux pour pousser la scission avec LFI déjà portée par Michaël Delafosse à Montpellier, Carole Delga en Occitanie ou encore Karim Bouamrane à Saint-Ouen, chacun dans son territoire. Je le vois à Dijon mais c’est pareil dans toutes les collectivités locales, la gauche modérée n’a pas besoin des Insoumis pour gouverner : ils en sont incapables de toute façon. Aussi, je ne comprends pas l'entêtement d’Olivier Faure à vouloir faire alliance. En plus de bafouer les valeurs socialistes, ça n’a aucun intérêt stratégique.
En quoi Olivier Faure s’est-il compromis à votre sens ?
Au risque de me répéter, il continue de privilégier une alliance contre-nature avec les Insoumis. Évidemment, ça l’arrange car ça lui permet de conserver son siège de député. J'entends désormais qu’il se dit prêt à discuter avec toutes les formations républicaines. Peut-être qu’il commence à avoir peur de la contestation interne. Il a raison d’avoir peur. S’il est sincère dans sa déclaration, tant mieux !
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Plus globalement, il aime parler de démocratie, mais la base n’a pas eu son mot à dire sur le nom de Lucie Castets pour Matignon… Les militants l’ont découvert dans la presse. Je pense que le président devrait nommer une personnalité de gauche au poste de Premier ministre, mais le problème de Lucie Castets, c’est le programme et les valeurs qu’elle compte représenter. Je n’ai rien contre elle en soi, mais c’est une réalité qu’elle recevrait une motion de censure immédiate si elle était nommée.
Contrairement à Bernard Cazeneuve, par exemple ?
Les programmes m’intéressent plus que les noms. S’il incarne une gauche sociale-démocrate et responsable, je pense qu’il échappera à la censure. Mais ça peut être lui ou un autre. L’essentiel, encore une fois, c’est qu’Emmanuel Macron nomme un Premier ministre de gauche, quelqu’un qui n’appelle pas à la destitution ou aux manifestations. Qu’il arrête de nier le résultat des législatives.
Chez certains au PS, l’idée fait son chemin d’une convention visant à changer le logiciel idéologique du parti avant le prochain congrès de 2025. Verriez-vous cette initiative d’un bon œil ?
Oui, il faut qu’on se pose avec ceux qui le souhaitent pour écrire une feuille de route crédible, ce qu’on n’a pas fait ces dernières années. Notamment parce qu’Olivier Faure est plus occupé à faire des alliances qu’à construire quelque chose. Avec toutes les collectivités qu’on dirige, on devrait être en mesure de proposer un projet crédible à l’échelle nationale.
Sur quels sujets pensez-vous qu’il y a une incompatibilité avec le programme du NFP ? Dans la tribune, vous parlez de laïcité, d’Europe, de sécurité, d’emploi…
Commençons par la laïcité, le plus bel outil dont dispose la France. LFI la remet en question, elle ferme les yeux sur le communautarisme sans doute par calcul électoral. Un proviseur qui démissionne pour avoir demandé à une élève de retirer son voile, ça ne devrait pas exister.
Levons le tabou injustifié sur la sécurité. À Dijon, c’est une attribution de la première adjointe. Comment peut-on dire que « la police tue » ? Certes, il y a des bavures mais elles sont heureusement sanctionnées. Les forces de l’ordre sont un service public profondément meurtri, en sous-effectif, confronté à la montée des violences, au trafic de drogue qui gangrène jusqu’aux campagnes. La suppression par Nicolas Sarkozy de la police de proximité ainsi que de 10 000 postes a été une grande erreur.
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Sur l’emploi, l’enjeu n’est pas la réduction du temps de travail, mais que les travailleurs soient épanouis et heureux dans ce qu’ils font, se sentent respectés et mis en valeur. Dans le domaine écologique, on doit rétablir un impôt sur la fortune basé sur l’empreinte carbone, et faire en sorte que l’État investisse pour que l’écologie soit à la portée de tous.
Mais c’est surtout sur l’international que les déchirures sont profondes. Que LFI ait concentré sa campagne européenne sur Gaza en dit long sur son rapport à l’Union européenne. Ce conflit dramatique ne relève pas de la compétence bruxelloise, même les États-Unis se retrouvent dans l’impasse. Raphaël Glucksmann, à l’inverse, a vraiment développé sa vision européenne. Malgré cela, Olivier Faure préfère débattre avec des extrêmes au lieu de renouer avec une gauche centriste et modérée.