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Mais où est passé le pognon de dingue que Macron aurait palpé chez Rothschild ?
Emmanuel Macron a-t-il caché de l'argent au fisc en 2012 ?
MILLEREAU Philippe / KMSP / KMSP via AFP

Mais où est passé le pognon de dingue que Macron aurait palpé chez Rothschild ?

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Le documentaire « Off investigation » remet sur le devant de la scène le mystère qui entoure la potentielle méga commission jamais déclarée par Emmanuel Macron lorsqu’il était banquier d’affaires chez Rothschild. Faut-il prendre cette enquête au sérieux ?

C’est l’un des mystères les mieux gardés de la République : mais où a donc bien pu passer la commission stratosphérique qu’Emmanuel Macron aurait normalement perçue en tant qu’associé gérant de la banque d’affaires Rothschild, lorsqu’il a conseillé le rachat par Nestlé de la filiale de lait infantile de Pfizer ? Un méga deal à 12 milliards de dollars signé en avril 2012 où l’influence du jeune Macron fut décisive pour convaincre la direction de Nestlé de payer le prix fort pour la filiale de son concurrent américain. Ce fait d’armes a gravé dans le marbre son fameux surnom de « Mozart de la finance », quelques semaines avant qu'il devienne le secrétaire général adjoint de François Hollande à l’Élysée.

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Le problème, c’est que deux ans plus tard lorsqu’il est entré au gouvernement en tant que ministre de l’Économie, Emmanuel Macron a dévoilé dans sa déclaration d'intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, des revenus imposables en 2012 de 720 521 euros au titre des opérations réalisées avec Rothschild, dont Nestlé-Pfizer qu’on peut considérer comme la seule à laquelle il a participé en quatre mois et demi de présence dans la banque cette année-là. À l’époque, ce montant déclaré a rendu nombre de financiers parisiens circonspects. Les experts du secteur consultés par Marianne s’accordent par exemple à dire que c’est trois fois moins que ce qu’aurait perçu un associé gérant classique d’une grande banque d’affaires pour un tel deal. En sous-déclarant ces montants, peut-être Emmanuel Macron voulait-il échapper à l’impôt, car il aurait alors été soumis à l’ISF qu’il n’a pas payé en 2013 et 2014. Il s’en est certes finalement acquitté après avoir été redressé en 2016… mais pour avoir sous-estimé la hausse de la valeur de la maison du Touquet de sa femme Brigitte, et non pour avoir sous-évalué ses revenus chez Rothschild.

La thèse d'un montage financier

Mais où serait dès lors passé cet argent dont le fisc n’a pas connaissance ? Un documentaire du média d’enquête « Off investigation », mis en ligne le 29 mars, émet une nouvelle hypothèse. Son réalisateur s’appuie sur une source « proche de la banque Rothschild », qui confirme d’abord que dans le monde des affaires parisien, « personne de sérieux n’a cru » à la déclaration d'intérêts d’Emmanuel Macron. Et explique ensuite que « dans le système Rothschild, les associés & gérants ont chacun une petite société (...) des sortes de trust – une structure à laquelle le patrimoine d’un individu est transféré N.D.L.R. –, qui sont logées à Jersey ou à l’Île-de-Man », des dépendances de la couronne britannique qui sont des paradis fiscaux opaques. Selon le documentaire, la banque Rothschild permettrait à ses associés gérants de verser en moyenne 80 % de leur rémunération dans ces trusts, les 20 % restant allant sur leur compte français, soit ce qu’ils déclarent au fisc. Ensuite, quand le banquier veut récupérer les 80 %, il suffirait« qu’il claque des doigts », explique la source d’Off Investigation, et demande au trust de lui rétrocéder la propriété des fonds des années plus tard. Voilà un montage qui, de premier abord, coïnciderait avec le gros trou dans la raquette de la déclaration d’Emmanuel Macron.

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La thèse développée par Off Investigation est-elle plausible ? Le documentaire lève certes des zones d'ombre mais reste encore imprécis, à en croire un fiscaliste interrogé par Marianne. Comprendre : un tel montage ne serait pas étonnant si giga commission perçue par Emmanuel Macron il y eut, même si le documentaire n'en apporte pas la preuve irréfutable. Ce qui est un fait établi en revanche, nous dit le fiscaliste, c’est que les associés qui travaillent pour ce type de banques « sont souvent dans une logique de fragmentation de leurs rémunérations », comme la répartition 80 %-20 % développée dans le documentaire. En effet, lorsqu’ils sont nommés associés, c’est-à-dire qu’ils détiennent une part du capital de la banque, les banquiers profitent le plus souvent de leur statut « à mi-chemin entre le salariat et de mandataire social pour créer en parallèle une société – une holding dans le jargon – qui percevra l'intéressement sur les deals auxquels ils participent », ajoute notre fiscaliste. L’intérêt de cette procédure ? Que l’argent perçu « soit taxé à impôt sur les sociétés plutôt qu’à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales ». Si tel était le montage pour Macron, « ces montants auraient dû apparaître dans sa déclaration d'ISF, ce qui n’est pas le cas ».

Trois explications possibles

Autre solution : placer son argent dans un trust institutionnalisé par la banque – ce qui semble être ce que dit la source d’« Off investigation ». Trusts qui sont de deux types : soit le trust est « révocable », c’est-à-dire que le banquier associé pourra plus tard solliciter la structure pour reprendre le capital qu’il y a placé. Dans ce cas, également, « Macron aurait été imposable à coup sûr à l’ISF », note notre source fiscaliste. Soit, dernière solution, le trust est « irrévocable » c’est-à-dire que le banquier associé ne peut pas retirer son capital auprès du trust, mais seulement le léguer à ses héritiers. Dans l'absolu, Macron aurait pu, avec ce montage, échapper à l’ISF, mais il aurait dû le mentionner au fisc et prouver qu'il n'était plus propriétaire du capital ni des revenus du trust. Difficile d'en comprendre l'intérêt… « Quand on n’est que de passage dans une banque – comme Macron chez Rothschild – cela n’a aucun sens de faire un trust si l’on ne peut pas récupérer les fonds. Sauf peut-être si Rothschild le lui a imposé quand il est entré dans la banque », réfléchit le fiscaliste.

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Au reste, « quel que soit le schéma qu’on observe, les montants d’une commission plus importante sur le deal Nestlé-Pfizer auraient dû être ou déclarés ou mentionnés au fisc », résume-t-il. En somme, trois solutions pour résoudre cette énigme fiscale : soit Emmanuel Macron était un bien piètre négociateur sur ses commissions avec les dirigeants de la banque Rothschild à l’époque, et a vite appris à mieux manœuvrer ensuite pour décrocher le deal Nestlé-Pfizer et devenir, cinq ans plus tard, chef de l’État ; soit il a omis de déclarer ses revenus au fisc ; soit il s'est privé – de son propre chef ou à la demande de son employeur – de la jouissance définitive du pactole. En cette période électorale, le documentaire d’« Off investigation » pourrait-il l'inciter à sortir du bois pour s’expliquer sur l’étrange montant de cette commission perçue ?

Mise à jour - 31 mars 2022 : Dans une réponse envoyée à l’AFP jeudi, la banque Rothschild a « démenti formellement » que « les banquiers en France seraient rémunérés à l'étranger », comme expliqué dans l’enquête du site Off Investigation sur le patrimoine d'Emmanuel Macron. « Les banquiers en France sont rémunérés en France », a indiqué la banque d'affaires dans un communiqué.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne