La découverte de Paris, son bégaiement, son père qu'il n'a jamais connu, la rencontre avec un autre monstre sacré de la bande dessinée, René Goscinny… En 2018, Sempé, qui restera pour toujours et pour beaucoup le père du Petit Nicolas, se confiait et acceptait de revenir sur les moments de son existence et sa carrière, et sur sa conception de la vie.
Il y a un peu plus de trois ans, nous avions eu la chance de rencontrer le dessinateur légendaire dans son appartement-atelier du boulevard de Montparnasse à Paris pour l’un de ses derniers grands entretiens. L’homme était à la fête : le Petit Nicolas soufflait ses soixante bougies à la Fondation Louis Vuitton et le film Raoul Taburin a un secret adapté d’une de ses œuvres était à l’affiche. Même diminué par un AVC survenu quelques années plus tôt qui avait réduit sa mobilité ainsi que son élocution, Jean-Jacques Sempé avait conservé un incroyable humour et une retenue à toute épreuve. Quand on le qualifiait de monstre sacré du dessin, il écarquillait ses grands yeux bleus, esquissait un sourire malicieux et lançait un regard incrédule. On avait beau lui rappeler ses cinq millions d’albums écoulés à travers le monde, il continuait à se considérer comme un simple artisan qui avait beaucoup « turbiné ». Ni plus ni moins.