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"On veut des garanties" : le chef de la rédaction de "La Provence" réintégré après l'ingérence de Saadé
Les journalistes de « La Provence » maintiennent leur grève débutée ce vendredi, malgré la réintégration de leur directeur de la rédaction.
CHRISTOPHE SIMON/AFP

"On veut des garanties" : le chef de la rédaction de "La Provence" réintégré après l'ingérence de Saadé

Retour à la raison ?

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La direction générale de « La Provence » (groupe CMA CGM) a annoncé dimanche 24 mars la réintégration du chef de la rédaction. Aurélien Viers avait été mis à pied vendredi en raison d'une Une sur Emmanuel Macron jugée « ambiguë » par la direction… et en premier lieu, le propriétaire du journal, le milliardaire Rodolphe Saadé. En grève depuis vendredi, les salariés ont prévu un rassemblement demain lundi pour décider de la suite.

Victoire pour les salariés de La Provence : leur directeur de la rédaction est réintégré. Aurélien Viers avait été mis à pied, ce vendredi 22 mars, au lendemain de la publication d'une Une sur la visite d'Emmanuel Macron à Marseille jugée « ambiguë » par la direction générale du journal. Le journaliste retrouvera ses fonctions ce lundi, a annoncé cette dernière, ce dimanche 24 mars, en début de soirée.

« La direction de "La Provence" est satisfaite d’annoncer un accord avec Aurélien Viers, directeur de la rédaction » dont le « retrait de la mise à pied (...) a été décidé après une réunion de travail avec Gabriel d'Harcourt, directeur général », précise le titre (groupe CMA CGM) dans un communiqué.

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Les journalistes du quotidien régional, qui avaient dénoncé une « ingérence éditoriale inadmissible » – notamment de la part du propriétaire du titre réputé proche du président de la République –, sont en grève « illimitée » depuis ce vendredi après-midi, 16 heures. Les salariés de La Provence ont été soutenus par d'autres confrères dont ceux d'autres titres propriété du milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé.

« Trop de questions restent en suspens »

« On maintient la grève aujourd'hui et la mobilisation demain matin », affirme auprès de Marianne un journaliste élu du Syndicat national des journalistes (SNJ) à La Provence. Un rassemblement est prévu ce lundi matin à 10 heures devant le siège du journal à Marseille. « Trop de questions restent en suspens, explique cette même source. Et d'ajouter : « On veut des garanties pour que cela ne puisse plus arriver. »

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« Nous rappelons que la une invoquée pour la mise à pied n’était pas problématique », a par ailleurs souligné un journaliste auprès de l'AFP. La crise est partie de l'annonce de la mise à pied d'Aurélien Viers pour la une du quotidien régional du jeudi 21 mars, barrée du titre « Il (Emmanuel Macron, N.D.L.R.) est parti et nous, on est toujours là… », reprenant les mots d'un habitant de la cité paupérisée de La Castellane, à Marseille, interrogé en page intérieure.

Le titre surplombe une photo montrant deux personnes, de dos, regardant passer une policière en patrouille dans cette cité de la deuxième ville de France, où le président de la République était venu par surprise mardi annoncer une opération « place nette XXL », qu'il présentait comme « sans précédent » contre le narcotrafic.

Cette citation « a été reprise en une, sans être explicitement sourcée. Cette erreur dans la composition de la une revêt un caractère problématique, certains lecteurs ayant cru que cette citation provenait de narcotrafiquants. Elle est à l'origine du rappel à l'ordre du directeur de la rédaction », estime dans son communiqué la direction, qui s'excuse par ailleurs auprès des lecteurs de la non-parution du journal samedi, dimanche et lundi.

Rodolphe Saadé, à la tête de la compagnie maritime CMA-CGM et patron de Whynot Media s'apprête à devenir aussi celui d'Altice Media (BFMTV, RMC). Ce mardi 19 mars, en visite dans les locaux d'Altice, le milliardaire avait tenté de rassurer les journalistes à propos de l'indépendance des rédactions de son groupe. « Je ne suis pas interventionniste », avait-il assuré… À peine trois jours plus tard, la crise éclatait à La Provence.

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« Au terme d’une discussion constructive engagée depuis plusieurs mois par la direction du journal, de la rédaction et des syndicats représentatifs de celle-ci, la charte d’indépendance éditoriale et de déontologie de "La Provence" sera promulguée d’ici le 15 avril », promet la direction du titre dans son communiqué. Reste à voir si la réponse de ce dimanche sera suffisante pour calmer la colère des journalistes… Et si le mal n'est pas déjà fait.

« Quoi qu'il arrive par la suite : nous sommes dans l'impasse.Mettre à pied le patron de la rédaction, quand il n’y a pas de faute avérée, c’est renvoyer une image de mise au pas à l’intérieur et à l’extérieur, alors qu'on est déjà confronté à de très grosses pressions du milieu politique local… », confiait auprès de Marianne l'un d'eux vendredi.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne