Accueil

Politique Gouvernement
SNCF, médecins, retraites… les macronistes vantent le dialogue social tout en le piétinant
Maud Bregeon, porte-parole des députés Renaissance.
PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

SNCF, médecins, retraites… les macronistes vantent le dialogue social tout en le piétinant

Sauver les apparences

Par

Publié le

Sur tous les plateaux, élus de la majorité et membres de l'exécutif chantent les louanges du « b dialogue social » et de la « concertation », déplorant qu'ils n'aient pas eu lieu pour les grèves des médecins libéraux et des salariés de la SNCF. La parole des syndicats ne semble pourtant pas peser bien lourd dans les négociations de la réforme des retraites et de l'assurance chômage.

Pile je gagne, face tu perds. C’est la curieuse méthode de négociation retenue par le gouvernement en cette fin d’année pour gérer les conflits sociaux. Cette dernière présente l'indéniable avantage d'être toujours gagnante sur le front de la communication, au prix d'une légère contradiction sur le fond. Détaillons l'astuce : si les partenaires sociaux sont absents de la bataille, comme pour la grève des médecins libéraux ou celle des conducteurs SNCF, c’est que le mouvement social est « radicalisé », et donc illégitime. Inversement, si les syndicats sont associés, ils permettent de se dire ouvert à la discussion. Tant pis si leur avis est purement décoratif, comme sur l’assurance chômage ou la réforme des retraites : ils endosseront la responsabilité d’un éventuel « blocage ». Dernière application en date de ce stratagème ce jeudi 29 décembre sur franceinfo, avec la députée des Hauts-de-Seine Maud Bregeon, porte-parole des députés Renaissance.

Interrogée sur la grève des médecins généralistes, l’ingénieure de formation récite son laïus sur les vertus de la concertation : « Notre conviction, c’est que les décisions, les orientations, ne doivent pas venir du haut vers le bas. Ça ne peut pas être uniquement dans ce sens-là. Donc on doit écouter, ce que nous n’avons peut-être pas suffisamment fait les dernières années, les professionnels de terrain, ceux qui vivent au quotidien cette réalité. C’est ce qu’on a fait depuis la réélection du président de la République. »

Et prière de ne pas dépasser les pointillés : « Il y a une nécessité d’avancer sur la question de l’hôpital, c’est ce qu’on fait dans le cadre du Conseil national de la refondation, et puis il y a la grève, distingue Maud Bregeon. Moi ce que je crois c’est que chacun doit aujourd’hui agir dans un esprit de solidarité et de responsabilité. (…) On a des concertations entre les organisations syndicales et l’assurance maladie, notamment sur la question du prix de la consultation. C’est dans le cadre de ces consultations et de ces échanges que ces négociations doivent se faire. »

Triple couche

Un discours déjà largement diffusé par les différents ministres directement concernés par les mouvements de grève. « Ma porte est toujours restée ouverte, elle le restera pour régler les problèmes, mais on ne fait pas la grève avant de commencer à discuter », affirmait mercredi le ministre de la Santé, François Braun, rappelant que le volet santé du CNR arrivait à échéance « dans quelques jours » avant des annonces courant janvier.

Côté Transports, Clément Beaune s’émouvait lui aussi que le sacro-saint « dialogue social » ait été bafoué lors de la grève des salariés de la SNCF. « Je rappelle que les organisations syndicales n’appelaient pas à cette grève. Mais un collectif monté sur les réseaux sociaux (…) a débouché sur un mouvement atypique et radicalisé, en dehors du dialogue social. (…), déclarait-il dans le JDD le 23 décembre. Un petit nombre de grévistes a choisi l’option du blocage, alors que des dizaines de milliers de cheminots ont participé aux élections professionnelles en novembre et fait confiance à leurs représentants syndicaux, qui ont négocié des augmentations substantielles. Donc oui au dialogue, non au désordre. »

A LIRE AUSSI : Grève des médecins libéraux : "Le paiement à l'acte est une hérésie"

Maud Bregeon en remet une couche ce jeudi, en martelant le même message : « Ce que je constate dans le cas des grèves qui ont impacté la SNCF – donc les Français – le week-end dernier, c’est que les organisations syndicales n’appelaient pas à faire grève. Et d’ailleurs, une large partie d’entre elles s’est désolidarisée de ce mouvement. Dans le cadre des mouvements qu’on observe aujourd’hui chez les médecins, c’est la même chose. (…) Je ne pense pas que les organisations syndicales soient dépassées. Il y a aujourd’hui encore un taux d’adhésion aux syndicats qui est important, beaucoup d’avancées sociales. Prenez par exemple les grèves qu’il y a eu dans l’énergie (…). Les syndicats, par les négociations, ont permis de réelles avancées, notamment sur les salaires. (…) On voit bien que le dialogue social, quand il est correctement mené, quand les organisations syndicales s’impliquent, ça fonctionne. »

Tout cela est bel et bon, mais cet hommage appuyé aux vertus de la démocratie sociale se heurte de plein fouet à la réalité de la pratique gouvernementale. Le 23 décembre, les syndicats ont ainsi eu le plaisir de découvrir que le projet de décret d’application de la réforme de l'assurance chômage allait beaucoup plus loin que prévu sur la variation de la durée d'indemnisation en fonction de la situation économique.

A LIRE AUSSI : Assurance chômage : une fois de plus, le gouvernement veut aller bien plus loin que prévu

« Ce n'est pas acceptable de faire une annonce le 23 décembre sans concertation. C'est vraiment de très mauvais goût », pestait ainsi Cyril Chabanier (CFTC), rejoint par Laurent Berger (CFDT), qui dénonçait un acte de « pure déloyauté », ou Michel Beaugas (FO) pour qui le nouveau contenu du décret est « tout simplement scandaleux ». À l’automne, le gouvernement avait déjà court-circuité purement et simplement les syndicats avec l’appui du Parlement, en décidant de définir lui-même les critères d’indemnisation de l’assurance chômage, au lieu de laisser cette prérogative aux organisations représentatives des employeurs et des salariés réunis au sein de l’Unedic. Une première depuis… 1958.

Volonté d'écoute

L’attitude du gouvernement est sensiblement identique sur l’autre dossier majeur de cette fin d’année : la réforme des retraites. Si Élisabeth Borne chantait en septembre dernier les louanges du « dialogue et de la concertation », la cheffe du gouvernement s’apprête à unir contre elle l’ensemble des syndicats de salariés – une première depuis douze ans. Si le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans était bien annoncé le 10 janvier, l’exécutif porterait « l’entière responsabilité d’un conflit social majeur », prévenait ainsi l’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU, Solidaires début décembre. Les déclarations des différents leaders syndicaux à la sortie d’un énième round de négociations à Matignon le 9 décembre laissent à penser que les bonnes intentions affichées par la Première ministre, qui jurait pourtant que « le blocage ne viendra[it] pas de [s]a part », tiennent avant tout de la posture.

A LIRE AUSSI : Réforme des retraites : apôtre du "dialogue et de la concertation", Borne n’exclut pas le 49.3

« Ils sont obstinés – je pèse mes mots – à dire qu’il faut travailler jusqu’à 65 ans », taclait le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. « La messe est dite, Emmanuel Macron veut aller à l’affrontement » ajoutait François Hommeril, président de la CFE-CGC, auprès de nos confrères du Monde. « Ils ont l’air fermé sur le recul de l’âge de départ », constatait Cyril Chabanier, de la CFTC. Vous en voulez encore ? « Il n’y a pas eu de réelle volonté d’écouter les syndicats », pointait Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO, pour qui les échanges avec ces derniers étaient surtout destinés à « montrer que [le gouvernement] ne passait pas en force ». Ces sorties au bazooka n’empêchent pas Maud Bregeon de féliciter le ministre du Travail, Olivier Dusspot, pour avoir « gardé contact avec l’ensemble des organisations syndicales, l’ensemble des partenaires sociaux ». Tant que le décorum est sauf…

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne