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Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, tous les paramètres de protection des demandeurs d'emploi ont été grignotés.
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, tous les paramètres de protection des demandeurs d'emploi ont été grignotés.
AFP

Indemnisation, durée de cotisation, conditions d'accès : 7 ans de grignotage du droit au chômage

Droit(e) du travail

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Depuis son élection, Emmanuel Macron et ses ministres ont travaillé à moduler (comprendre réduire) les droits des demandeurs d'emploi par tous les leviers possibles, avec des justifications économiques ou philosophiques. Petite chronologie.

C’est un jour sans fin pour les chômeurs. En 7 ans de présidence Macron, les chômeurs qui n'ont pas réussi à traverser la rue subissent une énième réforme de l'assurance chômage. Invité du « 20 heures » de TF1 mercredi soir, Gabriel Attal a annoncé l’arrivée d’une nouvelle « vraie réforme globale de l’assurance chômage » d’ici à l’été. Un nouveau tour de vis, après un quinquennat et demi d’attaques contre les droits des chômeurs.

2019 : Premier coup de boutoir

L’histoire contrariée entre Macron et les chômeurs commence sous le premier quinquennat. Après avoir accordé à l’État une plus grande part de responsabilité dans la gestion de l’assurance chômage et de ses modalités, au détriment du patronat et des syndicats, Emmanuel Macron avait, dès 2018, laissé comprendre que l’assurance chômage allait régulièrement être tripatouillée par l’exécutif.

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La conséquence se fait sentir dès 2019, avec une incitation de l’Élysée à faire des économies, qui empêche syndicats et patrons de se mettre d’accord. Le juge de paix Élyséen tranche alors par décret : les salariés qui enchaînent les contrats courts verront le calcul du montant de leur indemnisation revue à la baisse, et la durée de travail minimum pour ouvrir ses droits au chômage passe de quatre à six mois.

Malheureusement pour le gouvernement, l’entrée en vigueur du décret, prévu au 1er avril 2020, a été repoussée indéfiniment, pandémie oblige. Finalement, la réforme passe en 2021, avec une baisse d’indemnités de 17 % pour la moitié des nouveaux demandeurs d’emploi. Elle inclut aussi une mesure de dégressivité, jusqu’à 30 %, de l’indemnisation pour les salariés qui touchaient plus de 4 500 € de rémunération mensuelle.

2023 : Deuxième effet pas cool

Après la baisse de l’indemnisation journalière et une complication des conditions d’accès à l’indemnité de retour à l’emploi, le gouvernement a passé la seconde au début de l’année 2023 avec Olivier Dussopt en figure de proue, pourfendeur d’une supposée oisiveté, intolérable en période de quasi-plein emploi. C’est le concept très macronien de « contracyclicité », qui théorise une adaptation de la protection financière des demandeurs d’emploi en fonction de la conjoncture économique.

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Ainsi, le gouvernement a choisi de raboter d’un quart la durée d’indemnisation, et d’empêcher celle-ci de dépasser les 18 mois pour les moins de 53 ans, et 27 mois pour les plus de 55 ans. Un seuil minimal de six mois a tout de même été accordé : un salarié qui a travaillé six mois aura donc au minimum six mois de chômage, mais seulement neuf s’il a travaillé douze mois. Autre idée de la deuxième réforme, la « présomption de démission » pour les salariés surpris en abandon de poste, afin de les priver des droits au chômage dont ils bénéficiaient avant. Ultime attaque : un salarié en fin de contrat qui refuse deux fois un CDI « pour un emploi aux mêmes caractéristiques en l’espace d’un an ne pourra plus percevoir l’assurance chômage ».

Au mois de décembre 2023, patrons et syndicats avaient trouvé un accord permettant d’amenuiser certains effets négatifs de la réforme sur les saisonniers, mais le gouvernement, soucieux de cibler les travailleurs âgés, n’a pas ratifié l’accord des partenaires sociaux. Une réforme pour rien ? Ce jeudi, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, invitée au micro de France Info, a assuré que les syndicats n’avaient pas travaillé pour rien, et que leur accord n’était « pas caduc », mais méritait d’être retravaillé car la situation actuelle « n’est pas celle de décembre 2023 ». L’annonce d’un déficit national à 5,5 % en 2023 est passée par là.

Et maintenant ?

Alors que prévoit Gabriel Attal dans la troisième réforme de l’assurance chômage ? L’objectif tient en une phrase du Premier ministre : « La durée de l'indemnisation de l'assurance chômage. Aujourd'hui, c'est 18 mois. Une des pistes, c'est de réduire cette durée de plusieurs mois, il ne faut pas que ça aille en dessous de 12 mois. » Autre potentielle variable d’ajustement qui sera introduite dans la prochaine réforme : la durée minimum de travail à justifier pour pouvoir bénéficier d’indemnités. Si celle-ci a été ramenée à six mois sur les deux dernières années par les précédentes réformes, elle pourrait évoluer.

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Le gouvernement va-t-il allonger la période prise en compte ou allonger la durée de travail minimum ? Le mystère demeure. Pourquoi s’arrêter là ? Le locataire de Matignon n’exclut pas totalement de réduire dans le même temps le niveau d’indemnisation, même s’il avoue que cette option « a moins [sa] préférence » pour l’instant.