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Avant d’"emmerder" les non-vaccinés, Macron veut surtout emmerder Pécresse
Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, le 9 janvier 2019 à Créteil
Ludovic Marin / AFP

Avant d’"emmerder" les non-vaccinés, Macron veut surtout emmerder Pécresse

Présidentielle 2022

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En renvoyant à la marge les Français qui tardent encore à se vacciner contre le Covid, le chef de l’État cherche à asphyxier celle qui veut lui disputer la palme de la gouvernance responsable.

Il faut toujours écouter attentivement Éric Ciotti. Invité ce mercredi matin sur France Inter, au lendemain de la publication de l’explosif entretien accordé par Emmanuel Macron au Parisien, le député des Alpes-Maritimes a, comme l’ensemble des oppositions, dénoncé la brutalité du propos présidentiel. Celui où il assume vouloir « emmerder » les Français non-vaccinés contre le Covid, avant de sous-entendre que leur irresponsabilité les privait de leur statut de « citoyen ».

Pour formuler son réquisitoire, Éric Ciotti a choisi un angle d’attaque précis : celui de la forme. Fustigeant un chef de l’État devenu de facto candidat sans le déclarer officiellement, l’ex-finaliste du congrès Les Républicains a d’abord dénoncé « une stratégie électorale […] indigne ». Il a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait nullement, de la part d’Emmanuel Macron, d’un quelconque « dérapage » verbal. Homme politique d’expérience, Éric Ciotti sait reconnaître un joli coup d’échec lorsqu’il en voit un.

Pécresse tiraillée

« C’est une stratégie de rupture et de division », a-t-il enchaîné, avant d’expliquer doctement – comme il l’a toujours fait – que les plus de 5 millions de non-vaccinés « prennent un risque pour eux-mêmes » et « exposent notre système de soin et nos soignants à des tensions insupportables ». Favorable au passe vaccinal, il sait qu’il n’a pas grand-chose à redire sur le fond au président de la République. Il sait qu’il n’éprouve pas le moindre scepticisme à l’égard de la vaccination, tout comme sa candidate à l’élection présidentielle, Valérie Pécresse.

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C’est bien là tout l’objectif derrière cette interview d’Emmanuel Macron. En tenant des propos aussi radicaux sur les non-vaccinés, il veut mettre en difficulté une droite dont l’électorat partage les mêmes agacements et inquiétudes que celui de La République en marche. Dans une configuration de second tour, il apparaît clairement que Valérie Pécresse serait l’adversaire la plus dangereuse pour le chef de l’État. C’est elle qui est la plus à même de piocher dans deux électorats clé, les retraités et les catégories aisées.

Or, la présidente de la région Île-de-France – et Macron le sait – est tiraillée entre deux stratégies difficiles à concilier : arborer le visage d’une droite responsable et prête à gouverner, tout en s’opposant de façon musclée à LREM afin de capter les électeurs séduits par Éric Zemmour.

« C’est malin »

D’où l’intérêt pour le président d’essayer d’asphyxier Valérie Pécresse entre ces deux pôles. « C’est malin. Il sait que la masse du pays est d’accord avec lui et veut s’afficher comme le seul représentant du camp du progrès, de la raison, constate un proche d'Éric Ciotti. En plus il la joue "good cop, bad cop" avec Édouard Philippe qui sur France 2 fait mine de ne pas apprécier la forme... Bref, c'est un beau coup.Macron voit qu’il recommence à y avoir un tri dans les hôpitaux. Et ça choque les gens, ils en ont marre. »

L’entretien est d’autant plus nocif pour la droite qu’il tombe moins de 24 heures après un « coup » mal ficelé des députés LR à l’Assemblée nationale qui risque de leur revenir comme un boomerang. En interrompant la séance de nuit consacrée au passe vaccinal, alors même qu’une majorité de ses parlementaires y est favorable, la droite a brouillé son positionnement sur la crise sanitaire.

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« Pécresse et Ciotti ont raison de rester sur la forme, de dire que ça ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’un président de la République », se rassure un député proche de la candidate, persuadé que « la crédibilité passe avant le reste ». Il nous invoque le général de Gaulle en sachant que c’est galvaudé, puis marque une pause. « Après, on est en 2022. La société a profondément changé. Peut-être que les codes auxquels on était attaché ne sont plus les mêmes… »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne