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Législatives à Paris : entre Lamia El Aaraje et Danielle Simonnet, une bataille de "légitimité"
Danielle Simonnet (LFI) et Lamia El Aaraje (PS) s'étaient déjà affrontées lors des législatives partielles de 2021, remportées par la socialiste.
Amaury Cornu / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Législatives à Paris : entre Lamia El Aaraje et Danielle Simonnet, une bataille de "légitimité"

Accord Nupes

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Selon l'alliance entre le PS et LFI entérinée jeudi soir, la députée socialiste sortante dans la 15e circonscription de Paris Lamia El Aaraje ne sera pas investie par la coalition Nupes, au profit de l'Insoumise Danielle Simonnet. Une décision jugée injuste par la principale intéressée qui a décidé de maintenir sa candidature.

« Je suis la députée sortante légitime de cette circonscription. » Le propos de la socialiste Lamia El Aaraje résume la question centrale qui oppose aujourd'hui socialistes et Insoumis autour de sa non-investiture dans la 15e circonscription – qui recouvre une partie du XXe arrondissement – de Paris : la légitimité. L'accord Nupes, voté en Conseil national par le PS dans la nuit du 5 au 6 mai, a désigné Danielle Simonnet, issue des rangs insoumis, candidate à sa place et ouvert la porte à une bataille, soutiens contre soutiens, à l'issue incertaine. « À ce stade, il semblerait que Jean-Luc Mélenchon détienne la décision de m'investir ou non entre ses mains », explique à Marianne Lamia El Aaraje.

La socialiste a officialisé ce mercredi matin sur Twitter sa candidature, sans le soutien de la Nupes donc : « Fidèle et loyale aux électeurs de la 15ème circo de #Paris20 qui m’ont élue il y a moins d’un an, aux valeurs de la gauche unie et populaire pour la justice sociale, l’écologie, l’Europe et la République laïque. Je déclare ma candidature à l’élection des 12 et 19 juin. »

Les origines de la discorde remontent aux précédentes législatives partielles, le 30 mai et 6 juin 2021, où Lamia El Aaraje (PS), également conseillère de Paris, a succédé à la socialiste George Pau-Langevin dans ladite circonscription. Problème : le candidat supposément En marche, Jean-Damien de Sinzogan, n'avait en réalité jamais été investi par la majorité présidentielle. Son coup de bluff lui rapportant tout de même 516 voix, soit plus que le nombre de suffrages séparant Danielle Simonnet, déjà candidate insoumise lors de l'élection, et l'impétrant LR François-Marie Didier, arrivé troisième. Si la supercherie a été découverte avant le second tour – opposant Simonnet à El Aaraje –, le Conseil constitutionnel n'a pu se prononcer qu'en janvier… et invalider l'élection, laissant la 15e sans représentant à l'Assemblée depuis.

Sortante ou pas sortante ?

Les discussions entre LFI et le PS ces derniers jours tournaient donc autour de cette notion de « sortante », Lamia El Aaraje n'étant techniquement plus députée. Contactée par Marianne, Danielle Simonnet, candidate officielle et également conseillère du XXe arrondissement de Paris depuis 2001, explique que « l'élection ayant été annulée, Lamia El Aaraje n'est pas sortante » et que l'arrangement selon lequel tous les députés PS sortants ont été réinvestis ne couvre pas ce cas particulier.

« Il y a eu un accord et une convention de la Nupes ce week-end. Je suis la candidate investie dans la 15e circonscription », se défend l'élue insoumise, qui « habite depuis 1995 dans le XXe arrondissement et milite depuis vingt ans sur le terrain ». Du côté de la socialiste, qui a obtenu le soutien public de Lionel Jospin le 8 mai, on voit dans l'arrivée de Simonnet dans la 15e « un opportunisme électoral », alors que la conseillère municipale du XXe a tenté en 2012 et 2017 de se faire élire dans la 6e circonscription (une partie du XXe et une partie XIe). Sans succès.

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Pour Lamia El Aaraje, la situation est claire : son élection ayant été « annulée et non pas invalidée, le député sortant est le dernier sortant du titre » : « Je suis la députée sortante légitime de cette circonscription. Dire le contraire, c'est de la malhonnêteté intellectuelle », affirme-t-elle à Marianne.

Juridiquement, la situation est néanmoins plus complexe qu'il n'y paraît, comme le souligne Benjamin Morel, docteur en sciences politiques et maître de conférences en droit public à l'université Paris 2 Panthéon-Assas. « Le titre de "député sortant" est purement honorifique, il n'a pas de matière juridique », explique l'universitaire à Marianne, jugeant cependant que le cas de Lamia El Aaraje est situé « dans un flou juridique puisqu'elle a été députée de fait » – et qu'elle a donc voté des textes de lois – mais que, paradoxalement, « son élection est réputée n'avoir jamais produit d'effet juridique » aux yeux de la loi.

« Comme si mes électeurs n'avaient jamais existé »

Un imbroglio juridique qui rend impossible de déterminer le statut de l'ancienne députée dans les négociations autour de son investiture. Et a conduit Lamia El Aaraje, qui réfute le terme de « candidate dissidente », à maintenir sa présence, en refusant d'emblée une solution de repli sur une autre circonscription. « Le renforcement démocratique vient de la cohérence. Si j’acceptais d’aller ailleurs, c’est le poste et le mandat que je viserais alors. Or, je ne pratique pas le nomadisme électoral, poursuit El Aaraje. Les gens veulent de la clarté et pas de la tambouille d'appareil. On ne peut pas dire aux électeurs qu’on se fout de ce qu’ils pensent, surtout pour mettre quelqu'un qui a perdu en 2012, 2017 et 2021. C’est incompréhensible. C’est comme si mon mandat et mes électeurs n’avaient jamais existé. »

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Danielle Simonnet, elle, y voit plutôt le risque d'une opération en faveur de LREM : « Ce serait dommageable qu'elle se présente, cela ferait le jeu d'Emmanuel Macron, observe-t-elle. Ni George Pau-Langevin, ni Lamia El Aaraje n'ont eu de candidat En marche face à elles lors de leurs élections, contrairement à cette année. En 2017, il y a eu un accord entre LREM et le PS. Il se raconte que c'est Bertrand Delanoë qui était à la manœuvre. Et, en 2021, beaucoup de personnalités de la République en marche ont soutenu Lamia. »

Opposition idéologique

Simonnet n'imagine pas non plus une candidature d'union autour de l'ancienne députée, compte tenu de ses positions passées vis-à-vis d'LFI : « J'ai plus entendu Lamia taper sur Mélenchon que sur Macron à l’Assemblée. Elle pensait impossible d'envisager un travail avec la France insoumise et maintenant elle souhaiterait l'inverse ? », questionne l'élue.

Des arguments que retourne Lamia El Aaraje : « Danielle Simonnet tient des positions radicalement opposées à celle que nous pouvons porter en Conseil de Paris et s'oppose souvent aux propositions que nous faisons, en matière logement social et de politique de la ville notamment. » Mais la socialiste croit aujourd'hui pouvoir passer outre ces divergences : « Quand vous regardez les votes des cinq dernières années à l'Assemblée, nos groupes ont voté à 85 % les mêmes amendements, nous avons porté 35 recours et fait tomber 227 articles de lois. »

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Le dénouement n'est pas pour tout de suite. Interrogé dimanche 8 mai, après la conférence de presse de l'élue PS et de Lionel Jospin, le Premier secrétaire du parti, Olivier Faure, a regretté « une forme d'injustice » et assuré qu'il se battait pour que sa championne « puisse être candidate ». À voir si la France insoumise veut éviter de faire du cas de la 15e circonscription de Paris le symbole d'une alliance déséquilibrée, déjà très décriée par les fédérations socialistes.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne