Ce 13 février, sur le plateau de BFMTV, Michel-Édouard Leclerc – président du comité stratégique des hypermarchés E. Leclerc – a laissé la porte ouverte à une candidature à la présidentielle 2027. Une semaine plus tôt, l’institut Toluna Harris Interactive, révélait que 4 Français sur 10 seraient prêts à voter pour lui au premier tour des élections. Quel serait son programme ?
« Je suis disponible pour la nation ». Ces mots de Michel-Édouard Leclerc sur BFMTV le 13 février n'ont pas manqué de faire réagir quelques jours après la publication de l'étude de l’institut Toluna Harris Interactive le classant comme l'entrepreneur le plus « présidentiable ». Mais alors, à quoi ressemblerait son programme politique s'il venait à se présenter ? Dressons le tableau.
Pour rappel, Michel-Édouard Leclerc est président du comité stratégique des hypermarchés E. Leclerc. Cette entreprise, créée en 1949, est leader de la grande distribution en France avec un chiffre d'affaires de 48,6 milliards d'euros en 2024 (soit une hausse de 10,3 % en un an).
Selon ce sondage, publié le 7 février et réalisé auprès de 1077 Français (via la méthode des quotas), 65 % estiment « qu'un entrepreneur soit élu président de la République » serait « une bonne chose ». Six dirigeants d'entreprise ont été soumis au classement des sondés. Résultat : 40 % disent pouvoir envisager de voter pour Michel-Édouard Leclerc au premier tour de la présidentielle s'il se présentait, 33 % pour Bernard Arnault (LVMH) et 29 % pour le pourtant quasi-inconnu Stanislas Niox-Chateau (Doctolib).
Habitué des médias, Michel-Édouard Leclerc multiplie les interventions en plateaux télés, aux micros des radios et en presse écrite. À partir de ses nombreuses annonces médiatiques, que retenir de ses positions politiques ?
À LIRE AUSSI : Un grand patron à l’Élysée : l’étrange sondage d'un fonds proche de Stérin qui fait mousser le fondateur de Doctolib
Agriculture : étendre la loi EGalim
Chaque année les industriels de l’agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution négocient les prix de vente des produits. La loi EGalim de 2018, renforcée en 2021 et 2023, vise à protéger la rémunération des agriculteurs en excluant les matières premières agricoles et les coûts de production des négociations. Or, cette disposition ne concerne pour l’instant que la viande bovine et porcine, et la filière laitière (vache, brebis et chèvre) et n'est pas toujours appliquée. Ainsi, selon les propos de Michel-Édouard Leclerc invité de RTL le 8 février 2024, « il n’y a que 40 % des acheteurs qui appliquent la loi Egalim ».
C'est pourquoi, afin de protéger le « bouclier agricole », Michel-Édouard Leclerc propose sur le même plateau d'abord d'étendre les dispositions de la loi EGalim aux champs qui ne l’appliquent pas et d'en garantir la bonne application. Il veut aussi inclure les agriculteurs dans les négociations commerciales annuelles : dans un premier temps, les négociations auraient lieu entre les industriels et les agriculteurs, avant d'introduire les enseignes de la grande distribution.
Mercosur : instaurer une réciprocité des normes environnementales et sanitaires
Au yeux de Michel-Édouard Leclerc l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les cinq pays d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Vénézuéla) dans sa forme actuelle est « obsolète », comme il le disait le 16 novembre 2024, au micro de France Inter.
Par conséquent, il défend l'idée que tout produit importé en France, quelle que soit sa nature, devrait respecter les normes environnementales et sanitaires imposées aux agriculteurs français. Sans proposer, toutefois, de mesures concrètes ni relever qu'elles ne sont pas applicables en raison de la souveraineté étatique – y compris à l'échelle européenne.
À LIRE AUSSI : Accord UE-Mercosur : "Les clauses miroirs sont une légende urbaine"
Pouvoir d’achat : baisser les prix des biens de consommations
Selon le bulletin économique de la BCE, l'inflation devrait se stabiliser à 2 % courant 2025. Se présentant comme le défenseur des intérêts des consommateurs dans les médias, Michel-Édouard Leclerc a ventilé plusieurs mesures au fil de ses interventions. Par exemple, celle de créer un ministère de la Consommation ; mesure plébiscitée par ce dernier dans une tribune le 15 mai 2022 dans le « JDD » pour faire « entendre la voix du consommateur ». Il souhaite, également, « dézinguer la loi Descrozaille », selon les propos tenus sur le plateau de « C l'hebdo » le 11 janvier 2025. Instaurée en 2023, celle-ci interdit les promotions de plus de 34 % dans les rayons droguerie, parfumerie, hygiène et entretien.
Il plaide, par ailleurs, régulièrement en faveur de la suppression de la TVA sur certains produits. En 2019, il proposait dans les colonnes du Parisien de supprimer la TVA « sur les produits de qualité comme le bio » avant de cibler celle « sur les masques et les gels » sur le plateau de BFMTV le 29 janvier 2025 comme solution à l'épidémie de grippe en France.
Santé : autoriser la vente de médicaments en grande surface
Selon un sondage réalisé par l’Ipsos en 2024, « 53 % des Français pensent qu’il va devenir de plus en plus difficile d’acheter les médicaments dont ils ont besoin dans les cinq années à venir ». Dans ce contexte, 68 % estiment qu’il serait « plus facile d’acheter des médicaments sans ordonnance au sein d’un espace de parapharmacie dans une grande surface ».
Autant de sondages cités à l'antenne par Michel-Édouard Leclerc qui plébiscite sur son blog la vente de « médicaments sans ordonnance » dans les supermarchés, qui « pourront y être vendus 20 à 25 % moins cher » (juillet 2024)... pas si surprenant pour le patron d'une chaîne de magasins. Dans le même sens, le président comité stratégique de Leclerc défend ardemment la création d'une « section des pharmaciens de la grande distribution, comme il y a des pharmaciens de l'industrie et de la recherche » (BFMTV le 19 janvier 2025) afin de ne plus opposer déontologie et commerce.
Protection du système social : taxer les « concurrents » du travail
Selon une récente étude de Bloomberg Intelligence, 200 000 emplois seront menacés de suppression, d'ici trois à cinq ans, par le développement de l'IA « dans les grandes banques mondiales opérant à Wall Street ». Se disant concerné par la protection du système social français, et « l’enrichissement par le salaire » des consommateurs (également sur BFMTV fin janvier), Michel-Édouard Leclerc soumet l'idée de « rapprocher le salaire net du salaire brut » en transférant « une partie des cotisations sociales payées par les seuls entreprises et salariés » vers les « concurrents du travail ». C'est-à-dire la robotique, le digital et l'intelligence artificielle... Il n'en dira pas plus lors de cet entretien quant aux modalités.
À LIRE AUSSI : "Fils de" propulsé au rang de capitaine d’industrie : Michel-Édouard Leclerc, faux patron et vrai lobbyiste
Déficit budgétaire : investir dans la « bonne » dette et réduire la « mauvaise »
La position de Michel-Édouard Leclerc sur les comptes publics, présentée sur le plateau de C l'hebdo le 11 janvier, est claire : « Il y a une dérive des comptes publics. ». Au lieu de cumuler les taxes punitives à tous niveaux ‑ riches, sociétés, consommateurs (à l’image de la taxe sur les boissons sucrées) ‑ l'entrepreneur suggère de dresser le bilan des comptes publics : « On peut mettre entre parenthèses cette mauvaise gestion pour aller chercher des responsables ou boucher les trous. » Il soutient, ainsi, l'idée d'un bilan sur la durée (« un an et demi ») dans le but de définir un projet sur les cinq prochaines années. Avant d'ajouter : « Et pendant ce temps il faut continuer à s’endetter ». Une « bonne » dette, comprendre : les investissements dans les entreprises à forte valeur ajoutée (en particulier dans le secteur technologique).