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Jérôme Commandeur le 17 juin 2022.
Jérôme Commandeur le 17 juin 2022.
©PHOTOPQR/POPULAIRE DU CENTRE/Thomas JOUHANNAUD

"Irréductible" de Jérôme Commandeur : vous reprendrez bien un peu de fonctionnaire bashing ?

Valérie Pécresse adorerait

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Pour son deuxième film, Jérôme Commandeur enchaîne gags convenus et clichés éculés sur la fonction publique. Décevant, d’autant que l’humoriste revendique avoir voulu rendre hommage… aux fonctionnaires.

Pas sûr qu’Irréductible sauve l’été du cinéma français. Alors que les salles enregistrent une inquiétante baisse de fréquentation de 32 % sur les cinq premiers mois de l’année par rapport à 2019, distributeurs et producteurs attendent l’affiche qui pourrait enfin ramener le public devant le grand écran.

Sur le papier, le deuxième long métrage de Jérôme Commandeur, humoriste en vogue, a de sérieux atouts pour attirer en masse : un casting richement fourni en stars – Gérard Darmon, Valérie Lemercier, Christian Clavier, etc… – une comédie « d’aventure » au scénario promettant moult rebondissements, des critiques de presse dithyrambiques – « irrésistible » pour Le Parisien, « une réalisation ambitieuse » pour le JDD – et, en prime, le Grand prix du festival de la comédie à l’Alpe d’Huez.

Des gags prévisibles

Mais, une fois devant l’écran, le remake de « Quo Vado », comédie italienne à succès, déçoit. Jérôme Commandeur interprète le rôle de Vincent Peltier, tranquille employé des « Eaux et forêts » à Limoges qui se retrouve du jour au lendemain confronté à une réforme de la fonction publique menée par Gérard Darmon, ministre des Finances bien décidé à tailler dans les effectifs. Pour inciter Peltier à démissionner, une inspectrice de Bercy l’envoie exercer les postes les moins attrayants, jusqu’au Groenland où il est chargé de protéger des ours polaires les chercheurs d’une base scientifique…

Une fois le scénario posé, tout est prévisible. Les clichés les plus éculés sur les fonctionnaires se succèdent jusqu’à plus soif, de l’arrivée de Peltier au bureau sur les coups de midi au syndicaliste interprété par Christian Clavier qui milite pour la semaine de 18 heures et passe une bonne partie de son temps au bar.

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On peut rire de tout, même des fonctionnaires. Mais autant faire preuve d’inventivité. Là, les sketchs sont attendus, convenus, vus et revus depuis Coluche. C’est gros, et ça ne passe pas. Et ça frise le mépris social. Car si les énarques de Bercy et leur ministre, aussi empathiques qu’un tableau Excel, en prennent aussi pour leur grade – et c’est tant mieux – ceux situés plus bas dans la hiérarchie ne sont pas loin d'apparaître systématiquement comme des profiteurs, s’attachant à des privilèges désuets.

Une comédie engagée ?

Résultat : si le personnage principal finit par nous apparaître sympathique, difficile d’imaginer que ce film a été conçu pour « dire merci » aux fonctionnaires (dixit Jérôme Commandeur dans Téléloisirs ). Le comique pourtant talentueux, réjouissant ces derniers temps dans « Le Flambeau », la série de Jonathan Cohen diffusée sur Canal + aurait pu inventer bien des choses. Sur les froideurs de l’administration, le malaise de la fonction publique, l’absurdité des réformes ou des procédures. En bon élève trop discipliné, il se contente de ressasser des figures de style datées sur le service public.

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À travers le scénario, l’humoriste revendique de parler aussi « des migrants, de la mixité, des familles recomposées, de l’écologie, de la liberté des femmes… » (Ouest France ). Heureusement qu’il y a ces passages, auxquels il faut reconnaître un caractère comique certain, sinon on tournerait franchement en rond. C’est finalement lorsqu’il ne parle pas des fonctionnaires que Commandeur est le meilleur…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne