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La police est arrivée cinq minutes à peine après l'ambulancier au domicile du forcené, à Besançon.
La police est arrivée cinq minutes à peine après l'ambulancier au domicile du forcené, à Besançon.
Hans Lucas via AFP

Mort de l’ambulancier Moussa Dieng : le suspect hospitalisé en psychiatrie

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Après avoir tué de deux coups de couteau Moussa Dieng, un ambulancier qui se présentait à son domicile de Besançon, samedi 28 août, un quadragénaire a été hospitalisé en psychiatrie lundi.

L’homme qui a poignardé samedi 28 août Moussa Dieng, un ambulancier qui se présentait à son domicile de Besançon, a été admis en service de psychiatrie ce lundi. D’après le procureur de la République, Étienne Manteaux, cité par l'AFP, « son état de santé mentale n'était pas compatible avec une garde à vue et une décision d'hospitalisation sans consentement a été prise par le préfet ».

Reste désormais à découvrir « l'état psychique dans lequel il se trouvait au moment des faits », a ajouté Étienne Manteaux, tout en annonçant avoir ouvert une information judiciaire pour « homicide volontaire » et « tentative d'homicide ». Le procureur a requis la mise en examen, qui doit être prononcée dans un délai de dix jours. Si le suspect est ensuite placé en détention provisoire, comme le désire le parquet, il sera soumis à un double statut d'incarcération et d'hospitalisation dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).

Trois jours plus tôt, dans la matinée du samedi, le suspect, connu depuis vingt ans pour de lourds problèmes psychiatriques, se montre agressif et agité. Inquiète, sa mère téléphone au Samu pour que son fils soit pris médicalement en charge. Deux ambulanciers, parmi lesquels se trouve Moussa Dieng, se rendent à son domicile, dans le quartier Planoise de Besançon. Le quadragénaire ouvre sa porte aux professionnels puis la referme. Très nerveux, il évoque « des gens voulant attenter à sa vie », note Étienne Manteaux.

Il rouvre ensuite la porte et assène deux coups de couteau au thorax de Moussa Dieng. Dans sa frénésie, il blesse également un de ses voisins de quatre coups. Le forcené, qui avait déjà été condamné pour des violences en 2006, tente aussi de s’en prendre à un père de famille, accompagné de son fils de sept ans. Après avoir été blessé à l’oreille, l’homme réussit à le désarmer. Entre-temps, l’opérateur du Samu a prévenu le Centre d'Information et de Commandement (CIC) de la police de Besançon. Une brigade arrive au pas de course. Malheureusement, Moussa Dieng décède quelques heures plus tard à l’hôpital où son collègue l’a transporté.

Pas de dysfonctionnement

Le procureur reconnaît qu’à cinq minutes près, le drame n’aurait probablement pas eu lieu. Pour autant, il n’a pas relevé, à ce stade, « de dysfonctionnement majeur » entre les services. Selon lui, « l'usage n’est pas de systématiser l’intervention de patrouilles de police ou gendarmerie aux côtés de pompiers ou ambulanciers. La question des moyens engagés et disponibles dans ce genre de situation est à poser à l'exécutif ».

Un avis partagé par Abdo Khoury, médecin urgentiste au Samu Urgences de Besançon et président de la Société européenne de médecine d'urgence (EUSEM), que Marianne a pu interroger. « Quand la régulation du Samu a une notion de dangerosité à l’appel, les médecins régulateurs engagent les forces de l’ordre systématiquement à nos côtés, c’est qui a été fait dans ce cas précis. Mais on ne peut généraliser ce type "d’escorte" car ce n’est absolument pas réalisable. Les policiers et gendarmes sont sollicités sur de nombreuses interventions », explique-t-il.

Revaloriser le statut des ambulanciers

Et la sécurité des ambulanciers n’est pas le seul enjeu majeur en médecine d’urgence. Pour Abdo Khoury, ils « ne sont pas considérés à leur juste valeur. Ils sont sous le régime du transport routier, et pas du tout assimilés à des soignants ». Pourtant, ces professionnels « prennent en charge des malades parfois graves, parfois en choc, voire en arrêt cardiaque. Ils doivent assurer les gestes de premier secours, en attendant l’arrivée du Samu », affirme-t-il. Logiquement, l’État devrait reconnaître « ces compétences, en revalorisant leurs statuts et en revalorisant les tarifs du transport sanitaire ». Les entreprises d’ambulances pourraient ainsi recruter plus d’ambulanciers, « avec des salaires décents ».

Originaire du Sénégal et père de deux enfants de deux et sept ans, Moussa Dieng est décrit comme un homme généreux qui avait « décidé de dédier sa vie professionnelle aux autres », comme l’a rappelé le ministre de la Santé, Olivier Véran. Il était « très apprécié, d’une gentillesse extrême, et d’un grand professionnalisme. On pouvait compter sur lui pour prendre en charge des malades, parfois aux pathologies compliquées », renchérit Abdo Khoury qui l’a bien connu.

Le centre Jussieu Secours, où l'ambulancier officiait, a annoncé une minute de silence, mercredi 1er septembre, à midi, partout en France. En outre, il a ouvert dimanche une cagnotte en ligne dans le but d’aider sa famille, restée au Sénégal. Moussa Dieng devrait être y être prochainement rapatrié. Tout un symbole pour celui qui souhaitait, à terme, créer sa propre entreprise dans son pays natal pour continuer de mener à bien la mission qui lui tenait le plus à cœur : aider autrui.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne