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LR mis au pas, la Nupes claque la porte... l'abrogation de la retraite à 64 ans rejetée en plein chaos
Charles de Courson.
Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

LR mis au pas, la Nupes claque la porte... l'abrogation de la retraite à 64 ans rejetée en plein chaos

Récit

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Les députés étaient réunis en commission des Affaires sociales ce mercredi 31 mai pour examiner une proposition de loi du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) visant à abroger le recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Un combat perdu par les tenants du texte, sur fond d'invectives et d'obstruction, au terme d'une séance délétère.

« C'est une honte ! » ; « Vous vous croyez où, là ? » ; « Woh ! »… C'est peu dire que la séance de mercredi 31 mai en commission des Affaires sociales a offert un visage des plus agités de la législature élue il y a un an. Les députés, venus en nombre assister aux débats sur la proposition de loi (PPL) du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) visant à l'abrogation du report de l'âge à la retraite à 64 ans, se sont écharpés tout au long des échanges. Pour quel résultat ? L'article 1er, celui portant sur cette mesure d'âge, a été rejeté à 38 voix contre 34 et une abstention. Une première passe d'armes avant la seconde qui se tiendra le 8 juin, lors de la niche parlementaire de Liot.

Un résultat à rebours du vœu formulé par le rapporteur (Liot) Charles de Courson, à l'initiative de cette proposition de loi, qui revendiquait en préambule une « occasion de sortir par le haut » de la contestation de la réforme du gouvernement, adoptée via 49.3 et promulguée mi-avril. Réputé à cheval sur l'équilibre budgétaire de l'État, le député de la Marne a pris, de façon surprenante, la tête de la contestation parlementaire. Mais n'a pas pris soin de « gager » – compenser financièrement – suffisamment son texte, prévoyant seulement une nouvelle taxe sur le tabac.

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« ll existe de nombreuses pistes qui n'ont pas été explorées », avait-il toutefois objecté, envisageant par exemple « une contribution plus élevée des revenus du patrimoine ». Et ce, afin de ne pas tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution, qui prévoit que nulle proposition de loi ne peut créer une charge financière pour l'État. Or, l'exécutif ne cesse de marteler que cette « PPL » grèverait les caisses de l'État à hauteur de 17,7 milliards d'euros à horizon 2030.

Le plan de Macron a marché

Dans le camp présidentiel, le député Renaissance de Paris Sylvain Maillard a immédiatement dénoncé, lors de cette séance de la commission des Affaires sociales, l'« arnaque » d'une proposition de loi « inconstitutionnelle », qui « ne sera jamais votée au Sénat », à majorité Les Républicains (LR). Avant de critiquer le revirement de Charles de Courson, longtemps une « référence de rigueur budgétaire ». L'occasion pour les marcheurs de marquer quelques points, aussi, alors qu'une nouvelle mobilisation se tiendra le 6 juin dans la rue contre la réforme du gouvernement. Deux jours avant l'examen du texte de Liot dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Pas de quoi rasséréner l'exécutif, qui craint que le calendrier n'agrège une majorité de circonstance contre lui.

Ce dernier s'est creusé les méninges pour éviter la déroute. La solution a finalement émergé : faire supprimer en commission l'article 1er, ramenant l'âge légal de départ à 62 ans, pour forcer sa réintroduction via amendement dans l'hémicycle au moment de la niche parlementaire de Liot. Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, n'aura alors plus qu'à déclarer irrecevable cette « nouvelle » disposition.

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Dans son entreprise de détricotage du texte, le camp présidentiel a pu compter, ce mercredi, sur un allié de choix. La veille, le groupe Les Républicains avait discrètement changé sa composition à la commission des Affaires sociales à la dernière minute, substituant aux députés LR qui avaient voté la motion de censure contre le gouvernement mi-mars des élus disposés à voter de concert avec la majorité. « Je pense que la majorité des députés Les Républicains n'ont pas envie de participer à cette facétie qu'est cette proposition de loi », déclarait ainsi le chef de file du groupe de droite, Olivier Marleix, actant par-là son ralliement officiel à la position du gouvernement.

Obstruction

De quoi faire enrager le député RN du Loiret Thomas Ménagé, qui ne s'est pas embarrassé de nuance : « J'ai une pensée particulière pour Thibault Bazin et Madame Gruet [les députés supplantés] qui ont été méprisés par leur propre président de groupe, tout cela pour mettre des playmobils », s'est-il emporté, qualifiant LR de « complice » et de « bouée de la Macronie ». « Vous devriez avoir honte », a-t-il conclu. Le groupe Rassemblement national avait, lui, prévu de soutenir le texte d'abrogation « face aux tentatives de sabordage de la Macronie ».

Les députés de gauche n'ont pas non plus été en reste de manœuvres. Dès 9 h 30 ce matin, les débats ont démarré par un imbroglio autour du manque de places assises dans une salle bondée, que les journalistes ont été contraints de quitter – provoquant quelques minutes de retard. En cause, la présence en masse de députés Nupes, venus assister à la séance, en plus des 73 élus siégeant à la commission. « Nous ne laisserons pas l'exécutif museler la représentation nationale », ont prévenu les quatre groupes de la coalition, promettant d'utiliser « tous les moyens possibles » pour riposter au camp présidentiel.

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Dans une ambiance survoltée, la gauche n'a pas manqué « d'alerter sur des conditions d'examen » empêchant « un débat serein ». Sur les réseaux sociaux, le fondateur de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a fustigé le « consternant comportement en commission au Parlement de la Macronie pour empêcher la fin de la retraite à 64 ans » : « Salle trop petite, observateurs expulsés, intimidation à tout va. La Macronie est-ce encore la démocratie ? », a-t-il fait mine de s'interroger.

Le leader insoumis ne mentionnait toutefois pas l'agit-prop de sa propre famille politique. Une stratégie visant à faire traîner les débats et ne pas parvenir au vote. Seul moyen de présenter, tel quel, le texte de Liot le 8 juin dans l'hémicycle et de sauver son article 1er. Sans succès, en dépit des quelque 982 sous-amendements déposés sur ce seul article. Quelques minutes avant midi, la présidente de la commission des Affaires sociales, Fadila Khattabi (Renaissance), s'est lancée dans un long appel où chacun des députés siégeant annonçait son vote. Et, après décompte, la sentence est tombée : « Pour 38, contre 34 et nous avons une abstention. En conséquence, l'article 1er est supprimé ».

Huées, naturellement, sur les bancs des oppositions. Mais un autre événement fera s'étrangler la Nupes. Peu avant l'examen de l'article 2, la présidente de commission annonçait avoir pris la décision, avec les membres de son bureau, de « poursuivre l'examen du texte tel qu'il est arrivé en commission » et de ne pas prendre « en compte la pléthore de sous-amendements déposés » (plus de 2000). Ce à quoi la gauche a répliqué en quittant, comme un seul homme, la salle, pour ne pas y revenir, laissant les débats se poursuivre sans elle.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne