Accueil

Politique Macron
Emmanuel Macron, François Bayrou : s'allier, c'est regarder ensemble vers la même direction.
Emmanuel Macron, François Bayrou : s'allier, c'est regarder ensemble vers la même direction.
AFP

Réforme des retraites : Macron accepte de négocier… avec sa majorité

Sortir du piège

Par

Publié le

Pas de passage en force mais une réforme des retraites avant la fin de l’hiver : le chef de l’État a été obligé de tenir compte des mises en garde émanant notamment de son allié François Bayrou.

À en croire ce participant au dîner de la majorité mercredi soir à l’Élysée, autour de la table, personne n’aurait perdu. Ni François Bayrou qui ne voulait pas entendre parler d’un « passage en force » c’est-à-dire du vote de la réforme des retraites via un amendement dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale. Ni Bruno Le Maire qui peut toujours compter depuis Bercy sur un texte voté avant l’été 2023 et « qui aura donc ses trois milliards ». Et encore moins la première ministre Élisabeth Borne dont l’autorité n’est pas bafouée puisqu’elle a annoncé elle-même à l’Agence France presse la solution retenue par le chef de l’État : un nouveau rond de concertations de trois mois en vue d’un projet de loi distinct adopté, « avant la fin de l’hiver ». Quant à Emmanuel Macron, il a momentanément desserré l’étau qui l’encerclait depuis que l’opération « amendement » a échoué. « C’est incroyable cette séquence, avec cette histoire d’amendement, on a réussi à se mettre dans un piège infernal. À se demander si on a un pilote », osait mercredi après-midi une figure de LREM.

À LIRE AUSSI : L'arnaque cachée de la réforme des retraites

Mais en réalité, cette longue soirée à table a rebattu les cartes au sein de la macronie. S’y est opposé le camp de ceux qui voulaient aller très vite : Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Gabriel Attal, Stéphane Séjourné, Olivier Véran… et ceux, minoritaires, qui souhaitaient prendre le temps de la concertation : François Bayrou en première ligne et derrière, Franck Riester, Olivier Dussopt, ainsi qu’Élisabeth Borne. Dans son coin, Edouard Philippe « n’était ni pour ni contre, bien au contraire », raille un convive. Comme un automne 2018 à l’envers. À l’époque, le maire de Pau militait pour un renoncement rapide à la hausse de la taxe carbone, l’Élysée ne l’avait pas écouté. Un choix que l’exécutif avait payé comptant avec la montée en puissance des Gilets jaunes.

Rester groupés

Cette fois-ci, le Béarnais, bien que minoritaire autour de la table, a été entendu. Il en a profité pour pousser sa vision de la réforme. « Qui sont nos alliés ? Pas la Nupes ni le RN ! Il faut parler au grand courant réformiste du pays qui comprend la CFDT, l’Unsa. Vous ne pouvez pas vous fâcher avec ces gens-là. On doit les respecter, on a une communauté d’inspiration », a lancé le patron du Conseil national de la refondation avant d’expliquer qu’il fallait aussi tenter de convaincre les Français : « On peut donner des éléments précis pour qu’ils se forgent une opinion. » Comme s’il était désormais le garant de cette « nouvelle méthode », que défend Emmanuel Macron depuis sa réélection.

Mercredi soir, le « pilote » de l’Élysée a attendu le moment du fromage pour livrer son arbitrage. De mémoire de macroniste, c’est bien la première fois que le président de la République dévoile ainsi son jeu devant ses troupes. « D’ordinaire, ce genre de dîner n’est jamais conclusif, il écoute tout le monde et il décide après », observe un participant. Comme le symbole d’une nouvelle ère : Emmanuel Macron qui navigue sous la pression d’une majorité relative, n’a plus d’autre choix que de tenir compte des observations de ses alliés. « On se trompe d’analyse, pour lui, le principal danger, ce n’est pas l’opposition, observait un ministre à la rentrée. Non, l’essentiel est que la majorité reste groupée. » Une majorité qui va vite lorgner vers 2027 alors que le président de la République ne pourra, constitutionnellement, plus se représenter.

À LIRE AUSSI : Retraite à 65 ans : six chiffres pour démonter la réforme de Macron

Emmanuel Macron s’est donc laissé un peu de temps avant que « la mère des réformes », n’arrive au parlement. Sur le fond, les interrogations demeurent toujours aussi vives : « Moi je préférais passer Noël avec une réforme votée, souffle un compagnon de route. On ne sait pas quel sera le climat en début d’année. » Un autre soupire : « Ce sera très dur à la fin de faire passer ce texte. »

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne